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L’admission en soins sans consentement sur décision du représentant de l’Etat (SDRE)

La procédure de mise en œuvre des soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’Etat dans le département (SDRE) est développée dans le chapitre « Admissions en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l’Etat » du Code de la Santé Publique. Dans ce chapitre se trouve également l’article L. 3213-2 afférent aux mesures provisoires prises par les maires ou, à Paris, par les commissaires de police.

L’article L. 3213-1 du Code de la santé publique dispose :

« I – Le représentant de l’Etat dans le département (le préfet) prononce par arrêté, au vu d’un certificat médical circonstancié ne pouvant émaner d’un psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil, l’admission en soins sans consentement dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 des personnes dont les troubles mentaux nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public. Les arrêtés sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaire. Ils désignent l’établissement mentionné à l’article L. 3222-1 qui assure la prise en charge de la personne malade ». 

A. Le risque d’atteinte à la sûreté des personnes ou d’atteinte grave à l’ordre public :

La notion de « sûreté des personnes » est également présente dans l’article L. 3213-2.  Ainsi, le risque d’atteinte à la « sureté des personnes » peut justifier tout aussi bien une mesure de SDRE prise par un préfet qu’une mesure provisoire prise par un maire, ou un commissaire à Paris.             

En l’absence de dangerosité de la personne, la mainlevée sera ordonnée par le juge :

« S’il ne résulte pas des articles L. 3213-1, L. 3213-3 et R. 3213-3 du Code de la santé publique l’exigence de la mention, dans le certificat médical circonstancié qu’ils prévoient, que les troubles nécessitant des soins « compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte, de façon grave, à l’ordre public », une telle qualification doit néanmoins ressortir de la décision préfectorale.

Il résulte de ces éléments que K présente des troubles exigeant des soins, même si son conseil a parfaitement objectivé la réalité des problèmes de voisinage dont seule l’expression revêt un aspect délirant.

Toutefois l’impossibilité de son consentement aux soins nécessaire ne résulte pas du dernier certificat alors qu’il a déclaré formellement avoir besoin d’un suivi que sa famille s’engage à le faire adopter selon son Conseil.

En outre il ne peut qu’être constaté que le danger pour la sûreté des personnes qu’il aurait présenté n’est pas objectivé par le seul état qu’il a présenté en l’absence de tout élément d’agressivité envers lui-même ou les autres et que les circonstances, certes singulières an lesquelles il a souhaité déposer plainte, ne peuvent être analysées en u trouble à l’ordre public ;

En conséquence il y a lieu d’infirmer la décision entreprise et d’ordonner la mainlevée de la mesure d’hospitalisation. » (CA Paris, 25 août 2017, n°17/00371)

La simple référence au concept de « dangerosité » ne suffit pas à caractériser le risque d’atteinte à l’ordre public et à la sécurité des personnes. 

C’est pourquoi, dans un arrêt du 31 mars 2021, la Cour de cassation a cassé l’ordonnance autorisant le maintien en hospitalisation complète d’une personne au motif que le juge de la Cour d’appel s’était uniquement basé sur « le potentiel de dangerosité [du requérant] sans indiquer en quoi cette dangerosité psychiatrique était de nature à compromettre la sécurité des personnes ou à porter gravement atteinte à l’ordre public ».  

Selon l’interprétation doctrinale majoritaire, le législateur ayant employé le pluriel (« des personnes »), la mesure ne peut être prise dans le cas où le risque grave ne compromet que la sûreté de la personne qu’il s’agit de soigner. Cependant, les pratiques préfectorales et municipales témoignent d’approches pragmatiques de la situation des patients qui développent des idées suicidaires. Ce pragmatisme n’exclut pas le recours aux admissions en SDRE ou aux mesures provisoires, dès lors qu’il faut faire face à des situations d’urgence dans lesquelles il n’existe pas de tiers ayant « qualité pour agir dans l’intérêt » du malade, et où il n’y a pas de possibilité de procéder à un examen clinique de la personne.

Lorsqu’il existe un risque d’atteinte grave à l’ordre public, l’admission en soins sans consentement n’est toutefois possible que dans le cadre de la procédure préfectorale. La notion d’ordre public est bien cernée en droit administratif :

  • définie par ses composantes de sécurité publique, tranquillité publique et salubrité publique ;
  • ne comportant pas la moralité publique.

