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Pourquoi ce «kit» ?

Le métier d’avocat est sans aucun doute l’un des plus beaux qui soient, mais il peut s’avérer très difficile à assurer lorsque la personne dont on prend la défense tient des discours irrationnels, se drape dans le mutisme ou nie toute responsabilité dans les actes ayant entrainé les poursuites contre l’évidence.

Parmi les clients adoptant ce type d’attitude figurent des personnes atteintes de troubles psychiques, manifestation de maladies graves considérées jusque récemment comme sans rémission : schizophrénie, troubles bipolaires, dépression sévère, etc.

L’Union Nationale de Familles et Amis de Personnes Malades et/ou Handicapées Psychiques (UNAFAM), est une association reconnue d’utilité publique forte de 15.200 familles adhérentes, qui apporte  formation, et aide – sous toutes ses formes – aux familles dont un proche est sujet à des troubles psychiques. Parmi ses membres, un certain nombre de familles, apprenant que leur fils, fille, frère, sœur, père, mère, …, hospitalisé pour des soins sans consentement ou placé en garde à vue puis mis en examen suite à une présomption de délit, pouvait souhaiter l’assistance d’un avocat, se sont demandées en quoi elles pourraient aider ce défenseur de l’être cher.

En 2018, l’UNAFAM a publié un guide intitulé « Comment aider un proche malade psychique confronté à la justice pénale », actualisé en septembre 2020, auquel ont collaboré plusieurs praticiens du droit, dont des avocats https://www.unafam.org/besoin-d-aide/mediatheque/publications-de-lunafam/comment-aider-un-proche-malade-psychique

Elle a aussi formé une cinquantaine de ses bénévoles, répartis dans l’ensemble des régions, pour apporter une écoute attentive et des soutiens aux familles qui s’adressent à elle à travers ses « accueils » dans les délégations départementales et à travers son service « Ecoute Familles » (https://www.unafam.org/besoin-daide/une-ligne-decoute) au niveau national. Ces « référents parcours pénal » dirigent éventuellement leurs interlocuteurs vers des avocats qui ont montré une capacité particulière d’attention pour les personnes vivant avec des troubles psychiques.

C’est en dialoguant avec un certain nombre de ces avocats engagés et d’autres professionnels du droit autour d’idées partagées qu’est née l’idée d’une plateforme de ressources pouvant aider d’autres professionnels du droit, moins familiers des personnes malades et/ou en situation de handicap psychique, à préparer leurs plaidoiries en défense de ces derniers : une boite à outils, un « kit » à assembler selon ses besoins.

Ce « Kit d’aide à la préparation de la défense d’un client atteint de troubles psychiques » est ainsi le fruit de convictions partagées entre une association de familles et des praticiens du droit : avocats, magistrats et universitaires.

Il est fondé sur des convictions partagées entre une association de familles et des praticiens du droit : avocats, magistrats et universitaires. Les principales sont que :

  1. Les maladies psychiques demeurent très mal connues hors du monde de la psychiatrie, et encore plus les traitements qui, aujourd’hui permettent, dans une proportion de plus en plus élevée, une stabilisation des symptômes gênants favorisant ainsi la  réinsertion des personnes « rétablies » leur permettant  une véritable intégration dans la société, même si subsistent des limitations (handicap psychique).
  2. Les préjugés très largement partagés par la population sur la dangerosité des personnes vivant avec des troubles psychiques, bien que démentis par les statistiques mais entretenus par les médias, affectent largement les décisions de justice.
  3. La loi pénale, en organisant, avec l’article 122-1, la réflexion des magistrats de façon binaire autour des notions d’abolition et d’altération du discernement, tourne le dos aux avancées de la psychiatrie depuis une décennie qui, avec l’aide des neurosciences, ont permis de comprendre que les troubles psychiques en phase aigüe peuvent souvent combiner une part de discernement avec une perte totale de la maîtrise de ses actes.
  4. Les magistrats ne trouvent guère dans les expertises qu’ils demandent dans les procédures pénales de réponses aux questions qu’ils se posent du fait du simplisme de la loi.
  5. Le développement de la procédure des comparutions immédiates a restreint significativement la possibilité, pour avocats et magistrats, de prendre en compte l’existence de pathologies psychiatriques de mis en examen qui échouent ensuite, dans une proportion anormalement élevée, dans les établissements pénitentiaires.
  6. Alors que les malades psychiques ont besoin de soins de qualité, la prison n’est que très rarement un espace qui les leur procure.
  7. Lorsque l’irresponsabilité pénale n’est pas reconnue, les peines alternatives et aménagements de peine en milieu ouvert sont généralement la solution la plus adaptée, car ils permettent la mise en place de soins.
  8. La psychiatrie, faute de moyens et de réformes organisationnelles structurantes, restreint encore trop fréquemment les droits des patients qui lui sont confiés pour des soins sans consentement. Alors que les pratiques d’isolement et de contention ne devraient être qu’exceptionnelles selon la loi, elles sont quasi-systématiquement appliquées lorsqu’il s’agit de détenus transférés.
  9. La loi de santé, en instituant en 2011, obligatoirement dans les douze jours suivant l’admission en soins psychiatriques sans consentement, l’audience devant le juge des libertés et de la détention a donné à ce magistrat une responsabilité très difficile à assurer en bornant son rôle au contrôle de la régularité de la procédure. La LFSS du 14 décembre 2020 a étendu ce rôle au contrôle des durées d’isolement et de contention sans lui donner les moyens de le faire réellement.
  10. La protection qu’organise la loi pour les majeurs sous tutelle ou curatelle se trouve fortement amoindrie par une interprétation jurisprudentielle considérant que les autorités publiques ne sont soumises qu’au respect d’une obligation de moyens.

Ces dix convictions partagées ont servi de matrice pour définir les différentes composantes de ce kit, « work in process » qui sera amélioré au fur et à mesure des apports de ses utilisateurs.

Chaque défenseur s’y référant est, bien entendu, libre, s’appuyant sur son éthique professionnelle, d’en faire l’usage qui lui paraîtra le plus indiqué en accord – lorsque c’est possible – avec son client.

Il est un sujet sur lequel les auteurs n’ont pu parvenir à un consensus en ce qui concerne le procès au pénal : partant du constat fait par plusieurs études scientifiques que les peines, infligées en correctionnelle ou en Cour d’assises à des prévenus dont la pathologie psychiatrique est connue des juges, sont, au mépris de la loi, en moyenne plus lourdes que celles appliquées à des personnes n’ayant pas une telle pathologie ou dont la pathologie psychiatrique est ignorée, deux opinions se sont faites jour:

  • Celle qu’il vaut mieux, aux différentes étapes de la procédure pénale, passer sous silence la pathologie psychiatrique, et encore plus si la personne refuse qu’elle soit connue des juges, en se gardant de demander une expertise ; 
  • Celle qu’il vaut mieux au contraire mettre en avant cette pathologie pour obtenir soit la reconnaissance de l’irresponsabilité pénale, soit le bénéfice des réductions de prévues à l’article 122-1 CP, s’appuyant sur la mise en valeur  des possibilités thérapeutiques existant aujourd’hui pour conduire les personnes malades psychiques sur la voie d’un « rétablissement » conduisant à leur réinsertion sociale.

A chaque défenseur, en fonction de son intime conviction, que ce kit vise aussi à l’aider à se forger, de choisir entre les deux attitudes.

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