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Le tribunal correctionnel

La procédure :

Plusieurs procédures sont possibles : l’ordonnance de renvoi du juge d’instruction, la citation directe par le parquet (voir paragraphe a), la comparution avec reconnaissance préalable de la culpabilité (CRPC), la comparution immédiate, la comparution à délai différé et la convocation sur procès-verbal. Le prévenu comparait, au terme de sa garde à vue, soit sur une convocation du procureur fixant une date et une heure de procès différée, soit sur ordonnance de renvoi du juge d’instruction. 

Pour les procédures autres que simplifiées, le principe est que le procès doit avoir lieu dans les 10 jours à 2 mois suivant la délivrance de cette convocation. Dans l’attente du jugement, le prévenu peut être soumis à un contrôle judiciaire ou à une assignation à résidence avec surveillance électronique ou une détention provisoire (voir document « Eviter l’incarcération »).

Selon l’article 10 du Code de procédure pénale, lorsque l’état mental d’une personne citée ou renvoyée devant une juridiction de jugement rend durablement impossible sa comparution personnelle dans des conditions lui permettant d’exercer sa défense, l’affaire doit être renvoyée à une audience ultérieure et le prévenu ne peut être jugé qu’après avoir recouvré la capacité de se défendre.

Le juge informe le prévenu, au début de l’audience, de son droit au silence, de son droit à répondre aux questions ou bien de faire des déclarations spontanées.

L’avocat du prévenu pourra, s’appuyant éventuellement sur un rapport d’expertise, s’efforcer de convaincre le juge que son client a agi sous l’emprise de la maladie, dans l’une des catégories prévues par l’article 122-1 du Code pénal, l’abolition ou l’altération du discernement.

Si la juridiction décide de rejeter la circonstance de l’abolition et de reconnaître la commission des actes en situation de simple altération du discernement, l’avocat s’efforcera alors d’obtenir le respect du principe de la diminution au tiers du maximum de la peine encourue (le tribunal ne peut le refuser que par une décision spécialement motivée) et la conversion de l’éventuelle peine de prison en une peine alternative à l’emprisonnement (voir document « Eviter l’incarcération »).

En application des articles 706-133 et 134 du code de procédure pénale, le tribunal peut déclarer que la personne a commis les faits mais qu’elle est toutefois irresponsable pénalement ; il statue sur la demande de dommages et intérêts et peut prononcer des mesures de sûreté (voir chapitre 8). Le jugement met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire.

La demande d’expertise :

Devant toute juridiction correctionnelle, l’avocat peut demander un supplément d’information.

La décision ordonnant le supplément d’information a la nature d’un jugement avant dire droit (Cass. Crim 1er février 2005 n°04-85351, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007070532&fastReqId=27244281&fastPos=1). L’appel de cette décision ne pourra intervenir qu’avec l’appel du jugement sur le fond.

En application de l’article 388-5 du CPP, cette demande peut être faite avant l’audience en cas de poursuites par citation (article 390 du CPP) ou convocation (article 390-1 du CPP). Il s’agit de conclusions écrites adressées par LRAR ou par remise au greffe contre récépissé. 

Cette demande peut également être formulée ultérieurement devant le tribunal correctionnel, y compris au cours des débats. Il s’agit là encore de conclusions écrites qui doivent être visées par le greffier et le président (Art. 459 du CPP). 

Le refus d’expertise psychiatrique ou d’expertise supplémentaire ne peut être admis qu’autant que l’arrêt ne présente pas de contradiction interne entre les constatations de fait et le refus d’expertise (Cass. crim., 21 janv. 1992 : JurisData n° 1992-002353, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007502946&fastReqId=437483905&fastPos=1).

Les règles relatives à la commission d’un expert par une juridiction de jugement sont identiques à celles relatives à la commission d’un expert par un juge d’instruction (Article 156 CPP).

En effet, l’article 434 du code de procédure pénale relatif à l’administration de la preuve au cours des débats devant le tribunal correctionnel précise la possibilité pour le tribunal l’ordonner la commission d’un expert conformément aux articles 156 à 166, 168 et 169 du même code.

Il est donc possible, pour une partie qui allègue l’existence d’une maladie psychiatrique, de demander qu’un expert soit commis pour la constater devant le tribunal correctionnel.

En revanche, dans la pratique, l’aspect contradictoire existant au cours de l’instruction avec la possibilité de demander la modification de la mission de l’expert, l’adjonction d’un expert ou encore une contre-expertise, est mis à mal par les contraintes du temps judiciaire qui sont celles de l’audience correctionnelle. Surtout, aucune disposition du CPP ne prévoit que les articles 161-1 du CPP (notification de la décision de commission d’expert en matière d’instruction) et 167 du même code (règles relatives à une demande de contre-expertise) s’appliquent devant une juridiction de jugement. En particulier, l’article 283 du Code de procédure pénale exclut l’application de l’article 167 du même Code. Rappelons que cet article prévoit, en autres, que le rapport d’expertise doit être notifié aux parties qui disposent d’un délai pour faire des observations, une demande de complément d‘expertise ou de contre-expertise. 

La Cour de cassation a jugé dans un arrêt du 26 novembre 2002 (n°02-80347, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007601463&fastReqId=770016529&fastPos=1) que l’absence d’une possibilité de solliciter une contre-expertise ne violait pas le caractère équitable de la procédure « dès lors que la partie civile a eu connaissance du rapport de l’expert et a pu en discuter les conclusions à l’audience ». 