Si la Cour européenne des droits de l’homme n’ignore pas l’ambiguïté du concept et les risques possibles d’orientation malheureuse vers les services de psychiatrie, elle reconnait le bien-fondé d’une mesure d’internement prise sur le fondement d’un motif d’ordre public dès lors qu’elle ne perçoit pas de dérive sécuritaire dans la mise en œuvre de la mesure (CEDH, HUTCHINSON REID c/ Royaume-Uni, 20 février 2003, n°50272/99, http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-65510https://hudoc.echr.coe.int/eng – {%22appno%22:[%2250272/99%22],%22documentcollectionid2%22:[%22GRANDCHAMBER%22,%22CHAMBER%22],%22itemid%22:[%22001-65510%22]}).

Jean-Marc PANFILI explique que, dans le cas de mesures prises par le préfet, comme dans le cas de mesures provisoires, « la Cour de cassation a précisé que les certificats et avis médicaux… n’exigent pas la mention que les troubles compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public. » En effet, l’article R. 3213-3 du Code de la santé publique se limite à préciser :

« Les certificats et avis médicaux établis …  sont précis et motivés. Ils sont dactylographiés.

Lorsqu’ils concluent à la nécessité de lever une mesure …, ils sont motivés au regard des soins nécessités par les troubles mentaux de la personne intéressée et des incidences éventuelles de ses troubles sur la sûreté des personnes ». 

Ainsi, en application de la deuxième phrase de l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique « une telle qualification (relève), sous le contrôle du juge, du seul pouvoir du préfet » (Cass, Civ 1, 28 mai 2015, n°14-15686, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030653178&fastReqId=1311055908&fastPos=1)[1].

B. L’arrêté préfectoral et le certificat médical

a. L’arrêté préfectoral :

L’article L. 3213-1 du Code de la santé publique énonce que : « … Les arrêtés préfectoraux sont motivés et énoncent avec précision les circonstances qui ont rendu l’admission en soins nécessaires », à partir des informations contenues dans les certificats médicaux conformes aux indications de l’article R. 3213-3. Le lien entre la motivation de l’arrêté et le « certificat médical circonstancié » est essentiel. Ainsi une ordonnance de la Cour d’appel de Grenoble a estimé que l’arrêté d’une mesure de soins sans consentement était insuffisamment circonstancié au fond, dès lors que les deux conditions cumulatives de l’état de santé psychiatrique et de la compromission de la sûreté des personnes ou de l’atteinte grave à l’ordre public n’étaient pas certifiées (ordonnance de mainlevée du 12 mai 2014, n°14/00014, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028952608&fastReqId=1805857999&fastPos=4).

  • Antériorité de la décision du préfet

Selon la jurisprudence du Conseil d’Etat, mais aussi un avis de la Cour de cassation du 11 juillet 2016 la décision du préfet doit précéder l’admission effective du patient. 

Toutefois, la Cour de cassation précise qu’un bref délai est susceptible de s’écouler entre l’admission et la décision du préfet et elle accepte que la décision du préfet soit « retardée le temps strictement nécessaire à l’élaboration de l’acte, qui ne saurait excéder quelques heures […] au-delà de ce bref délai, la décision est irrégulière ».  

Dans son commentaire de l’avis de la Cour de cassation, Jean-Marc Panfili explique que : ces « quelques heures » n’ont pas de limites claires, mais « sembleraient cependant inclure le temps de transmission des pièces requises, et d’élaboration matérielle de l’acte ». Cet avis se situe donc dans la ligne de la jurisprudence du Conseil d’Etat (CE, 18 octobre 1989, n°75096, Mme BROUSSE,  17 novembre 1997, n°155196,  et indique « qu’au-delà du bref délai d’élaboration, la décision sera irrégulière. Il appartiendra au juge de vérifier s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne »[2].

Il en est également ainsi lorsqu’il s’agit de la réintégration d’un patient qui se trouve en programme de soins. Ainsi, le JLD de Perpignan (18 septembre 2012, n°12/477),  a ordonné la mainlevée d’une mesure de réintégration d’un patient qui était en programme de soins, dès lors que l’arrêté de réadmission n’avait été pris par le préfet que le lendemain. Voir, dans le même sens, dans le cas d’un délai de 3 jours, l’arrêt de la Cour d’appel de Chambéry du 22 septembre 2022 (22/00145).

