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Le contrôle judiciaire des mesures d’isolement ou de contention

I. Les exigences de l’article L322-5-1 du code de la santé publique

La nouvelle version de l’article L3222-5-1 du code de la santé publique est entrée en vigueur le 24 janvier 2022.

A. Le contrôle des mesures d’isolement

A l’obligation d’information qui s’imposait au directeur d’établissement, s’ajoute désormais une obligation de saisine du juge des libertés et de la détention, avant l’expiration de la 72ème heure d’isolement ou de la 48ème heure de contention, si l’état de santé du patient rend nécessaire le renouvellement de la mesure au-delà de ces durées. 

*En priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

Le délai de soixante-douze heures fait l’objet d’une appréciation stricte du juge. Dans un arrêt de la Cour d’appel d’Amiens du 28 avril 2022, le juge déclare irrégulière une mesure d’isolement, au motif que le directeur d’établissement a saisi le juge des libertés et de la détention avec douze heure de retard. Le directeur d’établissement, pour justifier ce retard, expliquait que la mesure d’isolement subie par la patiente avait atteint les 72 heures à 1H42 du matin et qu’il n’était pas envisageable de prévenir la patiente et les magistrats à une heure si tardive. Le juge ne tient pas compte de cet argument, et considère, pour déclarer l’isolement irrégulier, « qu’il résulte des documents transmis que [K] [W] a été soumise à une mesure d’isolement pendant une durée supérieure à 72 heures (…) sans que le juge des libertés et de la détention ait été saisi avant l’expiration de la 72ème heure »

La Cour d’appel de Rennes a jugé récemment que : « Concernant l’absence de preuve rapportée de l’information faite au juge des libertés et de la détention de la mesure d’isolement en cours, l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique prévoit une information du juge des libertés et de la détention au-delà de 48h pour toute mesure d’isolement.

Or, il n’est pas justifié, à l’examen de la procédure, de cette information donnée au juge. M. [O] [Y] en a conçu nécessairement un grief, dès lors que le juge des libertés et de la détention pouvait, d’office, y mettre fin ou solliciter des explications concernant un patient qui est régulièrement soumis à l’isolement.

Dans ces conditions, et sans qu’il soit besoin d’étudier les autres moyens soulevés, il conviendra d’infirmer l’ordonnance entreprise et, statuant à nouveau, d’ordonner la mainlevée de la mesure d’isolement  dont fait l’objet M. [O] [Y]. » (Cour d’appel de RENNES, Chambre Etrangers/HSC, 1er juillet 2023, n° 23/00333).

En cas de maintien de la mesure par le JLD, le cycle d’information/saisine/décision (contrôle toutes les 72h) se prolonge jusqu’à la fin de la mesure. 

B. Le contrôle des mesures de contention

*En priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans son intérêt dès lors qu’une telle personne est identifiée, dans le respect de la volonté du patient et du secret médical.

En cas de maintien de la mesure par le JLD, le cycle d’information/saisine/décision (contrôle toutes les 96h) se prolonge jusqu’à la fin de la mesure. 

Si le JLD autorise le maintien de la mesure une deuxième fois : le contrôle toutes les 96 heures laisse place à un contrôle hebdomadaire.

Le directeur saisit le juge au moins 24 heures avant l’expiration d’un délai de 7 jours d’isolement. Le médecin informe en même temps au moins un membre de la famille du patient, en priorité son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou son concubin, ou une personne susceptible d’agir dans l’intérêt du patient dès lors qu’une telle personne est identifiée. Le juge statue avant la fin du 7ème jour d’isolement. 

Les placements abusifs en isolement ou contention peuvent par ailleurs faire l’objet de demandes d’indemnisation ; voir la section Indemnisation des hospitalisations sous contrainte.

Remarque : La levée d’une mesure d’isolement ou de consentement n’entraine pas automatiquement celle de la mesure de soins sans consentement qui l’a précédée.

