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Exemples d’argumentaires demandant une contre expertise

Sont proposés ci-après, anonymisés, des exemples de demandes de contre-expertises que le juge ou la Chambre de l’instruction a satisfaites, susceptibles d’inspirer :


1. Demande de contre-expertise soulignant les contradictions de l’expertise

I / Rappel des faits et de la procédure :

► D est mis en examen et placé en détention provisoire dans le cadre d’une instruction criminelle depuis le … du chef de : − Tentative d’assassinat

► Un rapport d’expertise psychiatrique a été rédigé par les Experts Y et Z le …, adressé à la défense le …. et reçu le ….

► le…, par déclaration au greffe, le Conseil sollicitait qu’il plaise au magistrat instructeur d’ordonner une contre-expertise. Par ordonnance en date du …., notifiée le même jour par télécopie, le magistrat instructeur devait rejeter cette demande. C’est cette ordonnance dont il est fait appel. Monsieur D, par l’intermédiaire de son Conseil, sollicite qu’il plaise à la Cour d’infirmer l’ordonnance dont il est fait appel et d’ordonner une contre-expertise psychiatrique, sous le bénéfice des explications de fait et de droit livrées ci-dessous. En effet, le rapport d’expertise dont discussion, contient plusieurs contradictions relatives à la discussion tirée de l’examen psychiatrique rapporté. En outre, l’existence ou non d’un risque de réitérations des faits n’est pas évoqué.

Discussion :

En droit :

►Aux termes de l’article 167 du Code de procédure pénale :  » Le juge d’instruction donne connaissance des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après les avoir convoqués conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 114. Il leur donne également connaissance, s’il y a lieu, des conclusions des rapports des personnes requises en application des articles 60 et 77-1, lorsqu’il n’a pas été fait application des dispositions du quatrième alinéa de l’article 60. Une copie de l’intégralité du rapport est alors remise, à leur demande, aux avocats des parties. Les conclusions peuvent également être notifiées par lettre recommandée ou, lorsque la personne est détenue, par les soins du chef de l’établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au juge d’instruction l’original ou la copie du récépissé signé par l’intéressé. L’intégralité du rapport peut aussi être notifiée, à leur demande, aux avocats des parties par lettre recommandée. Si les avocats des parties ont fait connaître au juge d’instruction qu’ils disposent d’une adresse électronique, l’intégralité du rapport peut leur être adressée par cette voie, selon les modalités prévues au I de l’article 803-1. Dans tous les cas, le juge d’instruction fixe un délai aux parties pour présenter des observations ou formuler une demande, notamment aux fins de complément d’expertise ou de contre-expertise. Cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l’article 81. Pendant ce délai, le dossier de la procédure est mis à la disposition des conseils des parties. Le délai fixé par le juge d’instruction, qui tient compte de la complexité de l’expertise, ne saurait être inférieur à quinze jours ou, s’il s’agit d’une expertise comptable ou financière, à un mois. Passé ce délai, il ne peut plus être formulé de demande de contre-expertise, de complément d’expertise ou de nouvelle expertise portant sur le même objet, y compris sur le fondement de l’article 82-1, sous réserve de la survenance d’un élément nouveau. Lorsqu’il rejette une demande, le juge d’instruction rend une décision motivée qui doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Il en est de même s’il commet un seul expert alors que la partie a demandé qu’il en soit désigné plusieurs. Faute pour le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai d’un mois, la partie peut saisir directement la chambre de l’instruction. Le juge d’instruction peut également notifier au témoin assisté, selon les modalités prévues par le présent article, les conclusions des expertises qui le concernent en lui fixant un délai pour présenter une demande de complément d’expertise ou de contre-expertise. Le juge n’est toutefois pas tenu de rendre une ordonnance motivée s’il estime que la demande n’est pas justifiée, sauf si le témoin assisté demande à être mis en examen en application de l’article 113-6. ».

En fait :

► Sur le premier paragraphe de la réponse à la question n°8

 Les Experts confirment le diagnostic d’une pathologie mentale chronique du registre des troubles du spectre autistique. Ils relèvent « un sentiment diffus de d’hostilité du monde extérieur » notant toutefois que l’intéressé « garde un contact avec le réel ». Les Experts semblent étayer l’argument en faveur d’un contact avec le réel par le raisonnement suivant :

– a. « Il n’a pas développé de délire de persécution systématisé, qu’il soit en secteur ou plus diffus en réseau »,

 – b. « Ce sentiment d’hostilité fait suite à des éléments de réalité, même s’il a pu exagérer certaines de ces craintes »,

– c. « Bien qu’il ressente depuis longtemps une certaine hostilité de la part d’autrui, il ne s’agit pas de persécuteurs désignés »,

– d. « Il a pu jusqu’alors garder la maitrise de ses comportements ».

La présente discussion porte sur les éléments de ce raisonnement :

1. En premier lieu (point « a »), le vécu de persécution de l’intéressé, voire une psychose paranoïde sont rapportés dans de multiples pièces médicales :

 – Le …. : « Hospitalisation pour épisode de persécution ». « Celle-ci aurait décrit de l’angoisse, un vécu de persécution (…) »,

– (Rapports d’expertise du Pr Y) : « Les troubles à type de vécu de persécution se seraient aggravés ces dernières semaines ».  « D peut (…) décrire un sentiment de persécution (…). Le port du couteau semble s’inscrire dans un contexte de persécution »,  «(…) en proie à des angoisses de persécution». « On perçoit alors l’aspect très paranoïde de s structure puisqu’il affirme qu’il ne voir pas les gens que comme mauvais, comme des ennemis », « Vision paranoïde du monde (…)», « Son examen révèle des anomalies mentales du domaine de la psychose paranoïde avec une vision persécutoire dangereux dont il faut se protéger».

– Rapport d’expertise querellé : « Etant donné le jeune âge du sujet, une évolution vers une schizophrénie reste possible si l’on prend en compte les modifications survenues au niveau du comportement depuis début 2014 avec agressivité et froideur affective ainsi que l’existence, alors qu’il n’était pas encore traité par Risperdal, d’un syndrome de persécution entrainant chez Monsieur une réelle peur du monde extérieur ». Il est à noter que tant dans les deux rapports d’expertises, de nombreuses pièces médicales rapportent que D était obsédé par l’idée de tuer notamment son ancien camarade du collège. […]

Il semblerait que dans le rapport querellé, les Experts « penchent » en faveur d’un vécu persécutoire sans lien avec une quelconque pathologie, en adoptant le raisonnement noté plus haut en « a, b,c ».  D conteste ce raisonnement, les points a, et c sont des éléments factuels critiqués ci-dessous. En outre, les Experts, bien qu’ayant pris connaissance du rapport d’expertise du Pr Y, n’évoquent nullement (soit pour infirmer, soit pour confirmer), une des réponses des conclusions du rapport déposé par ces dernières : « Son examen révèle des anomalies mentales du domaine de la psychose paranoïde avec une vision persécutoire dangereux dont il faut se protéger ». (Rapport d’expertise du Pr Y p. ) Dès lors il convient qu’une contre-expertise psychiatrique soit organisée afin qu’il soit clairement statué sur les points suivants :

– En quoi, un délire de persécution en secteur peut être écarté ou diagnostiqué ?

– En quoi un délire de persécution plus diffus en réseau peut être écarté ou diagnostiqué ?

– En quoi une psychose paranoïde avec une vision persécutoire peut être confirmée ou confirmée ?

2. En deuxième lieu, Il est pour le moins curieux que les Experts relèvent que « Ce sentiment d’hostilité fait suite à des éléments de réalité, même s’il a pu exagérer certaines de ces craintes ». En effet, D évoque une moquerie de camarade d’école qui l’amène à être obsédé de tuer ce dernier. A d’autres moments, il est dans l’incapacité d’expliquer les motivations de son obsession.  : (Rapport d’expertise querellé, p. ) : « D parle des envies de tuer certaines personnes. Évoque en particulier un garçon de sa classe de troisième envers qui il n’aurait pas de grief particulier ». On ne peut affirmer de manière péremptoire que ce sentiment résulte d’un élément de réalité ! Par ailleurs, D indique transporter sur lui un couteau lorsqu’il se trouve dans les transports en communs, car il s’y sent en danger. Il est patent que D n’a jamais fait l’objet d’une quelconque agression dans les transports en commun. Dès lors son hostilité face aux passagers d’un transport collectif ne résulte en rien d’un élément issu de la réalité. Et encore, l’acte malheureux de D a été commis à l’endroit d’un infirmier envers le quel il n’avait aucun grief. Son passage à l’acte ne résulte en rien d’un élément d’hostilité ressenti à l’égard d’un infirmier et qui résulterait d’un élément réel. Enfin, l’obsession de tuer son camarade de classe ou le patron de stage de son frère ou encore les passagers d’un transport collectif est d’une disproportion abyssale avec le comportement de ces personnes (aucune de ces personnes n’a agressé Monsieur D), de telle sorte que cette obsession précisément est en dehors de tout élément résultant de la réalité. Les éléments délirants de type interprétatif, en lien avec une mauvaise compréhension des signaux émis par l’autre, sont d’ailleurs évoqués par les Experts.