Qu’il s’agisse d’une décision préfectorale d’admission ou de réintégration d’un patient en hospitalisation complète, le formalisme est le même (CA Versailles, 10 juillet 2014, n°14/04955, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2014-07-10-ca-versailles-mainlevee-hc-reintegration-pg-de-soins.pdf ; 15 septembre 2015, n°15/06413)[3].

  • Décision du préfet et certificat médical

Ainsi, lorsqu’un préfet établit un arrêté d’admission ou de réintégration (Conseil d’Etat, 9 novembre 2001, n°235247, Deslandes), au vu d’un certificat circonstancié et en référence au diagnostic de dangerosité qui ressort du document médical, il doit agir en conformité avec l’article L. 3213-1 du Code de la santé publique, et par suite :

  • s’approprier le contenu du certificat médical circonstancié ;
  • viser le certificat dans l’arrêté ;
  • joindre le certificat à l’arrêté, lorsque ce dernier est notifié à la personne interpellée.

S’agissant de la référence au diagnostic de dangerosité, la Cour de cassation, statuant sur la réintégration complète d’un patient en programme de soins (Cass, Civ 1, 15 octobre 2014, n°13-12220, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029607218&fastReqId=90486376&fastPos=1), a néanmoins estimé que les modalités de prise en charge pouvaient être modifiées (en l’espèce, la réintégration du patient sans que ce dernier se soit montré dangereux).

  • Notification de la mesure

La notification de la mesure à la personne interpellée est également obligatoire, conformément à l’article L. 3211-3. En cas de non-application, la personne admise en soins psychiatriques sans consentement est réputée non informée de la décision et de la possibilité d’éventuels recours. La Cour de cassation considère que la mainlevée de la mesure est justifiée si le patient n’a pas reçu les informations requises et qu’il en a conçu un grief (Cass, Civ 1, 18 juin 2014, n°13-16887, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029115529&fastReqId=2069838194&fastPos=1 ; 15 janvier 2015, n°13-24361, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030114465&fastReqId=1183067663&fastPos=1). Dans la suite de ces arrêts, le JLD de Brest a considéré qu’un retard non justifié d’une journée à la notification constituait un motif de mainlevée (TGI de Brest, ordonnance de mainlevée du JLD du 1er août 2014, n°274/2014)[4].

b. Le certificat médical :

L’article L. 3213-1 du Code de la santé publique précise que le médecin certificateur ne peut être un psychiatre appartenant à l’établissement d’accueil. Comme en matière d’admission en soins sans consentement à la demande d’un tiers, le non-respect de la compétence légale du médecin certificateur constitue une irrégularité.

La Cour d’appel de Rennes a pu rappeler cette exigence dans une ordonnance du 3 janvier 2022 en prononçant la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation pour « irrégularité substantielle et d’ordre public pour lequel un grief n’a pas à être démontré» car l’admission en soins sans consentement avait été signée par un psychiatre de l’établissement d’accueil.  

L’exigence d’extériorité formulée par l’article L.3213-1 du Code de la santé publique ne se limite pas aux admissions, mais est également valable dans le cas des réintégrations.

Ainsi, dans un arrêt du 22 septembre 2022, la Cour d’appel de Chambéry (22/00145) a prononcé la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète sans consentement, au motif que le patient « a fait l’objet d’une réadmission au sein du centre hospitalier […] sur la base d’un certificat médical du 26 Août 2022, émanant du Docteur [I], psychiatre de l’établissement d’accueil, ce qui est contraire aux dispositions de l’article L.3213-1 du code de la santé publique. »

La loi du 27 juin 1990 a intégré dans le Code de la santé publique le concept jurisprudentiel du « certificat médical circonstancié ». L’interprétation du dispositif ne peut cependant se passer des lumières de la jurisprudence sur les caractéristiques et la durée de validité du certificat.

Ainsi, le « certificat médical circonstancié » n’échappe pas aux exigences du Code de déontologie médicale, et principalement à l’obligation qui impose à un médecin de ne certifier que ce qu’il a lui-même constaté. La jurisprudence considère que le médecin qui ne rencontre pas la personne concernée par le certificat engage sa responsabilité professionnelle (CA d’Aix-en-Provence, 14 mars 1995, n°043461). Le « certificat médical circonstancié » a également la qualité de document administratif. C’est en cette qualité que la commission d’accès aux documents administratifs (CADA) (séances des 29 mai 1997 et 20 janvier 2000) considère qu’il doit être communiqué à la personne admise et donc joint à l’arrêté lors de la notification de la mesure.