Dans un arrêt du 8 juillet 2021, la Cour de cassation a eu à répondre à la question : « Le constat par le juge des libertés et de la détention, à l’occasion du contrôle systématique d’une mesure de soins psychiatriques sans consentement prenant la forme d’une hospitalisation complète, ou d’une demande de levée de cette mesure ou d’une saisine d’office de la juridiction, d’une irrégularité affectant une mesure d’isolement ou de contention mise en œuvre à l’occasion de cette hospitalisation, peut-il être sanctionné par la levée de la mesure d’hospitalisation complète, en particulier lorsque l’isolement ou la contention n’est plus en vigueur lorsque la juridiction statue, dès lors qu’il est établi que l’irrégularité relevée a porté atteinte aux droits du patient ? » 

Elle a répondu que le juge ne peut alors lever que la mesure d’isolement ou la mesure de contention. « Si cette mainlevée est intervenue avant que le juge ne se prononce, il n’y a plus lieu de statuer à leur égard. » La Cour rappelle, dans son argumentaire, que l’isolement et la contention sont des mesures à caractère exceptionnel et autonomes par rapport à l’hospitalisation sous contrainte elle-même. Lorsque le juge des libertés et de la détention est saisi de la mesure de l’hospitalisation sous contrainte, l’isolement ou la contention a (ou devrait avoir) déjà pris fin. Si l’effet de l’irrégularité de l’isolement ou de la contention se répercutait sur l’hospitalisation sans consentement elle-même, le risque serait d’interrompre des soins utiles pour le patient alors que seule la mesure additionnelle est irrégulière. 

Commentant cette décision, Me Soliman Le Bigot, et Mme Elodie Garoux ajoutent que : « Quoi qu’il en soit, il est nécessaire que le patient ait connaissance de la faculté de former un recours contre sa mesure d’isolement et/ou de contention. Il ne s’agit pas seulement pour les psychiatres et les personnels des hôpitaux d’avertir que la mesure est prise ou renouvelée. Il faut renforcer l’information que le patient a le droit d’engager un recours contre cette mesure s’il l’estime injustifiée. Dans la pratique, le droit au recours n’est que très peu – voire pas – évoqué par les soignants et ce sont les avocats du patient qui s’en chargent. Cette pratique doit changer et la possibilité d’un recours doit être mentionnée dès la mesure prononcée. Dans cette optique, certains hôpitaux mettent en place des formulaires spécifiques afin de rédiger ce recours. C’est une pratique à mettre en avant et à encourager. »

Les mesures d’isolement et de contention, fortement privatives de liberté, après avoir fait l’objet d’une surveillance confiée à différentes autorités à travers un registre créée en 2016, ont enfin été placées par la loi sous le contrôle du juge des libertés et de la détention à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité fin 2020.

II. Historique du contrôle

A. Des gardes fous jurisprudentiels

Certains juges ont tenté de contrôler l’isolement et la contention, pratiques fortement restrictives d’une liberté fondamentale, sans y être autorisés par la loi. C’est ainsi que des JLD versaillais ont levé des mesures de soins sans consentement dès lors qu’ils constataient que la modalité de traitement (les conditions de séjour en chambre d’isolement) portait une atteinte aux libertés individuelles, ou ne répondait pas aux finalités prévues par la loi :

  • l’ordonnance du 24 octobre 2016 (n°16/07393) du premier président de la Cour d’appel de Versailles, discernant des pratiques gravement attentatoires à la liberté d’aller et venir, a prononcé la mainlevée de la mesure ;
  • l’ordonnance du 4 mai 2017 (n°16/00699), du JLD de Versailles a prononcé une mainlevée dès lors que « la mise en chambre de soins intensifs … est consécutive non pas à la volonté de prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui, mais au souhait de prévenir un risque de fuite de la part de l’intéressé … » ;
  • l’ordonnance du 23 juin 2017 (n°17/01010) du JLD de Versailles a prononcé une mainlevée au motif que « les conditions ayant présidé à cette mesure extrême (placement en chambre d’isolement) sont insuffisamment détaillées, les troubles du comportement ayant motivé l’hospitalisation sous contrainte étant eux-mêmes insuffisants pour justifier cette pratique clinique ».[1] 

Toutefois, la Cour de Cassation avait cassé ces intiatives par deux arrêts successifs (Cass, Civ 1, 7 novembre 2019, n°19-18262 ; 21 novembre 2019, n°19-20513), qui énoncent que le JLD n’est pas compétent pour connaître de la mise en œuvre des soins et donc des mesures de contention et d’isolement.

