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Les programmes de soins : l’ambulatoire sous surveillance

Le programme de soins est une alternative à l’hospitalisation complète qui permet aux patients en soins psychiatriques sans consentement d’accéder à une gamme de soins ambulatoires. Pour autant, il n’est pas possible aux patients d’accéder à ces soins ambulatoires durant la « période d’observation et de soins sous la forme d’une hospitalisation complète » de l’article L. 3211-2-2 du Code de la santé publique. Celle-ci est le premier temps de toute prise en charge en soins psychiatriques sans consentement.

1. Définition :

L’article L. 3211-2-1 du Code de la santé publique, complété par l’article R. 3211-1, formule le concept de « programme de soins », lequel est spécifique aux soins dispensés « sous toute autre forme » que l’hospitalisation complète :

La doctrine laisse entendre que le concept du « programme de soins » est un « ensemble composé » :

  • d’une « décision unilatérale » prise par une autorité administrative (préfet ou directeur de l’établissement d’accueil) sur proposition du psychiatre ;
  • et du « document » support de la proposition du psychiatre.

L’article R. 3211-1 précise les modalités possibles du programme, ainsi que les conditions et mentions qui doivent et ne doivent pas figurer sur le document support.

La prise en compte de « l’avis du patient » est impérative avant chaque décision afférente à la forme des soins, qu’il s’agisse d’une décision d’admission ou de maintien en soins. Le recueil de cet avis est effectué dans les conditions indiquées par l’article R. 3211-1, III.

L’article R. 3211-1, III souligne également que : « … La modification du programme par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut intervenir à tout moment pour l’adapter à l’état de santé de ce dernier », ce qui peut aller jusqu’à l’hospitalisation complète.

2. Aucune mesure de contrainte en principe :

Suite à la décision QPC du 20 avril 2012 du Conseil constitutionnel (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2012/2012235QPC.htm), le nouvel article L. 3211-2-1 issu de la loi du 27 septembre 2013 précise :

« … III – Aucune mesure de contrainte ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient pris en charge sous la forme du 2° du I (le programme de soins) ».

Ainsi, les personnes soumises aux soins ambulatoires ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive, ni être conduites ou maintenues de force dans les établissements pour accomplir les séjours prévus par le programme de soins. Ce pratique est de nature à « engager la responsabilité des soignants, du directeur, voire de l’établissement » (Annales médico-psychologiques, avril 2018, n°4, p. 417). S’agissant de la responsabilité des établissements, le tribunal judiciaire est alors compétent.

Cependant, rien n’empêche qu’un programme de soins formule des restrictions à la liberté personnelle. En effet, les restrictions de la liberté individuelle se distinguent des restrictions à la liberté personnelle. Les premières correspondent à des restrictions au droit pour chacun d’agir librement sans encourir de mesure(s) arbitraire(s). Les secondes sont des restrictions au droit de ne pas subir de contrainte(s) sociale(s) excessive(s) au regard de la personnalité. 

3. Le contrôle du JLD sur le programme de soins :

Le JLD contrôle la légalité des programmes de soins dans le cadre de la saisine facultative de l’article L. 3211-12Comme le relève Jean-Marc PANFILI à la lumière d’une ordonnance de mainlevée de la CA de Versailles du 5 mai 2017 (n°17/02362) : « La mainlevée sur saisine facultative du juge peut être obtenue s’il y a une adhésion active aux soins déjà prodigués, ainsi que des justificatifs de démarches en vue de la mise en œuvre du suivi volontaire envisagé »[1].

Dans une ordonnance de la Cour d’appel de Versailles (ordonnance de mainlevée du 21 mars 2014, n°14/01854, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2014-02-14-ca-versailles-mainlevee-spi-admission-retroactive.pdf), le juge a requalifié en hospitalisation complète un programme de soins comprenant deux jours de sortie par semaine.

La Cour de cassation a confirmé la compétence du JLD pour ordonner la levée d’un programme de soins (Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 15 mai 2024, n°22-50.031).

La Cour de cassation a rappelé récemment les droits du patient à se voir informé des décisions prises à son encontre : Cass. 1re civ., 25 mai 2023, no 22-12108.

Cour d’appel de CAEN, Recours Soins psychiatriques, 11 juillet 2024, n°24/01610 : « Aux termes de l’article L3212-1 II 2° du code de la santé publique, le directeur de l’établissement hospitalier peut prononcer l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande d’un tiers et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical d’un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil.En l’espèce, force est de constater qu’aucune difficulté n’est relevée dans la prise en charge de la patiente depuis la mainlevée de son hospitalisation complète sous contrainte à la faveur de la mise en place d’un programme de soins conformément à la décision du premier juge, et qu’aucun certificat médical actualisé n’est produit pour soutenir et justifier du contraire, de sorte que la nécessité de la poursuite de l’hospitalisation complète sous contrainte n’est plus démontrée. »

Outre la pratique des « faux programmes de soins », il n’est pas rare que soient découverts, à l’occasion des contrôles dans les établissements, :                            

  • des programmes de soins non signés par les patients, ce qui interroge sur la réalité de la notification au patient ;
  • des programmes de soins très anciens, ce qui interroge sur la conformité du document par rapport à l’actualité de l’état de santé du patient.

[1] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat et les soins psychiatriques sans consentement : Quels changements depuis 2011, document mis à jour le 23/12/2018, p. 48, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/panfili_jean-marc_2018-12-23_analyse_de_la_jpdce_mise_a_jour.pdf

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