Cour de cassation, 1ère civ, 29 mars 2023, pourvoi n° 22-11.302 : « 9. Pour rejeter la demande de mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète, l’ordonnance se borne à retenir que, si une sortie d’hospitalisation en programme de soins devra, au regard de l’évolution certaine et favorable de la situation de M. [E] être mise en place, celle-ci n’est pas encore d’actualité et serait aujourd’hui prématurée, ce dernier présentant encore des troubles mentaux qui rendent impossible son consentement et qui imposent, dans l’immédiat, des soins assortis, d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, dispensés par un établissement mentionné à l’article L 3222-1 du code de la santé publique, et, le cas échéant, des séjours effectués dans un établissement de ce type.
10. En se déterminant ainsi, sans constater en quoi les troubles mentaux présentés par M. [E] compromettaient la sûreté des personnes ou portaient gravement atteinte à l’ordre public, le premier président n’a pas donné de base légale à sa décision
. »

c. Les mesures provisoires prises par le maire ou un commissaire de police à Paris 

L’article L. 3213-2 énonce :

« En cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à Paris, les commissaires de police arrêtent, à l’égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d’en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l’Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l’article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l’Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d’une durée de quarante-huit heures.

La période d’observation et de soins initiale mentionnée à l’article L. 3211-2-2 prend effet dès l’entrée en vigueur des mesures provisoires prévues au premier alinéa ».

Jean-Marc PANFILI précise que : « un avis médical de tout médecin … est suffisant… Il s’agit a priori de tout médecin, sans restriction de spécialité ni de lieu d’exercice. Par exemple, cela peut être un psychiatre appelé pendant une garde à vue, même s’il exerce dans l’établissement qui accueillera le patient » [5].

Il ajoute : « Le respect de la chronologie est en outre fondamental en cas de décisions provisoires décidées par le maire en urgence. Les arrêtés doivent être pris au vu de l’avis médical, et non avant qu’il soit établi. Ainsi, le juge d’appel (CA de Versailles, ordonnance de mainlevée du 1er décembre 2014, n°14/08388, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2014-11-28-ca-versailles-mainlevee-sdre-2.pdf) a prononcé une mainlevée sur la base des dispositions de l’art. L. 3213-2 du CSP… En l’espèce le juge d’appel a décidé la mainlevée car le maire avait ordonné une hospitalisation alors que le certificat médical n’était pas encore rédigé au moment où l’arrêté a été établi. »[6]

L’article L. 3213-2 cantonne les maires et, à Paris, les commissaires de police, dans un rôle limité en prérogatives et dans le temps. En effet, ils ne peuvent exercer leur pouvoir que dans un cas : celui du « danger imminent pour la sûreté des personnes » (le cas de l’atteinte de façon grave à l’ordre public est donc exclu). Par ailleurs, ils perdent la main sur les mesures provisoires dès que le préfet a statué, c’est-à-dire dans un délai qui ne dépasse pas quarante-huit heures.

Ainsi que le précise l’article L. 3212-2 du Code de la santé publique, les arrêtés ordonnent « toutes les mesures provisoires nécessaires », ce qui signifie que le champ des mesures pouvant être prises sur ce fondement est très ouvert. Si les décisions prises par arrêté débouchent en pratique sur un internement psychiatrique, celui-ci est néanmoins l’aboutissement d’une chaîne d’actes de police successifs. La prise de décision, comme l’exécution des mesures de police, sont placées sous la responsabilité du maire tant que le préfet n’a pas pris le relai d’une manière conforme aux dispositions de l’article L. 3213-1.

La Cour de cassation, dans un arrêt de sa première chambre en date du 5 février 2014 (n°11-28564, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000028574845&fastReqId=162614536&fastPos=1), rappelant le caractère provisoire de l’arrêté du maire, a souligné qu’au sens de la loi, seul le préfet est habilité à prendre « un arrêté d’hospitalisation d’office sans consentement ». En conséquence, en présence d’une décision de mesure provisoire, « le délai dans lequel le juge statue sur une admission administrative en soins psychiatriques se décompte depuis la date de l’arrêté pris en ce sens par le représentant de l’Etat dans le département » (et non à partir de la date de l’arrêté pris par le maire).