3. En troisième lieu, contrairement à ce qui est relevé par les Experts, il existe bel et bien un persécuteur désigné, en parallèle de la vision paranoïde du monde :

– Rapport d’expertise du Pr Y : « D était effectivement un patient à risque puisqu’il exprimait clairement sa volonté de tuer quelqu’un au couteau, notamment envers un de ses camardes du Lycée qui l’emmerdait»,  « il avait des pensées envahissantes et pensait souvent à tuer certaines personnes sur lesquelles il focalisait »,

– … (Rapport d’expertise du Pr Y, et rapport d’expertise querellé, ) : « Il pense souvent comment tuer certaines personnes désignées (notamment un élève de son ancien collège ou un ex-patron de stage de son frère), « je me focalise sur quelqu’un ». « Il avait alors des pensées envahissantes et pensait souvent à tuer certaines personnes sur lesquelles il se focalisait ».

– …(Rapport d’expertise querellé, ) : « Parle des envies de tuer certaines personnes. Évoque en particulier un garçon de sa classe de troisième envers qui il n’aurait pas de grief particulier ». « Il dit clairement avoir pensé à planter un copain du collège ».

– …(Rapport d’expertise du Pr Y et rapport d’expertise querellé, ) : « D évoque son projet de passage à l’acte avec son couteau sur un ancien camarade de classe».  « D évoque sa pensée autour d’un passage à l’acte sur un de ses anciens camarades ».

Dès lors, les Experts ne peuvent – sans contradiction – relever à la fois la désignation réitérée et sans équivoque d’un persécuteur et tenir un raisonnement au terme duquel il n’existerait pas de délire de persécution systématisé au motif notamment qu’il n’y aurait pas de persécuteur désigné.

4. En quatrième lieu, les Experts ne peuvent raisonnablement tirer argument de ce que « Il a pu jusqu’alors garder la maitrise de ses comportements ». L’objectif d’une expertise psychiatrique, sur la question de l’abolition ou l’altération du discernement, consiste à jauger de la capacité de maitrise de l’intéressé au moment des faits. Dès lors, peu importe qu’avant ou après les faits, le discernement de l’intéressé soit aboli ou altéré. Par ailleurs, les Experts ne discutent nullement des déclarations de l’intéressé : « Oui, c’est vrai, j’ai perdu le contrôle. Je vois les choses floues. Je ne sais pas ce que je suis en train de faire. J’ai même demandé à la fin si j’avais blessé quelqu’un d’autre. Après, à la fin, j’ai repris mes esprits ». (p. du rapport querellé). Il est à noter que l’on ne saurait retenir ces propos comme des déclarations utilitaires visant à tromper la religion des Experts aux fins d’obtenir une conclusion en faveur d’une abolition de discernement. En effet, les Experts relèvent l’incapacité de D à mentir (cela est en lien avec ses troubles du spectre autistiques selon les dires des Experts) et par surcroit, sa propension à s’auto-incriminer en conséquence (p.). Au surplus, ses déclarations sont confirmées par la victime et un témoin : « J’ai vite vu qu’il était insaisissable par la parole et je ne pouvais pas être en lien avec lui » (…). Il était enragé comme jamais je ne l’ai vu. Il s’est acharné sur moi. Quand il était en chambre d’isolement après l’agression, la première question qu’il a posé aux médecins c’était qu’il était inquiet que je me venge sur sa famille. Je me suis dit qu’il avait une perception de la réalité vraiment perturbée (…) » « Il était comme fou, il était enragé, je ne le reconnaissais pas ». Il convient que, lors d’une contre-expertise, les Experts présentent les arguments en faveur ou en défaveur de la perte de maitrise de D au moment des faits et indiquent leurs réflexions sur les déclarations de D reproduites ci-dessus.

► Sur le second paragraphe premier de la réponse à la question n°8, c ’est à tort que les Experts indiquent que D n’a pas agi « dans un moment fécond ». En premier lieu, ils relèvent : « on peut se demander si le projet de sortie n’a pas réactivé les angoisses de persécution (d’autant plus que le traitement n’était pas pris de façon régulière pendant les week-end)». Il convient de préciser, dans un rapport de contre-expertise, à quel degré ce projet de sortie a pu favoriser un moment fécond. En second lieu, alors qu’il est constant que D consommait du cannabis et, ce faisant, ne suivait pas son traitement, il convient de préciser dans un rapport de contre-expertise, à quel degré ces deux éléments ont pu favoriser un moment fécond. En troisième lieu, les Experts relèvent qu’en raison de son trouble de la sphère autistique, D était astreint à un « répertoire d’intérêts et d’activités restreint, stéréotypé et répétitif ». Il convient de préciser dans un rapport de contre-expertise, à quel degré la levée d’hospitalisation complète avec les déplacements en taxis (avec des conducteurs différents) et la reprise de l’école ont pu favoriser un moment fécond. En quatrième lieu, il convient de préciser, dans un rapport de contre-expertise, à quel degré les éléments chronologiques suivants ont pu favoriser un moment fécond :  …: D dit avoir pris son couteau pour sortir de chez lui, – D prévoit de prendre le couteau avec lui quand il retournera à l’école, –  D explique être sorti en ville avec un copain et avoir pris un couteau avec lui, –  dit avoir fumé du cannabis –  D a introduit un briquet dans le service, – D aurait à nouveau introduit un briquet dans le service, – état psychique inquiétant, avec des éléments anxieux, rapportant à un épisode d’hallucinations auditives. Et enfin, les Experts émettent l’hypothèse que le passage à l’acte a été motivé par le besoin de se prouver qu’il était capable de se défendre, face à quelqu’un dont il savait, par définition, qu’il ne réagirait pas de manière hostile à son égard. Cette affirmation souffre manifestement de contradictions avec les éléments relevés par les Experts : En effet, d’une part, D a toujours indiqué avoir eu ce geste pour récupérer les clés et s’en aller. Outre le fait, qu’il est patent qu’il n’est pas dans la capacité d’user de mensonges utilitaires, ses propos sont confirmés par la victime et un témoin. En effet, en cote …, la victime indique qu’un personnel soignant a entendu D crier « donne-moi les clés, je veux sortir ». En cote…, un témoin indique que D parlait seul « je ne sais pas si je le fais, j’ai envie de partir, je ne sais pas si je le fais ». « Il m’a dit qu’il avait envie de planter un infirmier pour lui prendre les clefs ». Il est pour le moins surprenant que les Experts écartent, sans explication aucune, les raisons de passage à l’acte évoqué par D et confirmé dans la procédure, afin d’y substituer d’autres raisons de passage à l’acte. Au surplus, il semblerait que les Experts aient opéré une confusion entre les raisons de l’obsession de D de tuer un de ses camarades de classe avec les raisons pour lesquelles il a gravement agressé un infirmier.

 ► Sur les autres points de l’Expertise

 Les Experts relèvent que D indique avoir répondu aux enquêteurs de manière « à ne pas les décevoir. J’ai dit n’importe quoi, ils m’ont fait dire n’importe quoi, je n’étais pas sûr de moi ». Les Experts évacuent cette importante affirmation de D. Pourtant, ils ont pris note de la pièce médicale du ….« Il se présente de bon contact mais il est cependant difficile de savoir ce qu’il pense réellement car il acquiesce ou termine les phrases qu’on présente ». 48 heures avant les faits, en raison de son trouble de comportement, il est relevé que D acquiesce et termine les phrases qu’on lui présente. Cette affirmation du personnel médical est à mettre en lien direct avec les déclarations de D relative à son comportement lors de son placement en garde à vue et plus précisément le fait qu’il a dit n ‘importe quoi pour ne pas les décevoir.