B. La loi n°2016-41 de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016

La loi n°2016-41 de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 transposée dans l’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique a affirmé un principe :  les pratiques d’isolement et de contention doivent être un dernier recours, et créé deux outils devant permettre son contrôle.

  • Le registre des mises en isolement et en contention 

Chaque établissement admis à recevoir des personnes en soins sans consentement doit tenir : « Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, sa date et son heure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. Le registre, qui peut être établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la CDSP, au CGLPL et aux parlementaires » (article L. 3222-5-1 III). 

Conformément à l’article L311-1 du Code des relations entre le public et l’administration, le registre peut également être communiqué «  aux personnes qui en font la demande ». L’article L311-7 du même code rappelle toutefois l’obligation, dans ce cadre, d’occulter ou disjoindre les mentions non communicables, s’il est possible de le faire. A défaut, le document ne pourra pas être transmis à toutes les personnes en faisant la demande. 

Dans un arrêt du 18 novembre 2021, le Conseil d’Etat a précisé le caractère des mentions figurant dans le registre.  Le juge administratif explique que les informations présentes dans le registre ne sont pas toutes soumises à occultation. Par exemple, les informations relatives aux dates, heures et durées d’isolement et de contention ne doivent pas être dissimulées. Ainsi, le registre s’inscrit bien dans la liste des documents communicables aux personnes qui en font la demande, au sens de l’article L311-1 du Code des relations entre le public et l’administration.  

Dans un avis du 15 avril 2021, la commission d’accès aux documents administratifs rappelle les exigences enserrant la communication de ce registre. La commission explique que les noms des professionnels de santé ne sont pas couverts par le secret de la vie privée et ne doivent, en principe, pas être occultés. En revanche, si la divulgation est susceptible de porter préjudice ou d’engendrer des représailles à l’encontre du professionnel, alors « l’administration est fondée à occulter cette mention ». La commission explique également que le registre peut être transmis à toute personne en faisant la demande, par voie dématérialisée si ce dernier est disponible sous version électronique.  S’il apparaît que le registre n’est pas exploitable en version dématérialisée, l’hôpital reste tenu de transmettre le document en version papier au demandeur.

  • Le rapport annuel de l’isolement et de la contention

Les établissement doivent rédiger chaque année ce rapport, avant le 30 juin de l’année suivante, en précisant notamment la politique définie pour limiter le recours aux pratiques d’isolement et de contention. « L’établissement établit annuellement un rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre. Ce rapport est transmis pour avis à la commission des usagers et au conseil de surveillance » (article L. 3222-5-3).

La loi du 26 janvier 2016 ne donnait pas de durée limite aux pratiques d’isolement et de contention et excluait curieusement le juge des libertés et de la détention de l’organisation de leur contrôle. 

C. Les décisions d’inconstitutionnalité

  •  Les décisions d’inconstitutionnalité
  • Par une décision du 19 juin 2020 (n° 2020-844 QPC), le Conseil Constitutionnel, saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, a relevé cette double aberration juridique :

« 8. …la liberté individuelle ne peut être tenue pour sauvegardée que si le juge intervient dans le plus court délai possible. Or, si le législateur a prévu que le recours à isolement et à la contention ne peut être décidé par un psychiatre que pour une durée limitée, il n’a pas fixé cette limite ni prévu les conditions dans lesquelles au-delà d’une certaine durée, le maintien de ces mesures est soumis au contrôle du juge judiciaire. Il s’ensuit qu’aucune disposition législative ne soumet le maintien à l’isolement ou sous contention à une juridiction judiciaire dans des conditions répondant aux exigences de l’article 66 de la Constitution.

