Cette question déontologique ayant été administrée par chacun selon sa conscience, à toutes les étapes de la procédure, il peut apparaître opportun de mettre en avant des informations susceptible d’éviter un emprisonnement de la personne présentant des symptômes de troubles psychiques entraînant une rupture de ses soins :
- Solliciter le témoignage des proches, du curateur ou tuteur, ou d’éventuels témoins sur l’état de la personne au moment des faits : état de crise, rupture du traitement, errance etc…
- Documenter la situation médicale : ordonnance de soins psychiatriques, certificats d’hospitalisation en psychiatrie, carte de handicap, attestation MDPH (Maison Départementale des Personnes Handicapées) délivrant l’allocation adulte handicapé (AAH) ou la reconnaissance de travailleur handicapé (RQTH), ou encore décision de mise sous tutelle ou curatelle. Dans ce dernier cas, le tuteur ou curateur doit être entendu
- Demander une expertise psychiatrique
Il est possible lors de la garde à vue, si la personne est en état de crise, d’obtenir de la préfecture une hospitalisation en SDRE (soins sans consentement à la demande d’un représentant de l’Etat ).
1. Exemple d’un témoignage de famille appelé par l’avocat, qui s’est montré efficace
Quelques repères sur la vie de R…
Contexte : R passe en Cour d’Assise, il est accusé d’avoir violé une personne vulnérable. Cette personne est handicapée psychique et les faits se sont déroulés dans une résidence accueil. R a déjà été condamné à plusieurs reprises à des peines de prison. Il est, au moment du procès, incarcéré de façon préventive.
R souffre de troubles psychiques très invalidants. Il souffre depuis plus de 20 ans d’une schizophrénie dite indifférenciée où se succèdent des phases d’autisme et de retrait social (2 ou 3 ans sans sortir de sa chambre), de délires et d’hallucinations (R a pensé pendant plusieurs années que moi-même et lui vivions dans des mondes parallèles et que c’était la raison pour laquelle j’étais masqué), des phases d’agressivité (envers autrui mais aussi envers lui-même comme en témoigne son doigt mutilé), des phases d’angoisse. (Cette partie sur les délires de Romain a été ensuite développée pour répondre à une question du Président de la Cour)
Il a des difficultés à percevoir la réalité et de très forts troubles cognitifs altèrent sa pensée et parasitent très fortement sa relation à l’autre. Tout ceci est compliqué par une mauvaise adhésion aux traitements ainsi que des tendances addictives.
En 20 ans, il a passé plus de 10 ans en hôpital psychiatrique dont environ 2 années sur 2 séjours en UMD
R est reconnu handicapé (psychique) depuis 1997 jusqu’en 2023 par la COTOREP puis par la CDAPH. Son taux d’incapacité est estimé à plus de 80%. Sa capacité à travailler est inférieure à 5%.
Il a bénéficié depuis sa majorité d’une mesure de curatelle renforcée.
R suit systématiquement le même cycle :
CHS → Sortie à l’essai →arrêt du traitement →mauvaises rencontres →prises de toxiques →crise
La crise se terminant généralement par une hospitalisation sans consentement… ou, depuis plus récemment, par un séjour en prison…
R est incapable de retenir des leçons de ses expériences ; il ne sait pas se méfier de ses mauvaises rencontres. Il s’est fait par 2 fois véritablement « casser la figure » comme en témoigne l’état de ses dents. Ses fréquentations ont mis le feu à son appartement (en 2008). D’autres, à qui il donnait l’hospitalité, ont vidé son appartement (en 2014).
R a des troubles du jugement affectant ses décisions et ses pensées. Par exemple, il est persuadé que ce sont ses médicaments qui le font tousser, pas le tabac…
R a d’énormes difficultés à reconnaître les intentions de l’autre. Par exemple, il donne sans arrière-pensée des médicaments à une personne suicidaire qui lui en demandait. Cela s’est terminé de manière tragique…
Un psychiatre avait expliqué que R présentait un « manque d’altérité », c’est-à-dire qu’il ne perçoit pas toujours la frontière entre lui et l’autre…
2. Modèle de mémoire récapitulatif du parcours de vie et de soins d’une personne sujette à des troubles psychiques (suggéré par l’UNAFAM)
Ce mémento s’est avéré très utile pour aider les proches de personnes mises en examen à réunir les informations que pourra éventuellement utiliser l’avocat pour construire sa stratégie de défense :
Nom et coordonnées de l’auteur
« Maître
J’ai l’honneur de vous présenter un mémoire d’information relatif à la personnalité et à l’état de santé mentale de X, mon ….
X est opposé à Y pour des faits de ………………………………………….……………………………………………….. survenus le …………. à …
Je souhaite, par cet exposé chronologique des faits, vous apporter tous les éléments probants et vérifiables susceptibles d’éclairer la réflexion et le verdict du Tribunal.
I – Historique
(NDLR : Rappel du contexte familial en introduction. : construction de la famille)
II – Les faits par ordre chronologique
III – Le déclenchement de l’action de police motivé par une protection vitale (appel familial, voisinage, amis, témoins….)
IV – Le parcours de soins psychologiques et psychiatriques suivi par la personne depuis son enfance (joindre certificats médicaux, rapports d’expertise, feuilles d’hospitalisation, ordonnances…)
V – Le contexte familial (violences, crises, situations difficiles antérieures puis climat post agression, récidives de violences, de crise, situation de profond abattement, addictions, démarches sociales pour le malade, pour la famille, traitements, hospitalisations…)
V- Conclusion : la recherche de solutions, les démarches engagées, les services sociaux saisis, (que veut-on , sous quelle forme, avec quelles protections , qu’attend-t-on de la décision de justice ?) ( de quelles ressources dispose le malade, quel accompagnement judiciaire et médical, quel logement ?).
Chapitres connexes :