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Interdiction traitements inhumains et infamants, des atteintes à la dignité

C’est l’un des domaines où la jurisprudence se réfère fréquemment aux textes internationaux, en particulier à la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme, sur la base de laquelle plusieurs arrêts de la Cour Européenne des Doits de l’Homme ont condamné la France.

Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’homme Article 3 

« Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ». 

Recommandation du Conseil de l’Europe N° R(87) 3 du 12 février 1987   Paragraphe 100.1

« Les aliénés ne doivent pas être détenus dans les prisons et des dispositions doivent être prises pour les transférer aussitôt que possible dans les établissements appropriés pour malades mentaux »

« En raison de la situation d’entière dépendance des personnes détenues vis-à-vis de l’administration pénitentiaire, l’appréciation du caractère attentatoire à la dignité des conditions de détention dépend notamment de leur vulnérabilité, appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur personnalité et, le cas échéant, de leur handicap, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés et eu égard aux contraintes qu’implique le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires. Les conditions de détention s’apprécient au regard de l’espace de vie individuel réservé aux personnes détenues, de la promiscuité engendrée, le cas échéant, par la suroccupation des cellules, du respect de l’intimité à laquelle peut prétendre tout détenu, dans les limites inhérentes à la détention, de la configuration des locaux, de l’accès à la lumière, de l’hygiène et de la qualité des installations sanitaires et de chauffage. Seules des conditions de détention qui porteraient atteinte à la dignité humaine, appréciées à l’aune de ces critères et des dispositions précitées du code de procédure pénale, révèlent l’existence d’une faute de nature à engager la responsabilité de la puissance publique. Une telle atteinte, si elle est caractérisée, est de nature à engendrer, par elle-même, un préjudice moral pour la personne qui en est la victime qu’il incombe à l’Etat de réparer. A conditions de détention constantes, le seul écoulement du temps aggrave l’intensité du préjudice subi. »

Dans un arrêt du 30 janvier 2020, la Cour de Cassation affirme qu’il « appartient au juge national, chargé d’appliquer la Convention, de tenir compte, sans attendre une éventuelle modification des textes législatifs ou réglementaires, de la décision de la Cour européenne des Droits de l’homme condamnant la France pour le défaut de recours préventif permettant de mettre fin à des conditions de détention indignes. Le juge judiciaire a l’obligation de garantir à la personne placée dans des conditions indignes de détention un recours préventif et effectif permettant de mettre un terme à la violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme. En tant que gardien de la liberté individuelle, il incombe à ce juge de veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans des conditions respectant la dignité des personnes et de s’assurer que cette privation de liberté est exempte de tout traitement inhumain et dégradant. La description faite par le demandeur de ses conditions personnelles de détention doit être suffisamment crédible, précise et actuelle, pour constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne.

Il appartient alors à la chambre de l’instruction, dans le cas où le ministère public n’aurait pas préalablement fait vérifier ces allégations, et en dehors du pouvoir qu’elle détient d’ordonner la mise en liberté de l’intéressé, de faire procéder à des vérifications complémentaires afin d’en apprécier la réalité. » https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/communiques_presse_8004/indignes_office_9802/conditions_detention_45105.html

L’état d’un prisonnier dont il est avéré qu’il souffre de graves problèmes mentaux et présente des risques suicidaires appelle des mesures particulièrement adaptées en vue d’assurer la compatibilité de cet état avec les exigences d’un traitement humain.

Violation de l’art. 3 : sanction disciplinaire maximale à l’encontre d’un détenu souffrant visiblement d’un trouble psychique pour une faute du premier degré, sans aucune prise en compte de son état psychique et alors qu’il s’agissait d’un premier incident

Violation de l’art. 3 : menotter une personne malade psychique pour une durée de 7 jours, sans justification psychiatrique ou traitement médical ; en plus, placé à l’isolement, donc sans traitement approprié

La Cour a conclu à la violation de l’article 3 en raison des conditions matérielles dans lesquelles les requérants ont été détenus en particulier du manque d’espace personnel dont ils ont disposé.

« 255.  La norme minimale pertinente en matière d’espace personnel est de 3 m², à l’exclusion de l’espace réservé aux installations sanitaires (Muršić, précité, §§ 110 et 114). Lorsque la surface au sol dont dispose un détenu en cellule collective est inférieure à 3 m², la Cour considère ce qui suit :

« 137. (…) le manque d’espace personnel est considéré comme étant à ce point grave qu’il donne lieu à une forte présomption de violation de l’article 3. La charge de la preuve pèse alors sur le gouvernement défendeur, qui peut toutefois réfuter la présomption en démontrant la présence d’éléments propres à compenser cette circonstance de manière adéquate (…).

138. La forte présomption de violation de l’article 3 ne peut normalement être réfutée que si tous les facteurs suivants sont réunis :

1) les réductions de l’espace personnel par rapport au minimum requis de 3 m² sont courtes, occasionnelles et mineures (…) ;

2) elles s’accompagnent d’une liberté de circulation suffisante hors de la cellule et d’activités hors cellule adéquates (…) ;

3) le requérant est incarcéré dans un établissement offrant, de manière générale, des conditions de détention décentes, et il n’est pas soumis à d’autres éléments considérés comme des circonstances aggravantes de mauvaises conditions de détention (…). » (idem, §§ 122 à 138). […]

« D’autres aspects des conditions de détention sont à prendre en considération dans l’examen du respect de cette disposition. Parmi ces éléments figurent la possibilité d’utiliser les toilettes de manière privée, l’aération disponible, l’accès à la lumière et à l’air naturels, la qualité du chauffage et le respect des exigences sanitaires de base. Lorsqu’un détenu dispose dans la cellule d’un espace personnel compris entre 3 et 4 m², le facteur spatial demeure un élément de poids dans l’appréciation du caractère adéquat ou non des conditions de détention. »

Violation de l’art. 3 : malade psychique placé en détention avec autres détenus non malades et traité de la même manière, alors que la nature de sa condition psychologique le rendait plus vulnérable que les autres

Chapitres connexes :
  • Non-respect du droit aux soins en prison
  • Mesures disciplinaires en milieu pénitentiaire
  • Dignité et détention – Le recours de l’article 803-8 du Code de procédure pénale
  • Comparaison du respect des droits en prison dans huit pays européens
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