9. Par conséquent et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre grief, le premier alinéa de l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique doit être déclaré contraire à la Constitution. Il en va de même, par voie de conséquence, des deux autres alinéas de cet article »

Et injonction a été faite au gouvernement de corriger cette illégalité avant le 31 décembre 2020.

D. La loi de financement de la sécurité sociale du 14 décembre 2020

Puis la loi de financement de la sécurité sociale du 14 décembre 2020 a été utilisée par le gouvernement pour, à travers un cavalier législatif placé sous l’article 84, modifiant le code de la santé publique avec effet au 1er janvier 2021, répondre à cette exigence.

L’article. L. 3222-5-1.-I. Réaffirme en le complétant le principe selon lequel « L’isolement et la contention sont des pratiques de dernier recours et ne peuvent concerner que des patients en hospitalisation complète sans consentement. Il ne peut y être procédé que pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou autrui, sur décision motivée d’un psychiatre et uniquement de manière adaptée, nécessaire et proportionnée au risque après évaluation du patient. Leur mise en œuvre doit faire l’objet d’une surveillance stricte, somatique et psychiatrique, confiée par l’établissement à des professionnels de santé désignés à cette fin et tracée dans le dossier médical. » Le psychiatre doit motiver sa décision du recours à ces mesures, notamment sur leurs caractères adapté, nécessaire et proportionné au risque, après évaluation du patient.

Il est à l’occasion précisé que l’isolement et la contention ne s’adressent qu’aux seuls patients en hospitalisation complète sans consentement, contrairement à une pratique tolérée (circulaire Veil 1993) .

Reprenant les recommandations de la Haute Autorité de Santé concernant les durées maximales d’utilisation de ces mesures « de dernier recours » et les rendant obligatoires, la nouvelle loi précise dans l’article L.3222-5-1.-2 « La mesure d’isolement est prise pour une durée maximale de douze heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de douze heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de quarante-huit heures. »
« La mesure de contention est prise dans le cadre d’une mesure d’isolement pour une durée maximale de six heures. Si l’état de santé du patient le nécessite, elle peut être renouvelée par périodes maximales de six heures dans les mêmes conditions et selon les mêmes modalités, dans la limite d’une durée totale de vingt-quatre heures
. »

IsolementContention
Durée de 12 heures, avec renouvellement possible par périodes maximales de 12 heures, dans la limite d’une durée totale de 48 heuresDurée de 6 heures, avec renouvellement possible par périodes maximales de 6 heures, dans la limite d’une durée totale de 24 heures

Tenant compte de la pratique fréquente des isolements et contentions « séquentielles », le législateur a prévu qu’«une mesure d’isolement ou de contention est regardée comme une nouvelle mesure lorsqu’elle est prise au moins quarante-huit heures après une précédente mesure d’isolement ou de contention. En-deçà de ce délai, sa durée s’ajoute à celle des mesures d’isolement et de contention qui la précèdent et les dispositions des trois premiers alinéas du présent II relatifs au renouvellement des mesures lui sont applicables. »
« L’information prévue au troisième alinéa du présent II est également délivrée lorsque le médecin prend plusieurs mesures d’une durée cumulée de quarante-huit heures pour l’isolement et de vingt-quatre heures pour la contention sur une période de quinze jours
. »