En ce sens, la Cour d’appel de Paris dans un arrêt du 5 décembre 2018 a déclaré irrecevable l’appel du maire pour défaut de qualité à agir «qu’eu égard à son pouvoir d’arrêter de telles mesures provisoires, le maire ne saurait en effet être assimilé au tiers ayant demandé la mesure de soins psychiatriques sous contrainte, lequel n’est d’ailleurs susceptible d’être partie à l’instance que lorsqu’il a également la qualité de requérant à la demande de mainlevée de la mesure.»

La Cour d’appel de Chambéry, dans une ordonnance du 13 juillet 2022 explique que l’absence de décision du représentant de l’Etat dans les quarante-huit heures entraîne la mainlevée de la mesure, conformément à l’exigence formulée dans l’article L.3213-2 in fine.  En l’espèce, l’arrêté du préfet était intervenu dans un délai de soixante-douze heures. 

La Cour de cassation, dans un arrêt du 29 septembre 2021 a précisé les exigences de motivation enserrant les arrêtés municipaux.

La Cour exige que l’arrêté municipal indique « les éléments de droit et de fait qui justifient cette mesure, sauf urgence absolue l’en ayant empêché, et que s’il peut satisfaire à cette exigence de motivation en se référant à un avis médical, c’est à la condition de s’en approprier le contenu et de joindre cet avis à la décision ».

En l’espèce, l’arrêté municipal ne précisait pas les éléments démontrant que la personne était « dangereuse », ne s’appropriait pas le contenu du certificat médical, et ne précisait pas qu’il était joint à la décision : la Cour de cassation a donc conclu à son irrégularité.

3. L’admission en soins psychiatriques sans consentement des malades « médico-légaux » (irresponsables pénaux)

Les malades « médico-légaux » sont les patients qui bénéficient de soins psychiatriques sans consentement à la suite d’une décision de justice (classement sans suite, jugement ou arrêt d’irresponsabilité pénale) prise en application de l’article 122, alinéa 1, du Code pénal, qui formule le principe de l’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental. Pour entrer dans cette catégorie de patients, il faut que la personne ait été admise en soins sans consentement sur le fondement :

  • soit d’une admission en SDRE en application de l’article L. 3213-7 du Code de la santé publique ;
  • soit d’une admission en soins psychiatriques sans consentement selon une procédure judiciaire dérogatoire à la procédure d’admission en SDRE. Il s’agit de la procédure de l’article 706-135 du Code de procédure pénale.

L’article L. 3213-7 du Code de la santé publique dispose :

« Lorsque les autorités judiciaires estiment que l’état mental d’une personne, qui a bénéficié, sur le fondement du premier alinéa de l’article 121-1 du Code pénal, d’un classement sans suite, d’une décision d’irresponsabilité pénale ou d’un jugement ou d’un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale, nécessite des soins et compromet la sûreté des personnes ou porte atteinte, de façon grave, à l’ordre public, elles avisent immédiatement la commission mentionnée à l’article L. 3222-5 du Code de la santé publique (la commission départementale des soins psychiatriques) ainsi que le représentant de l’Etat dans le département qui ordonne sans délai la production d’un certificat médical circonstancié portant sur l’état actuel du malade. Au vu de ce certificat, il peut prononcer une mesure d’admission en soins psychiatriques dans les conditions définies à l’article L. 3213-1. Toutefois, si la personne concernée fait déjà l’objet d’une mesure des soins psychiatriques en application du même article L. 3213-1, la production de ce certificat n’est pas requise pour modifier le fondement de la mesure en cours.

A toutes fins utiles, le procureur de la République informe le représentant de l’Etat dans le département de ses réquisitions ainsi que des dates d’audience et des décisions rendues.

Si l’état de la personne mentionnée au premier alinéa le permet, celle-ci est informée par les autorités judiciaires de l’avis dont elle fait l’objet ainsi que des suites que peut y donner le représentant de l’Etat dans le département. Cette information lui est transmise par tout moyen et de manière appropriée à son état.

L’avis mentionné au premier alinéa indique si la procédure concerne des faits punis d’au moins cinq ans d’emprisonnement en cas d’atteinte aux personnes ou d’au moins dix ans d’emprisonnement en cas d’atteinte aux biens. Dans ce cas, la personne est également informée des conditions dans lesquelles il peut être mis fin à la mesure de soins psychiatriques en application des articles L. 3211-12, L. 3211-12-1 et L. 3213-8 ».