Sur l’absence de la précision du risque de réitération des faits Il n’est sérieusement pas envisageable de considérer le rapport d’expertise complet sans la réponse à cette question.

Sur la motivation de l’ordonnance dont appel, c’est à tort que le magistrat instructeur a retenu les éléments suivants :

1. Dans l’ordonnance dont appel, la motivation souffre d’une confusion évidente entre différentes notions psychiatriques. Si ladite ordonnance reprend l’argumentation de la défense pour convenir de ce que « un vécu persécutoire » est une notion différente du « délire de persécution », elle ne répond nullement à la question soulevée relativement à la « psychose paranoïde ». En effet, le Pr Y relève chez D une psychose paranoïde. Le second rapport d’expertise ne mentionne en aucun cas de psychose paranoïde. La difficulté vient de ce que les seconds Experts, qui ont pris connaissance du rapport d’expertise du Pr Y, ne présentent aucun argument pour confirmer ou infirmer la pathologie diagnostiquée par le professeur. Ils ont tout simplement fait fi de cette pathologie.

2. La motivation de l’ordonnance dont appel souffre de contradictions

Il y est à la fois relevé l’existence de plusieurs persécuteurs désignés et à la fois tiré argument de ce que « c’est à raison que les seconds experts ont retenu l’absence de persécuteurs désignés ».

3. Il n’appartient pas au magistrat instructeur de se substituer aux Experts en indiquant que « les moments féconds sont sans lien direct avec cette notion de psychiatrie renvoyant à un moment d’exacerbation des délires chroniques ».

En effet, la demande de contre-expertise rejetée, visait notamment à interroger les experts sur cette question, la réponse devant être donnée par des professionnels de la psychiatrie.

4. Sur l’absence de question relative à la réitération des faits

 Il est exact que l’ordonnance de commission d’expert a été communiquée à l’ancien Conseil de  . Il est constant que ni l’ancien Conseil de D, ni le Ministère Public, ni le magistrat instructeur n’ont jugé utile que cette question soit posée. Pour autant, il est tout aussi constant, que lorsque l’affaire sera examinée par une formation de jugement, cette question sera au cœur des débats. Il serait pour le moins délicat de laisser la formation de jugement examiner l’affaire sans les précisions essentielles à ce type de dossier.

Par ces motifs

Vu les articles 81, 108 et suivants du Code de procédure pénale, D, par l’intermédiaire de son Conseil, sollicite qu’il plaise à la Cour de :

 – Infirmer l’ordonnance dont appel,

Ordonner une contre-expertise psychiatrique à tel collège d’expert qu’il plaira à la Cour de désigner, – Lui confier la mission habituelle.


2. Demande de contre-expertise sur la base d’une contestation des bases techniques de l’expertise

Sur le droit applicable

• En vertu des alinéas 3 et 4 de l’article 706-47-1 du code de procédure pénale : « Les personnes poursuivies pour l’une des infractions mentionnées à l’article 706-47 du présent code doivent être soumises, avant tout jugement au fond, à une expertise médicale. L’expert est interrogé sur l’opportunité d’une injonction de soins. Cette expertise peut être ordonnée dès le stade de l’enquête par le procureur de la République.»

• En vertu de l’article 706-47 13° du code de procédure pénale : « Le présent titre est applicable aux procédures concernant les infractions suivantes : (…) 13° Délits d’atteintes sexuelles prévus aux articles 227-25 à 227-27 du même code

• En vertu de l’article 156 du code de procédure pénale : « Toute juridiction d’instruction ou de jugement, dans le cas où se pose une question d’ordre technique, peut, soit à la demande du ministère public, soit d’office, ou à la demande des parties, ordonner une expertise. Le ministère public ou la partie qui demande une expertise peut préciser dans sa demande les questions qu’il voudrait voir poser à l’expert. Lorsque le juge d’instruction estime ne pas devoir faire droit à une demande d’expertise, il doit rendre une ordonnance motivée au plus tard dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Les dispositions des avant-dernier et dernier alinéas de l’article 81 sont applicables. Les experts procèdent à leur mission sous le contrôle du juge d’instruction ou du magistrat que doit désigner la juridiction ordonnant l’expertise.». • En vertu de l’article 388-5 du code de procédure pénale : « En cas de poursuites par citation prévue à l’article 390 ou convocation prévue à l’article 390-1, les parties ou leur avocat peuvent, avant toute défense au fond ou à tout moment au cours des débats, demander, par conclusions écrites, qu’il soit procédé à tout acte qu’ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité. Ces conclusions peuvent être adressées avant le début de l’audience, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par remise au greffe contre récépissé. S’il estime que tout ou partie des actes demandés sont justifiés et qu’il est possible de les exécuter avant la date de l’audience, le président du tribunal peut, après avis du procureur de la République, en ordonner l’exécution selon les règles applicables au cours de l’enquête préliminaire. Les procès-verbaux ou autres pièces relatant leur exécution sont alors joints au dossier de la procédure et mis à la disposition des parties ou de leur avocat. Si le prévenu ou la victime doivent être à nouveau entendus, ils ont le droit d’être assistés, lors de leur audition, par leur avocat, en application de l’article 63-4-3. Si les actes demandés n’ont pas été ordonnés par le président du tribunal avant l’audience, le tribunal statue sur cette demande et peut commettre par jugement l’un de ses membres ou l’un des juges d’instruction du tribunal, désigné dans les conditions prévues à l’article 83, pour procéder à un supplément d’information ; l’article 463 est applicable. S’il refuse d’ordonner ces actes, le tribunal doit spécialement motiver sa décision. Le tribunal peut statuer sur cette demande sans attendre le jugement sur le fond, par un jugement qui n’est susceptible d’appel qu’en même temps que le jugement sur le fond ».

• En vertu de l’article 463 du code de procédure pénale : « S’il y a lieu de procéder à un supplément d’information, le tribunal commet par jugement un de ses membres qui dispose des pouvoirs prévus aux articles 151 à 155. Ce supplément d’information obéit aux règles édictées par les articles 114, 119, 120 et 121. Le procureur de la République peut obtenir, au besoin par voie de réquisitions, la communication du dossier de la procédure à toute époque du supplément d’information, à charge de rendre les pièces dans les vingt-quatre heures ».

Sur l’application de la Loi

Sur la recevabilité de la présente

Le …, B se voyait remettre une convocation en justice sur le fondement de l’article 390-1du code de procédure pénale. L’article 388-5 du code de procédure pénale dispose en son premier alinéa qu’ « en cas de poursuites par citation prévue à l’article 390 ou convocation prévue à l’article 390-1, les parties ou leur avocat peuvent, avant toute défense au fond ou à tout moment au cours des débats, demander, par conclusions écrites, qu’il soit procédé à tout acte qu’ils estiment nécessaire à la manifestation de la vérité ». Par conséquent, la présente demande d’acte de B est recevable.

Sur le fond

À l’évidence en rendant obligatoire la mesure d’une expertise psychiatrique dans le cadre de la procédure applicable aux infractions de nature sexuelle et de la protection des mineurs victimes, le législateur a souhaité mettre la Juridiction de jugement en mesure d’apprécier de manière éclairée la personnalité de l’intéressé et en conséquence – en cas de condamnation – prononcer une peine qui – notamment – assure la protection de la société et prévient la commission de nouvelles infractions. Si la déclaration de la culpabilité ne résulte assurément pas de cet élément de la procédure, en revanche il est patent que l’expertise psychiatrique commande directement la peine infligée (en cas de culpabilité avérée) tant dans son quantum et que dans sa nature et ceci conformément aux buts et fonctions de la peine édictés par l’article 130-1 du Code pénal

En l’espèce, le rapport de l’expertise psychiatrique ne saurait utilement éclairer le Tribunal. En effet, d’une part la méthode d’examen souffre incontestablement de fiabilité en ce qu’elle ne répond pas à des critères scientifiques. D’autre part, la « discussion » expertale est entachée de contradiction.

Sur la critique de la méthode d’expertise

L’Expert a procédé à 5 séries de questionnaires afin de répondre aux questions qui lui étaient posées par voie de réquisitions. Il s’agit de la méthode dite « actuarielle » ou à tout le moins « semi-structurée ».