Puis la loi autorise des exceptions tout en organisant leur contrôle : « A titre exceptionnel, le médecin peut renouveler, au-delà des durées totales prévues aux deux premiers alinéas du présent II, la mesure d’isolement ou de contention, dans le respect des autres conditions prévues aux mêmes deux premiers alinéas. Le médecin informe sans délai le juge des libertés et de la détention, qui peut se saisir d’office pour mettre fin à la mesure, ainsi que les personnes mentionnées à l’article L. 3211-12 dès lors qu’elles sont identifiées. Le médecin fait part à ces personnes de leur droit de saisir le juge des libertés et de la détention aux fins de mainlevée de la mesure en application du même article L. 3211-12 et des modalités de saisine de ce juge. En cas de saisine, le juge des libertés et de la détention statue dans un délai de vingt-quatre heures. »

Le juge doit donc être informé mais ne réagit que de façon facultative. Le patient, la famille, les proches du patient, le tuteur, s’ils sont connus, et la personne ayant demandé l’admission, de la prolongation de la mesure d’isolement ou contention sont aussi informés du dépassement, de leur droit de saisir le JLD et des modalités de cette saisine. (un décret doit préciser celles-ci).

Le patient et les personnes citées ci-dessus peuvent saisir le JLD pour demander la levée de la mesure d’isolement ou de contention lorsqu’elle dépasse la durée maximale.

Les modalités d’examen de la saisine donnent la priorité à l’écrit : l’article L.3211-12-2 est complété par un III ainsi rédigé : « III.- Par dérogation au I du présent article, le juge des libertés et de la détention, saisi d’une demande de mainlevée de la mesure d’isolement ou de contention prise en application du II de l’article L. 3222-5-1 ou qui s’en saisit d’office, statue sans audience selon une procédure écrite.
« Le patient ou, le cas échéant, le demandeur peut demander à être entendu par le juge des libertés et de la détention, auquel cas cette audition est de droit et toute demande peut être présentée oralement. Néanmoins, si, au vu d’un avis médical motivé, des motifs médicaux font obstacle, dans son intérêt, à l’audition du patient, celui-ci est représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l’aide juridictionnelle ou commis d’office.
« L’audition du patient ou, le cas échéant, du demandeur peut être réalisée par tout moyen de télécommunication audiovisuelle ou, en cas d’impossibilité avérée, par communication téléphonique, à condition qu’il y ait expressément consenti et que ce moyen permette de s’assurer de son identité et de garantir la qualité de la transmission et la confidentialité des échanges. L’audition du patient ne peut être réalisée grâce à ce procédé que si un avis médical atteste que son état mental n’y fait pas obstacle.
« Dans ce cas, le juge des libertés et de la détention statue dans les conditions prévues par décret en Conseil d’Etat.
« S’il l’estime nécessaire, le juge des libertés et de la détention peut décider de tenir une audience. Dans cette hypothèse, il est fait application des I et II du présent article. Le dernier alinéa du I n’est pas applicable à la procédure d’appel.
» ;

Outil clé du contrôle du respect des durées d’isolement et de contention, le registre institué par la loi de 2016 fait l’objet de précisions visant à combler quelques lacunes : « III.-Un registre est tenu dans chaque établissement de santé autorisé en psychiatrie et désigné par le directeur général de l’agence régionale de santé pour assurer des soins psychiatriques sans consentement en application du I de l’article L. 3222-1. Pour chaque mesure d’isolement ou de contention, ce registre mentionne le nom du psychiatre ayant décidé cette mesure, un identifiant du patient concerné ainsi que son âge, son mode d’hospitalisation, la date et l’heure de début de la mesure, sa durée et le nom des professionnels de santé l’ayant surveillée. »  La nouvelle rédaction de l’article L.3222.5.1 ajoute à l’ancienne, que ce registre doit également mentionner l’identifiant du patient, son âge, son mode d’hospitalisation. Il n’est toutefois pas demandé que soient renseignés les raisons ayant motivé le recours à la mesure, l’avis du psychiatre ainsi que le suivi médical du patient, sujets pour lesquels le Contrôleur Général des Lieux de Privation de Liberté avait appelé à une réforme.

