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Principaux critères de décision du Juge d’Application des Peines (JAP)

Cette synthèse a été en partie réalisée à partir du témoignage de plusieurs Juges d’Application des Peines.

Le Juge d’Application des Peines est le magistrat référent lorsque la condamnation privative ou restrictive de liberté devient définitive. Il est compétent pour octroyer, contrôler et sanctionner les mesures d’aménagement de peine prononcées sur la base d’un rapport du Conseiller Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (CPIP) ou sur réquisition du procureur  de la République (Art 712-4 CPP).

Les décisions d’aménagements de peines du JAP se font en débat contradictoire avec la personne concernée.

Décision du Conseil Constitutionnel n°2020-884 QPC du 12 février 2021 M. Jacques G.

« Lorsque le condamné est un majeur protégé, ni les dispositions contestées, ni aucune autre disposition législative n’imposent au juge de l’application des peines d’informer son tuteur ou son curateur afin qu’il puisse l’assister en vue de l’audience. Or, en l’absence d’une telle assistance, l’intéressé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles, et ainsi opérer des choix contraires à ses intérêts. Faute de prévoir en principe une telle information, ces dispositions méconnaissent les droits de la défense. Censure. »

Le JAP tenu par la demande d’aménagement de peine faite par le condamné. Toutefois, jusqu’au jour du débat contradictoire et y compris pendant le débat, l’intéressé peut solliciter une autre mesure d’aménagement de peine que celle sollicitée au départ. Le JAP ou la Chambre d’Application des Peines n’est pas tenu d’examiner cette demande.

Le JAP doit prendre en considération les intérêts de la victime ou de la partie civile au regard des conséquences éventuelles de ses décisions.

Les décisions du JAP sont susceptibles d’appel devant la Chambre de l’Application des Peines (CHAP) dans un délai de 10 jours.

Le JAP est assisté dans ses missions par les CPIP. Les entretiens individuels que ceux-ci ont avec les personnes sous main de justice leur permettent d’évoquer avec elles les modalités du déroulement de la peine prononcée et d’envisager, en accord avec elle, les éventuels aménagements de peine pouvant être proposés au juge. Une fois l’aménagement décidé (il en va de même pour une peine alternative prononcée dès le jugement), le CPIP veille au respect des obligations et interdictions définies par les magistrats.

Le JAP  peut procéder ou faire procéder sur l’ensemble du territoire national à tous examens, auditions, enquêtes, expertises, réquisitions permettant de rendre une décision d’individualisation de la peine ou de s’assurer qu’un condamné respecte les obligations qui lui incombent (Art.712-16 CPP).

Afin d’apprécier la demande d’aménagement de peine, le JAP prend en considération les éléments factuels que sont la nature, la gravité et la durée des faits, le lieu de commission par référence (lieu de résidence de la victime) et la date de la commission des faits.

Il prend également en compte de nombreux éléments de personnalité du condamné :

A. La situation professionnelle :

L’aménagement de peine n’est pas conditionné à l’emploi. Il peut notamment être prononcé en cas de recherche d’emploi ou de l’existence d’efforts sérieux de réadaptation, c’est-à-dire d’une implication dans un projet d’insertion et de probation, laquelle doit être prouvée par les pièces apportées à l’audience et par le rapport du CPIP. L’aménagement choisi peut être influencé par l’activité exercée (planning variable, non-réintégration quotidienne du domicile…).

B. L’hébergement :

En cas d’hébergement précaire ou instable, le JAP choisira plutôt le placement extérieur ou la semi-liberté plutôt que la DDSE.

Afin de maximiser les chances d’obtenir un aménagement de peine, il est donc primordial d’avoir un hébergement ou au logement adapté aux besoins de la personne (structure d’hébergement, structure médico-sociale, etc.). Il convient de se rapprocher du SPIP en vue d’engager les démarches. Toute demande d’hébergement ou de logement adapté doit être adressée au Service Intégré d’Accueil et d’Orientation[1] (SIAO), présent dans chaque département. Si la personne détenue présente un handicap justifiant une prise en charge dans une structure médico-sociale, une demande devra être déposée auprès de la MDPH en vue d’une décision d’orientation vers l’établissement adapté à sa situation (foyer d’accueil médicalisé, maison d’accueil spécialisé, etc.). Des associations gestionnaires de structures d’hébergement ou de structures médico-sociales sont susceptibles d’accueillir les personnes atteintes de troubles psychiques, notamment les membres de la Fédération des acteurs de la solidarité[2] (anciennement FNARS), de la Fédération Santé Habitat[3] (gestionnaire d’Appartements de Coordination Thérapeutique), du réseau des Centres d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS)[4] et l’Association l’Îlot[5]. Enfin, il est possible de recourir à des dispositifs spécifiques. A titre d’exemple, le programme « Un chez soi d’abord »[6] présent dans de nombreuses villes en France, destiné à des malades psychiques sans solution d’hébergement, dont des sortants de prison, repose sur un accès direct au logement avec un fort accompagnement social et médical.

Le site de l’UNAFAM propose un répertoire des structures sociales et médico-sociales pouvant accueillir des personnes malades psychiques : http://www.unafam.org/-Les-structures-specialisees-.html

Certaines de ces structures sont conçues exclusivement pour les personnes handicapées psychiques, d’autres ne sont pas exclusivement consacrées au handicap psychique mais les accueillent en nombre significatif et dans des conditions adaptées. L’UNAFAM est organisée en délégations départementales présentes sur l’ensemble du territoire national, en lien avec les directions départementales des Agences Régionales de Santé et les Maisons Départementales du Handicap, auprès desquelles peuvent être demandées des informations fines sur les structures sanitaires et médico-sociales locales propres à la psychiatrie.

C. La situation pénale et le parcours pénal

Le JAP apprécie la volonté de changement, afin de vérifier l’adhésion du condamné au projet d’aménagement. Il s’appuie pour cela sur l’enquête du SPIP ainsi que sur l’entretien avec l’intéressé. Il s’intéresse aux antécédents judiciaires du condamné, afin de savoir si l’infraction pour laquelle il a été condamnée est isolée ou non. Si de précédentes mesures d’aménagement ont été prises, le JAP regarde si elles ont échoué, s’il y a eu des retraits de mesures ou des révocations de sursis et les dates de ces retraits et révocations.

D’autres éléments peuvent être pris en compte :

la situation familiale, les moyens de locomotion disponibles (possession du permis de conduire…), la situation financière (ressources et charges)…


[1] circulaire interministérielle du 13 mai 2016 relative à la coordination entre les SIAO et les SPIP pour l’accès à l’hébergement et au logement des personnes sortant de détention ou faisant l’objet d’une mesure de placement à l’extérieur

[2] http://www.federationsolidarite.org/

[3] http://www.sante-habitat.org/

[4]http://annuaire.action-sociale.org/etablissements/readaptation-sociale/centre-hebergement—reinsertion-sociale–c-h- r-s—214.html

[5] https://ilot.asso.fr/

[6] https://www.youtube.com/watch?v=l_rFTfvxgc0

Chapitres connexes :
  • Introduction : le sens de la peine
  • Eviter la détention avant jugement
  • Eviter l’incarcération au moment du jugement : les peines alternatives
  • L’exécution de la peine d’emprisonnement hors les murs de la prison
  • Le suivi socio-judiciaire (SSJ)
  • Éviter l’exécution de l’incarcération après la condamnation
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