  1. En premier lieu, bien qu’en matière pénale la méthode utilisée par l’Expert ne soit pas encadrée par la Loi, la méthode « clinique » est celle qui est pratiquée dans l’écrasante majorité des cas en France.
  2. En second lieu, à supposer que la méthode « actuarielle » ou « semi-structurée » puisse être intrinsèquement fiable, encore faudrait-il que les questionnaires qui la composent puissent être de qualité ou à tout le moins un minimum reconnus par la littérature scientifique. En l’espèce, les questionnaires sont les suivants :

– Test de personnalité d‘Eysenck,

– Questionnaire d’impulsivité,

 – Questionnaire de personnalité PDQ4,

– Echelle HAD d’anxiété dépression de Sigmond et Snaith,

– Inventaire de symptomatologie dépressive IDS-SR.

L’ensemble de ces questionnaires s’appuie sur une analyse factorielle des réponses, analyse qui découle d’algorithmes dont les formules mathématiques – faute d’être explicitées dans le rapport – échappent au contrôle du Tribunal, du Ministère Public et des Conseils de parties. Enfin et surtout, sans analyse autre, la méthode est prédictive.

Le test de personnalité d’Eysenck :

– Relève du domaine psychologique et non de la psychiatrie.

– Il a pour prétention de mesurer deux facteurs : l’extraversion et le névrosisme. Ce test a vocation à suggérer une certaine prédictibilité des conduites à risque par l’intermédiaire de ces deux facteurs.

– Les hypothèses de construction de la personnalité de ce test reposent sur l’analyse factorielle.

– La difficulté pour le Tribunal, le Ministère public, les conseils de partie civile et de la défense résident dans le fait qu’ils n’ont aucun accès au modèle établi par Eysenck pour s’assurer que les questions posées par l’Expert sont celles établies par Eysenck. Il est à noter que l’Expert relève un « score de mensonge» alors que d’une part, le test d’Eysenck n’ a pas vocation à « mesurer » le mensonge et que d’autre part, aucune explication, aucune clé de compréhension n’est donnée quant à la méthode d’établissement des scores…

Le Questionnaire d’impulsivité :

Il existe une multitude de tests afin de « mesurer » l’impulsivité. Faute pour l’Expert de préciser le questionnaire utilisé (UPPS, BIS-10dit test de Barrat, etc..), ni le Tribunal, pas davantage que le ministère public ou les avocats des parties ne sont en mesure de discuter de la fiabilité des scores relevés à l’aide de ce test.

Le questionnaire de personnalité PDQ4 :

Il s’agit d’un test traduit en français dont l’objectif est de détecter les troubles de la personnalité suivant la méthode prédictive et dont l’utilité « ne semble pas être démontrée ».

Echelle HAD d’anxiété dépression de Sigmond et Snaith :

Il s’agit d’une « échelle prédictive » à « analyses factorielles ». La fiabilité de tels tests dépend de la pertinence des questions posées ainsi que des algorithmes dont résultent les analyses factorielles.

Inventaire de symptomatologie dépressive IDS-SR

Idem

À supposer que ces cinq questionnaires soient scientifiquement valides, les conclusions expertales qui en découlent ne peuvent qu’être erronées en ce que l’Expert interprète les « scores » à la faveur d’un échantillon de population qui ne satisfait pas aux critères de représentativité, critère indispensable à l’établissement de toutes statistiques ou normes. En effet :

-En page 6 et en ce qui concerne le test d’Eysenck, il fait référence à échantillon « notre population de 440 patients et expertisé ayant passé ce test »,

– En page 7et en ce qui concerne le test d’impulsivité, il fait référence à échantillon « notre population de 392 patients et expertisé ayant passé ce test », 7

Sur la critique de la « discussion » expertale

À titre liminaire, l’Expert a déposé un rapport qui comprend la partie relative à la biographie et les réponses aux questions figurant dans les réquisitions. Aucune partie du rapport ne contient les éléments relatifs à l’examen clinique et à la discussion qui en découle. Faute de porter à la connaissance du Tribunal, du Ministère public et des Conseils des parties le contenu de l’examen clinique et de la discussion, le rapport d’expertise souffre de la possibilité d’une discussion contradictoire sur le fond.

1. En premier lieu, l’Expert relève (p.) : « Avant Mme I, il aurait eu une campagne qui avait eu un cancer du sein et qui serait devenue chauve. C’est pour cette raison qu’il l’aurait abandonnée ».  B n’a jamais tenu de tels propos. Et pour cause, la campagne qui a été atteinte par le cancer est Madame I, épouse B. En effet, lorsque B a rencontré I, elle était atteinte d’un cancer du sein et, compte-tenu des mesures thérapeutiques qu’elle suivait, elle avait perdu ses cheveux. En conséquence, loin d’abandonner une femme pour cette cause, B a – au contraire – commencé une relation amoureuse avec une femme dans ces conditions. En page. de son rapport, l’Expert relate à nouveau cette fausse information et en tire des conséquences : « (…) Il indique qu’il était en couple, avant I, mais que sa compagne, atteinte d’un cancer, serait devenue chauve, motif pour lui de l’abandonner. Il pourrait paraître étrange et incohérent, ce d’autant que sa vie professionnelle semble, elle-même, assez désordonnée. Mais il évoque plutôt un pervers sexuel qui se dissimule derrière un masque d’originalité. (…) ».

2. En second lieu, l’Expert soutient que B est un manipulateur au motif suivant : « B est très flou sur sa sexualité. Il évoque plusieurs faits un peu discordants : – (…) – son ignorance du fait qu’il ignorait que la masturbation était sexuelle. Cette dernière information emporte la conviction à propos du caractère manipulatoire d’un discours certes flou, mais qui est orienté vers l’objectif de l’exonérer de sa responsabilité ». B n’a jamais tenu de tels propos devant l’Expert. Il est d’ailleurs à noter que l’Expert n’a pas retranscrit une seule phrase prononcée par B. L’Expert a procédé par voie d’interprétation d’un discours à l’instar de l’exemple rapporté en ci-dessus. En outre, l’Expert soutient en page.. de son rapport, en réponse à la question n°3 : « (…) il serait suivi par une psychiatre pour travailler ses « idées ». Mais il ne reçoit aucun traitement psychotrope, ce qui confirme l’hypothèse qu’il ne s’agit pas d’un psychotique, mais d’un pervers ». Encore une fois, l’Expert « raisonne » à partir d’un élément factuel erroné. Dès lors la conséquence tirée ne peut qu’être entachée d’erreur. B est suivi par une psychologue clinicienne et non un psychiatre. À l’évidence, une psychologue n’a pas qualité de médecin et n’est pas autorisée à prescrire un traitement. Au-delà de cette erreur factuelle, l’Expert pose une dichotomie « psychotique » et « pervers » dans le cadre de passage à l’acte d’infractionnel. Cette analyse est contredite par le Dr Y, Expert psychiatrique près la Cour de cassation et dont les compétences en matière de soins dans ce type d’infraction sont de notoriété. C’est ainsi qu’il indique : « Sur un plan strictement psychiatrique, on soulignera que la transgression est relativement exceptionnelle chez les sujets psychotiques, et qu’elle n’est pas à priori en lien avec une structure névrotique stricto sensu. ». En ce qui concerne un diagnostic d’une personnalité perverse, il précise : « Sur un plan psychopathologique, c’est la relecture de la problématique perverse (qu’on peut situer comme résultant d’un triptyque : égocentrisme, relation d’emprise, déni d’altérité) ; problématique que l’on recentrera sur une psychopathologie de l’acte et non comme une psychopathologie structurale de la personnalité. ».

En réponse à la question n°6, l’Expert précise : « La perversion sexuelle est un trouble particulièrement difficile à traiter, surtout chez une personne présentant une personnalité obsessionnelle. Dans ces conditions, B n’est ni curable, ni réadaptable. D’ailleurs, il reçoit des soins dans le cadre de sa perversion, qui semblent ne donner que des résultats très modestes, voire nuls ». Il est pour le moins incohérent que l’Expert tire de telles conclusions alors que : – il existe des protocoles de soins et à cet égard le Dr Y conclut : « De façon plus générale, la créativité en psychiatrie et psychologie légales se doit d’accepter que l’espace thérapeutique soit à la fois un travail d’analyse du moi, d’analyse du ça ; ou dit plus simplement à la fois un travail psycho-éducatif et un travail psychothérapeutique stricto sensu ; dit autrement encore le travail d’accompagnement du sujet dans le cadre d’une obligation de soins vise à la fois à faire maturer la personnalité (non spécifique) mais aussi à clarifier les relations mentales liées à la fantasmatique et à la sexualité, repérer des situations à risque (conflit interne, situation externe), gérer sa sexualité et réinvestir la vie sociale du sujet parfois un peu marginalisé par la stigmatisation de la scansion sociale (repères d’évolution spécifiques) ».