Le texte ajoute que « le registre, établi sous forme numérique, doit être présenté, sur leur demande, à la commission départementale des soins psychiatriques, au Contrôleur général des lieux de privation de liberté ou à ses délégués et aux parlementaires. » Le JLD est, curieusement ignoré dans la liste des autorités pouvant consulter le registre.
L’obligation de rédiger un « rapport rendant compte des pratiques d’admission en chambre d’isolement et de contention, la politique définie pour limiter le recours à ces pratiques et l’évaluation de sa mise en œuvre » est aussi confirmée sans que le JLD soit ajouté au nombre des personnes auxquelles il est obligatoirement transmis.

  • Par une décision n° 2021-912/913/914 du 4 juin 2021, le Conseil constitutionnel a de nouveau déclaré inconstitutionnel l’article L. 3222-5-1 du code de la santé publique (analyse de Soliman Le Bigot et Elodie Garoux , LBM avocats à la Cour Commission bioéthique et santé du Barreau de Paris, 18 juin 2021) 

L’isolement et la contention doivent s’inscrire dans une démarche thérapeutique afin de protéger le patient de violences imminentes liées à un trouble mental. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 2 avril 2021 par la Cour de cassation (première chambre civile, arrêts nos 379, 380 et 381 du 1er avril 2021), dans les conditions prévues à l’article 61-1 de la Constitution, de trois questions prioritaires de constitutionnalité. Le 4 juin 2021, le Conseil constitutionnel a jugé que les dispositions du code de la santé publique relatives aux personnes hospitalisées sans consentement et qui permettent de les maintenir à l’isolement ou en contention sans prévoir l’intervention systématique du juge des libertés et de la détention, étaient inconstitutionnelles (Décision n° 2021-912/913/914 QPC du 4 juin 2021- loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021). Le conseil avait déjà eu l’occasion de censurer le 19 juin 2020 le régime juridique de l’isolement et de la contention en psychiatrie au motif que le recours à ces mesures privatives de liberté n’était ni limité dans le temps ni soumis, au-delà d’une certaine durée, au contrôle systématique du juge (Décision n° 2020-844 QPC du 19 juin 2020 – loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé).

En principe, toute mesure d’isolement et de contention d’une personne hospitalisée sans consentement doit être décidée par un psychiatre et ceci pour une durée maximale de 48h pour l’isolement et 24h pour la contention selon le code de la santé publique (CSP, art. L. 3222-5-1, § 2, al. 3 et 6 issus de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 : L. n° 2020-1576, 14 déc. 2020, art. 84). 

Néanmoins, le psychiatre peut, de manière exceptionnelle, renouveler la mesure. A ce titre, il est tenu d’informer le juge des libertés et de la détention qui peut se saisir d’office ou être saisi par le médecin. Cela permet que la mesure soit prolongée sous le contrôle du juge. 

Selon le Conseil constitutionnel, l’isolement et la contention doivent être considérés comme des mesures privatives de liberté. L’intervention du juge est ainsi nécessaire au-delà d’une certaine durée afin qu’il puisse contrôler le bien-fondé du maintien de la mesure. 

Le Conseil constitutionnel a, par conséquent, censuré les dispositions du fait de leur contrariété à l’article 66 de la Constitution : « Nul ne peut être arbitrairement détenu. L’autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ».

L’abrogation ne sera pas immédiate puisque cela aurait « entraîné des conséquences manifestement excessives ». Les effets de la décision du Conseil constitutionnel seront donc reportés au 31 décembre 2021 (Article 2, Cons. const., 4 juin 2021, n° 2021-912/913/914 QPC). Cela aura pour conséquence que les mesures prises avant cette date en application des dispositions déclarées contraires à la Constitution, ne pourront être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité.