Dans l’article 706-135 du Code de procédure pénale, le législateur a entendu signifier que l’absence de culpabilité, et donc l’impossibilité de retenir une peine, n’affirme plus nécessairement l’incompétence du juge pénal pour l’hospitalisation d’office des malades « médico-légaux ». Par suite, l’autorité judiciaire peut décider que la mise en œuvre de la mesure de soins sans consentement échappe à la compétence du préfet. La formulation du dispositif est la suivante :

« Sans préjudice des articles L. 3213-1 et L. 3213-7 du Code de la santé publique, lorsque la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement prononce un arrêt ou un jugement de déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, elle peut ordonner par décision motivée l’admission en soins psychiatriques sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du même Code s’il est établi par une expertise figurant au dossier de procédure que les troubles mentaux de l’intéressé nécessitent des soins et compromettent la sûreté des personnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public. Le représentant de l’Etat dans le département ou, à Paris, le préfet de police est immédiatement avisé de cette décision. Le régime de cette hospitalisation est celui prévu pour les admissions en soins psychiatriques prononcées en application de l’article L. 3213-1 du même Code ».

L’article 706-135 précise que la procédure est mise en œuvre par « la chambre de l’instruction ou une juridiction de jugement », ce qui signifie que cette procédure n’est pas ouverte aux magistrats du parquet lorsqu’ils décident d’un classement sans suite sur le fondement de l’article 122, alinéa 1, du Code pénal.

Si le choix fait par l’autorité judiciaire n’est pas celui de la mise en application de l’article 706-135 du Code de procédure pénale, il n’est pas directif à l’égard du préfet. En effet, le principe implicite de l’article L. 3213-7 du Code de la santé publique est le renvoi à la seule responsabilité du préfet. Si le préfet doit alors ordonner « sans délai la production d’un certificat médical circonstancié portant sur l’état actuel du malade » en vue de la mise en œuvre d’une éventuelle mesure de soins psychiatrique sans consentement, cette mise en œuvre ne sera possible que si « l’état actuel du malade » rend cette mesure nécessaire.

Si l’autorité judiciaire fait le choix de l’application de l’article 706-135 du Code de procédure pénale, elle fait celui de son implication directe dans la prise de décision quant à la mise en œuvre de la mesure. Ce choix permet en premier lieu que l’éventuelle mesure soit décidée par la juridiction après avoir été discutée contradictoirement avec les parties. En second lieu, il permet de faire rentrer l’hospitalisation psychiatrique sans consentement dans le champ juridique des « mesures de sûreté ».

L’existence de deux procédures concurrentes constitue une cause d’embrouille dans la gestion de la mesure par l’administration préfectorale : « il est en effet apparu que ces décisions (prises en application de l’article 736-135 du Code de procédure pénale) étaient habituellement « doublées » d’un arrêté du préfet. Or, cet arrêté, a priori inutile juridiquement, a pu être considéré comme le point de départ pour calculer la date de saisine (du JLD pour le premier contrôle juridictionnel de l’hospitalisation sans consentement) » (Serge BLISKO, Guy LEFRAND, rapport d’information n°4402, enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 22 février 2012, pp. 45-46). Ainsi, partant de l’arrêté préfectoral, l’autorité administrative pratique parfois de manière erronée la saisine du JLD à J+12  (comme en droit commun), alors qu’en cas d’application de l’article 706-135 du Code de procédure pénale, le premier contrôle obligatoire effectué par le JLD est à l’échéance de six mois.

Source UNAFAM

[1] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat, les soins, document mis à jour le 23/12/2018, p. 12

[2] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat, les soins, document mis à jour le 23/12/2018, p. 15

[3] Ibid., p. 45

[4] Ibid., pp. 21-23

[5] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat, les soins, document mis à jour le 23/12/2018, p. 11

[6] Ibid., p. 13

Chapitres connexes :
  • Soins sans consentement à la demande d’un tiers (SDT)
  • L’admission en cas de péril imminent et d’impossibilité d’obtenir la demande de tiers (SPPI)
  • L’admission en soins psychiatriques sans consentement des malades « médico-légaux » (irresponsables pénaux)
  • Les régimes « spéciaux » d’hospitalisation complète : UMD et UHSA
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