L’expert n’a entrepris aucune discussion relative au fait que le casier judiciaire de B ne porte trace d’aucune mention. Il aurait été utile de se pencher sur le point de savoir si cette circonstance ne discrimine pas de facto une perversion structurelle,

L’expert n’a pas pris en compte la dimension contextuelle. À l’évidence si déviance il y a, elle n’est pas chronique. Afin de mesurer la dangerosité de l’intéressé et les risques de renouvellement de l’infraction, il aurait été efficient que l’Expert se penche sur la dimension contextuelle du passage à l’acte.

PAR CES MOTIFS Vu les articles 156, 388-5, 463, 706-47 et 706-47-1 du code de procédure pénal ; Vu l’article 229-22-1 du Code pénal ; B sollicite qu’il plaise au Tribunal de :

DECLARER recevable et bien fondée sa demande ;

En conséquence, AVANT DIRE DROIT, ordonner une mesure de contre-expertise psychiatrique confiée à tel Expert près la Cour d’appel, ayant pour mission :

1° – Procéder à l’examen psychiatrique de B et dire s’il est en mesure de comprendre les propos et de répondre aux questions ;

2° – Dire si l’examen de l’intéressé révèle chez lui des anomalies mentales ou psychiques, le cas échéant les décrire et préciser à quelles affections elles se rattachent;

3° – Dire si l’infraction reprochée au sujet est en relation avec des éléments factuels ou biographiques de l’intéressé;

4° – Dire si l’intéressé était atteint au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes ou ayant altéré son discernement ou entravé le contrôle de ses actes, au sens de l’article 122-1 du code pénal et définir si ce trouble peut être en relation déterminante ou partielle avec les faits reprochés à l’intéressé ;

5° – Dire si l’intéressé a agi sous l’emprise d’une force ou d’une contrainte à laquelle il n’a pu résister au sens de l’article 122-1 du code pénal ;

6° – Dire si l’état mental de l’intéressé risque de compromettre l’ordre public ou la sûreté des personnes et nécessiterait, dès lors, une hospitalisation en milieu spécialisé en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale ;

7° – Dire si l’intéressé présente un état dangereux au sens psychiatrique ou criminologique en énumérant les éléments de pronostic défavorables ou favorables ;

8° – Dire quelles sont les propositions thérapeutiques possibles et se prononcer sur l’opportunité, sur un plan psychiatrique, en cas de condamnation ultérieure, d’une injonction de soin dans le cadre d’un suivi socio-judiciaire ;

De façon générale, faire toutes observations utiles à la manifestation de la vérité et consigner vos observations dans un rapport.


3. Demande de contre-expertise après une expertise réfutant l’abolition du discernement

En droit :

            ►Aux termes de l’article 167 du Code de procédure pénale : 

 » Le juge d’instruction donne connaissance des conclusions des experts aux parties et à leurs avocats après les avoir convoqués conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l’article 114. Il leur donne également connaissance, s’il y a lieu, des conclusions des rapports des personnes requises en application des articles 60 et 77-1, lorsqu’il n’a pas été fait application des dispositions du quatrième alinéa de l’article 60. Une copie de l’intégralité du rapport est alors remise, à leur demande, aux avocats des parties.

Les conclusions peuvent également être notifiées par lettre recommandée ou, lorsque la personne est détenue, par les soins du chef de l’établissement pénitentiaire qui adresse, sans délai, au juge d’instruction l’original ou la copie du récépissé signé par l’intéressé. L’intégralité du rapport peut aussi être notifiée, à leur demande, aux avocats des parties par lettre recommandée. Si les avocats des parties ont fait connaître au juge d’instruction qu’ils disposent d’une adresse électronique, l’intégralité du rapport peut leur être adressée par cette voie, selon les modalités prévues au I de l’article 803-1.

Dans tous les cas, le juge d’instruction fixe un délai aux parties pour présenter des observations ou formuler une demande, notamment aux fins de complément d’expertise ou de contre-expertise. Cette demande doit être formée conformément aux dispositions du dixième alinéa de l’article 81. Pendant ce délai, le dossier de la procédure est mis à la disposition des conseils des parties. Le délai fixé par le juge d’instruction, qui tient compte de la complexité de l’expertise, ne saurait être inférieur à quinze jours ou, s’il s’agit d’une expertise comptable ou financière, à un mois. Passé ce délai, il ne peut plus être formulé de demande de contre-expertise, de complément d’expertise ou de nouvelle expertise portant sur le même objet, y compris sur le fondement de l’article 82-1, sous réserve de la survenance d’un élément nouveau.

Lorsqu’il rejette une demande, le juge d’instruction rend une décision motivée qui doit intervenir dans un délai d’un mois à compter de la réception de la demande. Il en est de même s’il commet un seul expert alors que la partie a demandé qu’il en soit désigné plusieurs. Faute pour le juge d’instruction d’avoir statué dans le délai d’un mois, la partie peut saisir directement la chambre de l’instruction.

Le juge d’instruction peut également notifier au témoin assisté, selon les modalités prévues par le présent article, les conclusions des expertises qui le concernent en lui fixant un délai pour présenter une demande de complément d’expertise ou de contre-expertise. Le juge n’est toutefois pas tenu de rendre une ordonnance motivée s’il estime que la demande n’est pas justifiée, sauf si le témoin assisté demande à être mis en examen en application de l’article 113-6.« .

En fait :

1. Sur « l’état des lieux » posé par l’Expert

À la lecture des deux rapports d’expertises, il apparaît que l’Expert relève :

            – Un premier antécédent psychiatrique  : hospitalisation du  … au … Pôle santé publique CH… Ce dossier mettrait en évidence un épisode psychotique aigu par suite d’une consommation aigue de produits toxiques (avec bouffée délirante aigue).

            – Un second antécédent psychiatrique : hospitalisation du …. au …. Hôpital de …

Ce dossier mettrait en évidence un diagnostic de trouble psychotique aigu d’allure psychotique., sans consommation de produits toxiques.

« Visiblement au moment des faits il ne prenait pas de traitement et présentait des hallucinations auditives ». 

« Il y avait surement également un vécu persécutoire par rapport à la réalité externe ».

« A n’a pas agi du fait d’un commandement lié à des hallucinations auditives ou visuelles ou les deux. »

« Au moment des faits la pathologie psychotique était décompensée, non soignée. Le conflit a été vécu sur un mode de persécution, d’où le passage à l’acte et, dans ces conditions, on doit considérer que l’altération est absolument majeure ».

2.  Sur les motifs ayant conduit l’Expert à écarter une abolition du discernement

L’Expert relève deux motifs :

D’une part, A n’a pas agi sous du fait d’un commandement lié à une hallucination,

D’autre part, le conflit domestique qui existait entre A et  B était un élément de la réalité. 

3.  Le premier motif de la Discussion expertale est entaché de contradiction

L’Expert relève à la fois : « Visiblement au moment des faits il ne prenait pas de traitement et présentait des hallucinations auditives ».  A n’a pas agi du fait « d’un commandement lié à des hallucinations auditives ou visuelles ou les deux ».

En premier lieu et à l’évidence, il y a une contradiction entre le fait de relever que A présentait des hallucinations auditives au moment des faits et le fait qu’il n’ait pas agi sous l’injonction d’un commandement.

En effet, comment A qui, selon le même Expert, présentait « au moment des faits une pathologie psychotique décompensée, non soignée »peut-il faire la différence entre ce qui résulte d’une hallucination auditive et d’un commandement ou de la réalité ?

On peut même s’interroger sur le point de savoir en quoi l’hallucination auditive en elle-même ne serait pas un commandement ?

Enfin, le propre d’une hallucination est de paraître être la réalité pour la personne qui la subit et dès lors il est impossible pour A de faire la différence entre une hallucination, un commandement et la réalité, étant admis par l’Expert que sa pathologie était décompensée et qu’il était en proie à des hallucinations auditives au moment des faits.

En tout état de cause, dès lors que l’Expert admet d’une part que A était en proie à des hallucinations auditives au moment des faits et en état de décompensation, et par ailleurs dans un mode de vécu de persécution, il est indéniable qu’il se trouvait d’un état de fausseté absolue de jugement.