Introduite par le gouvernement en décembre, la censure de cette loi annonce un véritable contrôle judiciaire des mesures d’isolement et de contention en psychiatrie (loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021). Le gouvernement devra, par conséquent, inclure le contrôle systématique par le juge judiciaire des mesures de maintien à l’isolement ou sous contention d’un patient en hôpital psychiatrique au-delà d’une certaine durée. En effet, la loi censurée ne nécessitait qu’une information du juge des libertés et de la détention, or l’information ne peut être considérée comme une intervention tant la possibilité pour le patient isolé ou sous contention est fictive. Comment un patient sous de telles mesures pourrait-il faire une démarche auprès du juge des libertés et de la détention ? Comment prendre en compte les différentes pratiques des établissements ? Ce type de mesure ne doit en aucun cas être une sanction disciplinaire déguisée comme cela a pu être le cas parfois. 

Plus que donner la possibilité illusoire de saisir le juge ou l’informer simplement des mesures, il était donc nécessaire de donner au justiciable une réelle opportunité de pouvoir saisir le juge. Cette opportunité devait incontestablement passer par un contrôle d’office des mesures de contention et d’isolement Or, le législateur n’avait, de nouveau, pas prévu de soumettre le maintien d’une personne à l’isolement ou sous contention au-delà d’une certaine durée à l’intervention systématique du juge judiciaire, conformément aux exigences de l’article 66 de la Constitution. C’est chose faite depuis le 24 janvier 2022.


E. Exemples jurisprudentiels récents

Cour d’appel de Toulouse, Recours Hospitalisation, 3 juillet 2023, n° 23/00081 

« Il ressort de la décision médicale du Dr [Y] et du psychiatre Dr [P] [X] du 2 juillet 2023 que le motif du maintien en isolement est un passage à l’acte , sans risque suicidaire ni auto-agressivité. Il convient de relever que ce motif imprécis et peu circonstancié est mentionné dans les mêmes termes dans la totalité des décisions médicales depuis le 20 juin 2023 sans qu’aucune précision ne soit fournie tant sur la date que sur les modalités du passage à l’acte évoqué, ni sur un risque repéré de nouveau passage à l’acte nonobstant la durée cumulée de la mesure d’isolement de 237 heures depuis le 25 juin 2023.

Il ne résulte pas des éléments médicaux produits un risque de dommage immédiat ou imminent pour la patiente ou pour autrui.

Dès lors les conditions du maintien de la mesure d’isolement ne sont pas réunies et il convient d’ordonner la mainlevée de cette mesure.L’ordonnance déférée sera en conséquence infirmée. »

Cour d’appel de Montpellier – 1re chambre civile, 1er  janvier 2024, n° 24/00001 : « L’article L3225-1 du code de la santé publique limite strictement l’isolement et la contention « pour prévenir un dommage immédiat ou imminent pour le patient ou pour autrui » avec des restrictions quant à la durée des périodes de contention et d’isolement.En l’espèce, il ne ressort pas des pièces médicales produites que le patient présente un dommage immédiat ou imminent pour lui-même ou pour autrui. La cour ne dispose pas du certificat médical initial justifiant la contention. Le certificat médical le plus récent daté du 29 décembre 2023 à 10h27 évoque « ce jour à l’examen Monsieur refuse tout échange et s’oppose à l’entretien. Il n’y a pas de discours et il garde son visage dissimulé sous une couverture sans contact visuel possible. Ce comportement inapproprié dans le cadre de la proposition d’échange, le comportement à domicile justifie du maintien de la prise en charge dans le même cadre ». La notion de dommage immédiat ou imminent n’est nullement évoquée.

Enfin, il est constant que la saisine du juge des libertés par le directeur du centre hospitalier bien que reçue au greffe du juge des libertés le 31 décembre 2023 est datée du 28 décembre 2023 alors que la mesure de contention a démarré le 29 décembre 2023 à 11h57. »

[1] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat, les soins, document mis à jour le 23/12/2018, p. 34

Chapitres connexes :
  • La période initiale d’observation et de soins de 72 heures
  • La saisine du juge des libertés et de la détention dans les 12 jours puis à 6 mois
  • Le contrôle des soins sans consentement au-delà de la période d’observations et de soins initiale
  • La saisine facultative du JLD à tout moment pour une levée d’hospitalisation
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