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Reconnaissance de l’abolition du discernement

La Cour de cassation a énoncé que, conformément à l’article 706-133 du code de procédure pénale, lorsque la juridiction estime applicables les dispositions de l’article 122-1, 1er alinéa, du code pénal, elle rend une décision déclarant que la personne a commis les faits qui lui sont reprochés et qu’elle est irresponsable pénalement en raison d’un trouble psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes au moment des faits. En revanche, la juridiction ne peut pas, avant de déclarer le prévenu irresponsable pénalement, énoncer que celui-ci est coupable des faits qui lui sont reprochés.

Le prévenu avait assassiné le médecin psychiatre qui le soignait, l’abolition du discernement a  été retenue et il a été déclaré irresponsable pénalement.

La chambre de l’instruction de la CA de Montpellier a fait application de l’article 122-1 du code pénal. Les parties civiles forment un pourvoi en cassation.

La chambre de l’instruction a retenu l’abolition du discernement pour les motifs suivants :

  • Les cinq experts (dont certains agrées près la Cour de cassation) qui ont examiné l’intéressé ont à l’unanimité conclu à l’abolition du discernement, ce dernier souffrant d’une schizophrénie paranoïde ;
  • Résistance de la pathologie aux soins après plusieurs mois de traitements ;
  • L’intéressé était atteint depuis 5 ans de troubles mentaux justifiant des soins intensifs et son maintien dans un service psychiatrique spécialisé ;
  • Il n’existe aucune divergence de diagnostic entre les différents experts intervenus et les psychiatres des urgences psychiatriques ayant eu à connaître son cas avant les faits ;
  • L’intéressé avait été hospitalisé à l’UMD, ce qui démontre les réalités de troubles mentaux.

Les parties civiles font grief à l’arrêt attaqué pour les motifs suivants :

  • Outre l’accord unanime des experts sur l’abolition, le juge relève que l’intéressé était atteint avant les faits d’une pathologie en voie de rémission si bien que les médecins l’ont considéré comme non dangereux ;
  • L’intéressé a été capable de raisonner au moment des faits, des témoins l’ayant considéré comme lucide ;
  • La préméditation (M. s’était muni d’un couteau de cuisine) est incompatible avec l’abolition du discernement.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que les juges du fond avaient suffisamment motivé leur décision. Ils s’étaient fondés sur l’unanimité des rapports d’expertises lesquels expliquaient que, bien que l’auteur ait été en mesure de raisonner, son raisonnement était biaisé parce qu’alimenté par des hallucinations et des délires modifiant sa perception de la réalité. Il se trouvait donc en dehors de la réalité au moment des faits.

Selon la Cour, la préméditation n’exclut donc pas l’abolition du discernement dans les cas de schizophrénie. La Cour ne retient pas la même solution lorsque la personne est atteinte d’autres troubles psychiques. Elle considère alors qu’il existe un doute quant à l’abolition et renvoie la personne devant la Cour d’assises.

  • Cour d’appel de Pau , 14 décembre 2007, 78/82007 :

Affaire Romain Dupuy à Pau :  Le prévenu était accusé du double meurtre d’une infirmière et d’une aide- soignante de l’ hôpital psychiatrique. L’une d’elle avait été décapitée et sa tête posée sur le poste de télévision. Plus tard il avait tiré sur des policiers qui lui demandaient ses papiers. L’abolition du discernement a été retenue.

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000019581726
  • Cour d’appel de Paris, 13 oct. 2004 : JurisData n° 2004-271888 :

Elle ordonne la relaxe d’une personne poursuivie pour violence perpétrées sur un policier qui empêchait l’intéressé d’atteindre un aéroport alors que l’expertise faisait état de troubles de nature hallucinatoire ordonnant au malade de prendre l’avion.

La chambre de l’instruction rend une ordonnance de non-lieu fondée sur l’irresponsabilité pénale de la personne mise en examen.

Trois expertises psychiatriques concluent à l’abolition du discernement au moment des faits pour cause de schizophrénie.

La partie civile forme un pourvoi en cassation aux motifs que la chambre de l’instruction n’a pas suffisamment répondu aux observations formulées par ses soins concernant l’absence d’abolition du discernement (ils se fondaient sur les circonstances du passage à l’acte lesquelles selon eux faisaient apparaître une organisation minutieuse et calculée qui excluait l’abolition du discernement).

La Cour de cassation rejette leur pourvoi en considérant que la chambre de l’instruction a suffisamment motivé sa décision en se fondant sur les expertises psychiatriques versées aux débats.

(NB : En cas de schizophrénie unanimement déclarée par plusieurs expertises, la Cour de cassation a tendance à exclure la responsabilité alors même que des éléments objectifs démontrent que des actes de préméditations ont été accomplis de manière lucide.)

La chambre d’accusation rend une ordonnance de non-lieu. Trois expertises concluent à l’abolition du discernement du mis en examen au moment des faits et à son irresponsabilité pénale.

Les parties civiles forment un pourvoi en cassation aux motifs que les rapports d’expertises sont soumis à la libre appréciation du juge et à la libre discussion des parties et que les observations formulées par leurs soins ont été évincées par la chambre d’accusation qui n’y a pas suffisamment répondu.

La Cour de cassation rejette le pourvoi en considérant que la question de la personnalité du mis en examen est une question d’ordre technique qui ne saurait résulter d’une démarche dépourvue de toute compétence scientifique et de la rigueur corrélative qu’elle implique.

Quatre expertises psychiatriques concluent à l’existence d’une psychose dissociative de type schizophrénique ayant aboli le discernement de la personne qui a agi à son insu.

La chambre d’accusation a rendu une ordonnance de non-lieu et a refusé la comparution personnelle de la personne mise en examen au regard de l’impossibilité médicalement constatée pour lui de comparaitre.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la partie civile.

Chapitres connexes :
  • Reconnaissance de l’irresponsabilité en cas de prise de produits stupéfiants ou d’alcool sous certaines conditions
  • Cassation d’un arrêt reconnaissant l’irresponsabilité pour vice de forme
  • Rejet d’une demande de reconnaissance d’irresponsabilité