4.  Le second motif de la discussion est entaché d’erreur

À supposer que A n’était pas en proie à une hallucination auditive au moment des faits ou que cette hallucination n’équivaille pas à un commandement, il est particulièrement nécessaire de voire trancher les points suivant :

Le fait de répliquer par dix coups de couteaux n’est-il pas en soi une un passage à l’acte exempt de toute logique tant les faits sont en disproportion abyssale par rapport à la réalité du conflit entre les deux hommes ?

La motivation de A dans son passage à l’acte, est à l’évidence, le contraire d’un raisonnement logique et ancré dans la réalité.

En effet :

Le casier judiciaire de A ne porte mention d’aucune condamnation,

Le conflit domestique qui existait entre lui et B ne s’est jamais manifesté par des violences physiques avant les faits qui lui sont reprochés,

Pour autant et alors qu’il n’y a jamais eu d’altercation physique entre les deux personnes, A gardait par-devers lui et en permanence un couteau de peur d’être agressé par B.

L’ensemble de ces éléments amène à s’interroger sur le point de savoir dans quelle mesure sa pathologie a infiltré son quotidien au point de se promener en permanence avec un couteau sur lui pour se protéger d’une personne qui pour autant n’avait jamais exercé de violences sur lui. Dès lors, on peut affirmer qu’il présentait un vécu global d’insécurité et persécutoire qui polluait son quotidien en permanence.

En conséquence, sa perception de la réalité était emprise à la distorsion. En effet, son environnement pathologique ne pouvait que le faire accéder à une réalité faussée.

5. Sur « l’altération absolument majeure » retenue par L’Expert

La notion d’altération ou d’abolition du discernement est une notion binaire qui ne souffre pas de graduation. Le fait que l’Expert fasse état d’une « altération absolument majeure » laisse un doute véritable quant à l’existence d’une abolition.

Il est essentiel à la manifestation de la vérité qu’un collège d’Experts puisse procéder à une contre-expertise afin de trancher l’ensemble des points susvisés.

Pour toutes ces raisons et en application des articles 81 et 167 du Code de procédure pénale, A, par mon intermédiaire, sollicite qu’il vous plaise d’ordonner une contre-expertise psychiatrique en désignant un collège d’Experts avec les questions habituelles en sus des points soulevés dans la présente demande.


4. Demande de la nullité d’une expertise pour cause de conflit d’intérêt chez l’expert

À titre préliminaire, sur la recevabilité de nouveaux moyens de nullité. :

En droit :

►Aux termes de l’article 173-1 du Code de procédure pénale : « Sous peine d’irrecevabilité, la personne mise en examen doit faire état des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant son interrogatoire de première comparution ou de cet interrogatoire lui-même dans un délai de six mois à compter de la notification de sa mise en examen, sauf dans le cas où elle n’aurait pu les connaître. Il en est de même s’agissant des moyens pris de la nullité des actes accomplis avant chacun de ses interrogatoires ultérieurs. Il en est de même pour le témoin assisté à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures. Il en est de même pour la partie civile à compter de sa première audition puis de ses auditions ultérieures« .

► Aux termes de l’article 174 du Code de procédure pénale : « Lorsque la chambre de l’instruction est saisie sur le fondement de l’article 173 ou de l’article 221-3, tous moyens pris de nullité de la procédure qui lui est transmise doivent, sans préjudice du droit qui lui appartient de les relever d’office, lui être proposés. A défaut, les parties ne sont plus recevables à en faire état, sauf le cas où elles n’auraient pu les connaître. La chambre de l’instruction décide si l’annulation doit être limitée à tout ou partie des actes ou pièces de la procédure viciée ou s’étendre à tout ou partie de la procédure ultérieure et procède comme il est dit au troisième alinéa de l’article 206. Les actes ou pièces annulés sont retirés du dossier d’information et classés au greffe de la cour d’appel. Les actes ou pièces de la procédure partiellement annulés sont cancellés après qu’a été établie une copie certifiée conforme à l’original, qui est classée au greffe de la cour d’appel. Il est interdit de tirer des actes et des pièces ou parties d’actes ou de pièces annulés aucun renseignement contre les parties, à peine de poursuites disciplinaires pour les avocats et les magistrats« .

► Selon la jurisprudence :  » En revanche, il résulte de l’article 174 du Code de procédure pénale que la partie qui a saisi la Chambre de l’instruction d’une requête en nullité est admise à proposer par mémoire, jusqu’à la veille de l’audience, de nouveaux moyens de nullité« . ( crim.6 mai 2009)

Le…, le conseil de E déposait une requête en nullité du rapport d’expertise du Dr YYYY et sa réponse commentaire.

En fait :

 Le …, E déposait par l’intermédiaire de son Conseil le présent mémoire complémentaire en sus de la requête déposée le …. Les nouveaux moyens de nullité soulevés sont recevables.

Sur violation des dispositions relatives au caractère équitable, impartial et contradictoire de la procédure pénale, sur la violation des dispositions relatives au secret médical et sur la violation du principe de la loyauté de l’administration de la preuve :

En droit : sur violation des dispositions relatives au caractère équitable, impartial et contradictoire de la procédure pénale :

► L’alinéa premier de l’article Préliminaire du Code de procédure pénale dispose que : « la procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits partie. ».

► Aux termes de son article 6.1, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales dispose que : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…) ».

► La Chambre criminelle rappelle que le défaut d’impartialité d’un expert peut constituer une nullité (Crim. 8 juin 2006, pourvoi n°06-81359).

► La Cour européenne des droits de l’homme a eu l’occasion d’énoncer que l’exigence du respect du principe de la contradiction, posée par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales s’étend aux expertises accompagnant la procédure juridictionnelle : « La Cour rappelle que l’un des éléments d’une procédure équitable au sens de l’article 6 paragraphe 1 (article 6-1) est le caractère contradictoire de celle-ci : chaque partie doit en principe avoir la faculté non seulement de faire connaître les éléments qui sont nécessaires au succès de ses prétentions, mais aussi de prendre connaissance et de discuter toute pièce ou observation présentée au juge en vue d’influencer sa décision. A ce titre, elle précise d’emblée que le respect du contradictoire, comme celui des autres garanties de procédure consacrées par l’article 6 paragraphe 1 (article 6-1), vise l’instance devant un « tribunal » ; il ne peut donc être déduit de cette disposition (article 6-1) un principe général et abstrait selon lequel, lorsqu’un expert a été désigné par un tribunal, les parties doivent avoir dans tous les cas la faculté d’assister aux entretiens conduits par le premier ou de recevoir communication des pièces qu’il a prises en compte. L’essentiel est que les parties puissent participer de manière adéquate à la procédure devant le « tribunal ». Par ailleurs, la Convention ne réglemente pas le régime des preuves en tant que tel. La Cour ne saurait donc exclure par principe et in abstracto l’admissibilité d’une preuve recueillie sans respecter les prescriptions du droit national. Il revient aux juridictions internes d’apprécier les éléments obtenus par elles et la pertinence de ceux dont une partie souhaite la production. La Cour a néanmoins pour tâche de rechercher si la procédure considérée dans son ensemble, y compris la manière dont la preuve a été administrée, a revêtu le caractère équitable voulu par l’article 6 paragraphe 1 (article 6-1). En l’espèce, … bien que le tribunal administratif ne fût pas juridiquement lié par les conclusions de l’expertise litigieuse, celles-ci étaient susceptibles d’influencer de manière prépondérante son appréciation des faits. Dans de telles circonstances, et eu égard aussi au fait que les juridictions administratives rejetèrent leur demande de nouvelle expertise, les époux X… n’auraient pu faire entendre leur voix de manière effective qu’avant le dépôt du rapport de l’expertise en cause. Aucune difficulté technique ne faisait obstacle à ce qu’ils fussent associés au processus d’élaboration de celui-ci, ladite expertise consistant en l’audition de témoins et l’examen de pièces. Ils furent pourtant empêchés de participer à ladite audition alors que les cinq personnes interrogées par l’expert étaient employées par le CHRN et que parmi elles figuraient le chirurgien qui avait opéré Mlle X… en dernier lieu, et l’anesthésiste. En conséquence, les requérants n’eurent pas la possibilité de contre-interroger ces cinq personnes dont on pouvait légitimement s’attendre à ce qu’elles déposent dans le sens du CHRN, partie adverse à l’instance. Quant aux pièces prises en considération par l’expert, les intéressés n’en eurent connaissance qu’une fois le rapport achevé et communiqué. Ainsi, les époux X… n’eurent pas la possibilité de commenter efficacement l’élément de preuve essentiel. La procédure n’a donc pas revêtu le caractère équitable exigé par l’article 6 paragraphe 1 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition » (CEDH, 18 mars 1997, X… c/ France. Requête n° 21497/93).