La CEDH a jugé en sens contraire dans une affaire MANTOVANELLI C. FRANCE (18 mars 1997, requête n° 21497/93, http://hudoc.echr.coe.int/eng?i=001-62582). La motivation est extrêmement intéressante puisque, dès lors que « la question à laquelle l’expert était chargé de répondre se confondait avec celle que devait trancher le tribunal », et quand bien même « il n’est pas contesté que la procédure « purement judiciaire » s’est déroulée dans le respect du contradictoire » puisque les requérants ont « pu formuler, devant le tribunal administratif, des observations sur la teneur et les conclusions du rapport litigieux après qu’il leur fut communiqué », la CEDH « n’est pas convaincue qu’ils avaient là une possibilité véritable de commenter efficacement celui-ci ». En effet, l’expertise relève d’ «un domaine technique échappant à la connaissance des juges. Ainsi, bien que le tribunal administratif ne fût pas juridiquement lié par les conclusions de l’expertise litigieuse, celles-ci étaient susceptibles d’influencer de manière prépondérante son appréciation des faits. ».  C’est pourquoi, selon la Cour, les requérants n’ont pas eu « la possibilité de commenter efficacement l’élément de preuve essentiel. La procédure n’a donc pas revêtu le caractère équitable exigé par l’article 6 par. 1 de la Convention (art. 6-1). Partant, il y a eu violation de cette disposition (art. 6-1). » 

Rappelons « que tout juge national, en tant qu’il est chargé d’appliquer cette Convention, doit tenir compte des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme sans attendre une éventuelle modification des textes » (Ass. Plein. 15 avril 2011, n° 10-30313, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000023908700&fastReqId=2027311116&fastPos=1 ; n°10-30316, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000023908701&fastReqId=73688715&fastPos=1 ; n°10-17049, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000023908698&fastReqId=982072356&fastPos=1 ; n°10-30242, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000023908699&fastReqId=137225587&fastPos=1 ; cass. crim. 8 juillet 2020, n°19-85954, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000042128033&fastReqId=1674052700&fastPos=1). 

Voir aussi fiche Stratégies de plaidoiries, exemple B de demande de contre-expertise : affaire traitée uniquement en enquête préliminaire ; l’expertise psychiatrique était obligatoire mais l’avocat n’y a eu accès qu’au moment du jugement ; d’où la demande devant le tribunal

Par ailleurs, les conséquences de la commission d’un expert par le tribunal correctionnel sont différentes selon le mode de poursuite de la personne. L’avocat doit, par conséquent, veiller à informer la personne qu’il existe des conséquences d’une telle demande sur sa liberté (voir chapitre 3 pour les procédures de comparution avec reconnaissance préalable de la culpabilité (CRPC), comparution immédiate et comparution à délai différé).

Lorsqu’une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel est rendue, les articles 434 et 463 du code de procédure pénale permettent à l’avocat de la personne poursuivie de formuler une demande d’expertise au tribunal saisi. Comme toute décision rendue par une juridiction pénale de premier ou second ressort, elle doit être motivée. 

Enfin, quand le tribunal correctionnel est saisi par une ordonnance de renvoi du Juge d’instruction, la demande de commission d’un expert devra être particulièrement justifiée au vu de la nécessité de procéder à une ultime expertise.

La requête en nullité du rapport d’expertise :

L’avocat de la personne poursuivie devant le tribunal correctionnel, lorsque celle-ci n’est pas renvoyée devant cette juridiction par l’ordonnance du Juge d’instruction, devra présenter sa requête en nullité avant toute défense au fond (Article 385 CPP).

La nullité de l’expertise doit être fondée sur l’atteinte portée aux intérêts de la personne poursuivie par la violation d’une formalité substantielle du code de procédure pénale (Article 802 CPP).

En application de l’article 77-1 du Code de procédure pénale « s’il y a lieu de procéder à des constatations ou à des examens techniques ou scientifiques, le procureur de la République ou, sur autorisation de celui-ci, l’officier ou l’agent de police judiciaire, a recours à toutes personnes qualifiées. ». Il s’agit de dispositions « édictées dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice et que leur méconnaissance est constitutive d’une nullité à laquelle les dispositions de l’article 802 dudit Code sont étrangères » (Cass. crim., 14 oct. 2003, n° 03-84539, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007069832&fastReqId=1824868279&fastPos=1). Toutefois, « le procureur de la République qui ordonne l’expertise médicale prescrite par l’article 706-47-1, alinéa 3, du code de procédure pénale peut, dans les conditions de l’article 77-1 du même code, donner à un officier de police judiciaire l’instruction de requérir l’expert, cette autorisation du magistrat du ministère public n’étant soumise à aucune forme particulière ; qu’il ajoute que le prévenu avait la faculté de demander une contre-expertise devant les juridictions saisies de la poursuite » (Cass. crim. 17 mars 2014, n°13-87164, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029480621&fastReqId=100076142&fastPos=1).

Appel :

Le délai pour faire appel du jugement du tribunal correctionnel est de 10 jours. La déclaration d’appel doit être déposée au Greffe du tribunal qui a rendu le jugement.

Chapitre connexe :
  • Le tribunal de police