En droit : sur la violation des dispositions relatives au secret médical

► Les articles L.1110-4 et suivants du Code de la santé publique consacrent le secret médical. Toute personne prise en charge par un professionnel, un établissement, un réseau de santé ou tout autre organisme participant à la prévention et aux soins a droit au respect de sa vie privée et du secret des informations la concernant.

► Les articles 56, 60, 60-1 et suivants du Code de procédure pénale régissent la désignation d’un Expert, la collecte de toute donnée ou document utile à la manifestation de la vérité et les modalités selon lesquelles l’Expert peur prendre connaissance des pièces mises sous scellé.

En droit : sur la violation des dispositions relatives au principe de la loyauté dans l’administration de la preuve :

► Aux termes de l’article préliminaire du Code de procédure pénale : « I -La procédure pénale doit être équitable et contradictoire et préserver l’équilibre des droits des parties (…). En matière criminelle et correctionnelle, aucune condamnation ne peut être prononcée contre une personne sur le seul fondement de déclarations qu’elle a faites sans avoir pu s’entretenir avec un avocat et être assistée par lui ».

► Aux termes de l’article 6 de la Convention de Sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement (…). 3. Tout accusé a droit notamment à : . a) être informé, dans le plus court délai, dans une langue qu’il comprend et d’une manière détaillée, de la nature et de la cause de l’accusation portée contre lui ; . b) disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense ; (…) ».

► Selon la jurisprudence de la chambre criminelle de la cour de cassation : le fait de susciter des échanges verbaux qui seraient versés au dossier pour être utilisés comme preuve, constitue un procédé déloyal d’enquête mettant en échec le droit de se taire et celui de ne pas s’incriminer soi-même et porte atteinte au droit à un procès équitable. Crim. 6 mars 2015 (Pourvoi n°14-84339). 

En fait : sur l’annulation des pièces

Sur l’annulation du rapport d’expertise du Dr Y En fait, ce rapport a été rédigé tant en violation des dispositions relatives au caractère équitable, impartial et contradictoire de la procédure pénale (a) qu’en violation du principe du secret professionnel (b) qu’en violation du principe de loyauté dans l’administration de la preuve (d).

En fait : sur la nullité du rapport d’expertise qui figure à la côte …tirée de la méconnaissance du principe caractère équitable, impartial et contradictoire de la procédure pénale : Le …, E était conduit par sa mère aux urgences du CH. Il était hospitalisé au sein de cet établissement.

En raison des faits pour lesquels E est actuellement mis en examen, ce dernier a été « adressé en urgence à l’USIP ». Le Dr Y est le chef du pôle USIP-UMD. Le …, soit le jour des faits, le Dr Y, en sa qualité de soignant rencontrera E. C’est ainsi qu’il présentera des observations dans le dossier médical de E qu’il qualifiera de « notre patient ». Le …, le Dr Y sera requis par le Lieutenant de police W à l’effet de procéder, notamment, « à l’expertise psychiatrique de E, évaluer sa capacité de discernement et de responsabilité au moment des faits, préciser si le mise en cause peut être entendu sous le régime de la garde à vue, préciser tout élément complémentaire utile à la manifestation de la vérité ». C’est dans ces conditions que le Dr Y deviendra l’expert judicaire de son propre patient. Par surcroit, il sera – de fait – l’expert judiciaire du présumé agresseur d’un collègue de travail. Enfin, il existe un lien de subordination entre le Dr Y et le CH, partie civile reçue en sa constitution en cours d’instruction. Le procès équitable exige une expertise équitable de la part du technicien désigné. Ces trois circonstances génèrent un conflit d’intérêt certain et un manque de garantie d’impartialité du Dr Y en qualité d’expert judicaire. Cette expertise – en raison des missions confiées au Dr Y – aura une influence primordiale sur l’appréciation des poursuites pénales à l’encontre de E. Enfin, quant aux pièces prises en considération par l’expert, E n’en a eu connaissance qu’une fois le rapport achevé et communiqué. Ainsi, il n’a pas eu la possibilité de commenter efficacement l’élément de preuve essentiel. La procédure n’a donc pas revêtu le caractère équitable exigé par l’article 6 paragraphe 1 de la Convention. Partant, il y a eu violation de cette disposition.

En fait : sur la nullité du rapport d’expertise qui figure à la côte tirée de la méconnaissance du principe du secret médical et de communication de pièces placées sous scellés :

► Le rapport qui figure à la côte … est notamment fondé sur plusieurs pièces médicales issues du dossier médical de E. Ces différentes pièces médicales ont d’ailleurs été en partie reproduites dans le rapport querellé. Un dossier médical ne peut être communiqué à un expert qu’après une saisie soit sur réquisition du Procureur de la République, soit à la demande du magistrat instructeur, selon la phase d’enquête. En l’espèce, l’Expert a été requis alors que la procédure était régie par les dispositions relatives à une enquête de crime flagrant. La saisie du dossier médical a été effectuée le… . Le dossier a été placé sous scellé. L’OPJ qui a requis le Dr Y a précisé les contours de la mission. Il n’a en aucun cas requis que le Dr Y (prenne connaissance du scellé contenant le dossier médical de E. Le rédacteur du rapport a eu accès à ces pièces car il était le soignant de la personne expertisée. Il a fondé son rapport d’expertise sur des éléments irrégulièrement recueillis. Partant le rapport qui figure à la cote est entaché de nullité et viole les dispositions susvisées.

En fait : sur la nullité du rapport d’expertise qui figure à la côte …, tirée de la méconnaissance du principe de la loyauté dans l’administration de la preuve :

Les faits pour lesquels E est mis en examen ont eu lieu le…. L’auteur des coups a été formellement identifié en la personne de E. Dès la commission des faits, il existe des indices graves et concordants laissant présumer que E a commis une infraction. C’est pourtant en dehors de tout cadre de placement en garde à vue ou d’audition libre que E sera expertisé. Le rapport d’expertise rédigé par le Dr Y est porté à la connaissance des enquêteurs avant toute audition de E par les enquêteurs. Ce rapport contiendra de multiples informations relatives aux faits de telle sorte qu’avant toute audition, toute notification de droits, E sera interrogé sur les faits par un expert commis par l’OPJ. Alors qu’il ne fait aucun doute que le discernement de l’intéressé est à tout le moins altéré, qu’il est par ailleurs mineur – ce dernier se confiera sur le déroulement des faits à un psychiatre dont on peut se demander raisonnablement si E avait conscience qu’il s’adressait non pas à son soignant mais à un expert judiciaire. C’est dans ces conditions de minorité, d’altération de sincèrement, de confusion entre la qualité de l’interlocuteur (soignant ou expert), en l’absence de présence d’un avocat ou d’un représentant légal, de toute notification de droit que E aura des propos – qui une fois consignés par l’Expert, deviendront des preuves auto-incriminantes figurant au dossier sans même qu’il n’ait encore été entendu par les enquêteurs. Les enquêteurs qui feront le choix de faire expertiser E en dehors de tout placement en garde à vue, auront eu en main avant toute audition les déclarations incriminantes de ce dernier. L’audition de E – via la désignation d’un Expert – avant toute audition préalable par les enquêteurs eux-mêmes et en présence d’un conseil, constitue un stratagème déloyal de l’administration de la preuve.

Sur l’annulation des certificats médicaux qui figurent aux cotes …:

À l’occasion des placements en garde à vue de E, l’OPJ en charge de l’enquête a pris des réquisitions à médecin afin de procéder aux actes suivants : « – se prononcer sur l’état de compatibilité de l’intéressé avec une mesure de garde à vue, – se prononcer sur l’état de compatibilité de l’intéressé sur un transport pour une présentation devant le magistrat au palais de Justice ». L’OPJ a désigné le Dr YYYY qui a déclaré l’état de santé de E compatible avec une mesure de garde à vue, tant lors de l’examen du … que lors de l’examen du …. Le Dr Y notera dans le certificat : « Nous rencontrons maitre Z qui nous assure ne pas mettre en doute la bienveillance de nos soins, mais qui pointe qu’il serait judicieux que E soit mis en soins dans un autre établissement pour éviter une sorte de conflit d’intérêt ». Figure au même certificat médical la reproduction d’une « note infirmière du …. ». Il est à noter que cette pièce – par définition – ne figure pas au dossier médical placé sous scellé. En effet, cette pièce « note infirmière » a été rédigé postérieurement à la saisie et placement sous scellé du dossier médical. Le Dr Y qui n’avait pas reçu pour mission d’ouvrir les scellés ou d’accéder aux pièces médicales, a pourtant rédigé un certificat médical en se fondant notamment sur une pièce médicale à laquelle il avait accès en sa qualité de chef du Pôle USIP. Le certificat médical du … sera annulé pour avoir été rédigé en méconnaissance des principes d’impartialité et d’équité rappelés ci-dessus et la cote sera cancellée.

Il en est de même du certificat médical établi le … contenant non seulement « une note infirmière » du … mais par surcroit la mention suivante : « E a bien répondu aux demandes qui ont été faites lors de son audition par la police ». Il est pour le moins étonnant qu’un médecin requis pour se prononcer sur l’état de compatibilité d’un intéressé avec une mesure de garde à vue, apporte une appréciation qualitative des réponses faites par l’intéressé lors de ses précédentes auditions auxquelles, il n’a en principe aucun accès matériel. Le certificat médical du … sera annulé pour avoir été rédigé en méconnaissance des principes d’impartialité et d’équité rappelés ci-dessus et la cote sera cancellée. Les deux certificats médicaux sont les supports nécessaires des mesures de garde vue. Leurs annulations entrainent l’annulation des deux mesures de garde à vue, et de tous leurs actes subséquents.

Sur l’annulation du rapport d’expertise du Dr W

Le Dr W a été requis par le magistrat instructeur le … afin de: « – procéder, le …. à l’examen médical de E, -indiquer si son état est compatible avec une présentation au Tribunal de Grande Instance le … (pour interrogatoire et éventuel débat contradictoire, en présence de son avocat), – indiquer s’il est en mesure de comprendre et de répondre aux questions, – faire toutes observations utiles, nous faire parvenir son rapport avant le … ».

Le Dr W rencontrera, dans le cadre de ces réquisitions, E le …. Il déposera un rapport qui conclura à la comptabilité de l’état de santé de E pour une présentation au Tribunal de Grande Instance le…. Ce rapport d’expertise sera annulé pour les motifs de droit relatifs à l’exigence d’impartialité et d’équité exposés ci-dessus et les motifs de faits exposés ci-dessous. En effet, le Dr W qui a également été amené à soigner E (cf notamment les certificats du) ne peut être l’Expert de son patient. E sollicite qu’il plaise à la Cour de prononcer la nullité de la cote …

PAR CES MOTIFS

Vu l’article 6 de la CEDH, Vu les articles Préliminaire, 56 et suivants, 802 du Code de procédure pénale, Vu L.1110-4 du Code de la santé publique L.1110-4 du Code de la santé publique, Vu la jurisprudence, Vu les pièces versées aux débats, E, sollicite qu’il plaise à la Chambre de l’Instruction de :

– Le déclarer recevable en ses requête et mémoire complémentaire,

– Prononcer la nullité des cotes sollicitées par mémoire déposé le … : – « la réquisition de l’Officier de police judicaire ayant désigné le Dr Y comme expert, – le rapport du Dr Y, – le procès verbal de réception de ce rapport du …,

– Prononcer la nullité des cotes suivantes et tous les actes subséquents…


5. Demande de complément d’expertise pour cause d’insuffisance de l’expertise

Sur « l’égocentrisme », la « victimisation » et l’absence d’affect ou le défaut d’altérité de V vis à vis de la petite D (décédée par manque de soins de sa mère, la personne incriminée) l’Expert relève :

  • Au moment des faits, un état qualifié par V de dépressif « que l’on peut entendre »,
  • Du fait que V pleure à l’évocation de sa mère et de sa fille D,
  • Du fait que dans le cadre du suivi de soins en détention, il lui est prescrit l’ Olanzapine,
  • Suivant les déclarations de V « à force de réflexion, je n’ai pas assuré mon rôle de maman et ai fait subir des privations » « (…) je n’ai pas ressui à lui donner tout mon amour. D demandait à être avec moi et que je sois présente, je n’y arrivais pas. C’était trop dur. Maintenant, D me manque énormément. Je suis en colère contre moi. Je ne peux pas revenir en arrière ». « J’ai mis dix mois à me rendre compte que D était décédée »,
  • Que V voit un psychologue à raison d’une visite par semaine et un psychiatre à raison d’une visite par mois.
  • V reconnaît « je ne lui ai pas apporté les soins dont elle avait besoin. Elle avait besoin de plus d’amour, de médicaments et que je sois là pour l’accompagner. Je fuyais tout ». « J’aurais dû l’emmener chez le médecin, m’occuper d’elle et faire attention à elle, ce qu’elle avait besoin et regarder ce qu’elle avait besoin tous les jours et pas la fuir ». « Je regrette de ne pas avoir été là pour ma fille »

À l’évidence et à juste titre, la vision d’un Expert diffère de celle d’un soignant. En soins, V est amenée à se rencontrer « elle-même », à décrypter et à comprendre son fonctionnement. Il serait illusoire et erroné de considérer que ce travail est terminé. Une personne détenue et qui fait face à une procédure criminelle pour la première fois, n’est pas forcement en mesure de comprendre que l’axe d’« exposé des faits », les raisons de passage à l’acte, ne sont pas abordés de la même manière par un psychiatre-expert que par un psychiatre-soignant : V a livré sa vision des choses, telle qu’elle la travaille avec le personnel soignant, ce qui a peut-être pu produire un discours auto-centré.

Mais surtout, il est posé à l’expert, la question de l’existence d’un clivage face à la gravité des faits, aux conséquences dramatiques, ce d’autant que V soutient que si elle avait prodigué les soins à son enfant, elle aurait peut-être survécu.

Observations générales :

  1. Page  de l’expertise :

L’Expert précise : « Pour autant les faits ayant entrainé la mort de cette enfant, des souffrances endurées ne pouvaient que sauter aux yeux, lorsqu’on prend connaissance du rapport d’autopsie et des photos qui l’accompagnent, ne sont pas évoqués ou à peine ».

En premier lieu, le Cd-Rom transmis au conseil de V ne contient pas ces photos : les cotes ….« expertise suite autopsie » comportent .. pages dénuées de photos.

En second lieu, le même Cd-Rom transmis à la défense contient les cotes ….(.. pages)  « Rapport Autopsie » : aucune photo n’accompagne ce rapport.

Il en résulte que ces photos n’ont, soit pas été versées au dossier d’instruction, soit pas transmises au conseil de V. Dans les deux cas, le défaut de contradictoire requiert que cet élément de discussion soit cancellé, ce que V ne manquera pas de soumettre à l’appréciation de la Chambre de l’instruction.

Dans tous les cas, des photos du cadavre d’un enfant, prises plusieurs heures après son décès, pas davantage qu’un rapport d’autopsie, ne sauraient en aucun cas constituer un repère de mesure de la visibilité de la souffrance – même immense – d’un enfant vivant.

S’il est indéniable que la lecture du rapport d’autopsie ainsi que la vue de telles photos sont susceptibles de soulever un émoi, cet émoi ne peut et ne doit influencer la mesure expertale.

2. La réponse à la question n°.

Compte-tenu de l’absence de mention au casier judiciaire de V, il convient que l’expert précise de quelle manière doit être appréhendée la phrase « les antécédents ayant abouti au décès de sa fillette ».

Au regard des éléments exposés ci-dessus et sous le visa des articles 156 à 169-1 du Code de procédure pénale, V vous demande qu’il vous plaise d’ordonner un complément d’expertise confié au Dr W aux fins d’audition de V et de Z et dépôt d’un complément de rapport au regard des observations ci-dessus.


Lorsqu’on obtient un accord sur une contre-expertise, il est recommandé de bien choisir l’expert, veiller au contenu de la mission qui lui est donnée, qui doit prévoir la demande de transmission des dossiers médicaux, la consultation des proches et des témoins des faits, du tuteur ou curateur, d’amis etc…

Parmi les témoignages méritant d’être recueillis : famille, amis, témoins des faits tuteur, curateur, assistante sociale, voisins…

Chapitres connexes :
  • Respecter la déontologie de l’avocat lorsque ce que le client souhaite va contre son intérêt
  • Réunir des informations sur le parcours de vie et de soins
  • Organiser l’accès aux soins dès la phase de l’instruction
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