Le programme de soins est une alternative à l’hospitalisation complète qui permet aux patients en soins psychiatriques sans consentement d’accéder à une gamme de soins ambulatoires. Pour autant, il n’est pas possible aux patients d’accéder à ces soins ambulatoires durant la « période d’observation et de soins sous la forme d’une hospitalisation complète » de l’article L. 3211-2-2 du Code de la santé publique. Celle-ci est le premier temps de toute prise en charge en soins psychiatriques sans consentement.
Le rapport d’information de la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale n°1662, enregistré à la présidence de l’Assemblée Nationale le 18 décembre 2013, précise que : « Le programme de soins a été institué pour répondre à la demande des familles qui constataient la difficulté à s’assurer de la continuité des soins après la sortie de l’hôpital ». Par ailleurs, le dispositif permet une prise en charge hors des murs de l’hôpital, y compris pour des personnes atteintes de troubles sévères.
La reformulation de la notion de programme de soins en 2013 a suivi la décision du Conseil Constitutionnel n°2012-235, QPC du 20 avril 2012 (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2012/2012235QPC.htm). Le Conseil constitutionnel rattache à plusieurs reprises dans sa décision le programme de soins à la notion d’obligation de soins. En effet, comme les différents types d’obligation de soins institués par le législateur, le programme de soins est assorti d’une sanction en cas d’échec : le retour éventuel du patient en hospitalisation complète.
1. Définition :
L’article L. 3211-2-1 du Code de la santé publique, complété par l’article R. 3211-1, formule le concept de « programme de soins », lequel est spécifique aux soins dispensés « sous toute autre forme » que l’hospitalisation complète :
« I – Une personne faisant l’objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l’article 706-135 du Code de procédure pénale est dite en soins psychiatriques sans consentement.
La personne est prise en charge :
1° Soit sous la forme d’une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du présent Code
2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 et, le cas échéant, une hospitalisation à domicile, des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné au dit article L. 3222-1.
II – Lorsque les soins prennent la forme prévue au 2° du I, un programme de soins est établi par un psychiatre de l’établissement d’accueil et ne peut être modifié, afin de tenir compte de l’évolution de l’état de santé du patient, que dans les mêmes conditions. Le programme de soins définit les types de soins, leur périodicité et les lieux de leur réalisation, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’Etat.
Pour l’établissement et la modification du programme de soins, le psychiatre de l’établissement d’accueil recueille l’avis du patient lors d’un entretien au cours duquel il donne au patient l’information prévue à l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique et l’avise des dispositions du III du présent article et de celles de l’article L. 3211-1. »
La doctrine laisse entendre que le concept du « programme de soins » est un « ensemble composé » :
- d’une « décision unilatérale » prise par une autorité administrative (préfet ou directeur de l’établissement d’accueil) sur proposition du psychiatre ;
- et du « document » support de la proposition du psychiatre.
L’article R. 3211-1 précise les modalités possibles du programme, ainsi que les conditions et mentions qui doivent et ne doivent pas figurer sur le document support. Ainsi, selon les députés Serge BLISKO et Guy LEFRAND, le document par lequel le psychiatre formule sa proposition de programme de soins se distingue d’un certificat médical ou d’une ordonnance (rapport enregistré à la Présidence de l’Assemblée Nationale le 22 février 2012 p.22).
La prise en compte de « l’avis du patient » est impérative avant chaque décision afférente à la forme des soins, qu’il s’agisse d’une décision d’admission ou de maintien en soins. Le recueil de cet avis est effectué dans les conditions indiquées par l’article R. 3211-1, III. Comme le relève Matthias COUTURIER, « la mise en œuvre de soins ordonnés procède d’une forme d’acceptation au moins tacite. En d’autres termes, si la décision de mettre en œuvre un programme de soins ne requiert pas le consentement de l’intéressé, sa mise en œuvre l’exige. » (RDSS de droit sanitaire et social, janvier-février 2014, pp. 120-122).
L’article R. 3211-1, III souligne également que : « … La modification du programme par un psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut intervenir à tout moment pour l’adapter à l’état de santé de ce dernier », ce qui peut aller jusqu’à l’hospitalisation complète.
2. Aucune mesure de contrainte en principe :
Suite à la décision QPC du 20 avril 2012 du Conseil constitutionnel (https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2012/2012235QPC.htm), le nouvel article L. 3211-2-1 issu de la loi du 27 septembre 2013 précise :
« … III – Aucune mesure de contrainte ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un patient pris en charge sous la forme du 2° du I (le programme de soins) ».
Ainsi, les personnes soumises aux soins ambulatoires ne sauraient se voir administrer des soins de manière coercitive, ni être conduites ou maintenues de force dans les établissements pour accomplir les séjours prévus par le programme de soins. Ce pratique est de nature à « engager la responsabilité des soignants, du directeur, voire de l’établissement » (Annales médico-psychologiques, avril 2018, n°4, p. 417). S’agissant de la responsabilité des établissements, le tribunal judiciaire est alors compétent.
Cependant, rien n’empêche qu’un programme de soins formule des restrictions à la liberté personnelle. En effet, les restrictions de la liberté individuelle se distinguent des restrictions à la liberté personnelle. Les premières correspondent à des restrictions au droit pour chacun d’agir librement sans encourir de mesure(s) arbitraire(s). Les secondes sont des restrictions au droit de ne pas subir de contrainte(s) sociale(s) excessive(s) au regard de la personnalité.
Toutefois, comme le relève Sophie THERON, « les dérives éventuelles sont de nature à faire courir des risques juridiques à leur auteur » (RDSS de droit sanitaire et social, janvier-février 2014, p. 1). La jurisprudence s’est notamment faite de plus en plus précise concernant les « séjours de courte durée à temps complet ». Ainsi, la durée d’hospitalisation complète séquentielle passée à l’hôpital ne peut être supérieure à celle passée à l’extérieur. Eric PECHILLON insiste également sur le fait que : « Pour le juge judiciaire, un patient en programme de soins peut parfaitement faire des séjours en établissement, mais à condition qu’il bénéficie des mêmes droits qu’un malade en hospitalisation libre (refuser le traitement, voire quitter les lieux à tout moment) » (Programme de soins : quel statut juridique pour le patient ? Santé mentale 2015 ; 198 : 12-3).
3. Le contrôle du JLD sur le programme de soins :
Le JLD contrôle la légalité des programmes de soins dans le cadre de la saisine facultative de l’article L. 3211-12. Comme le relève Jean-Marc PANFILI à la lumière d’une ordonnance de mainlevée de la CA de Versailles du 5 mai 2017 (n°17/02362) : « La mainlevée sur saisine facultative du juge peut être obtenue s’il y a une adhésion active aux soins déjà prodigués, ainsi que des justificatifs de démarches en vue de la mise en œuvre du suivi volontaire envisagé »[1].
Le Conseil d’Etat, dans un arrêt du 20 décembre 2013 (n°352668, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000028353526&fastReqId=593965255&fastPos=2), a été le premier à considérer qu’il incombe au juge de vérifier que les mesures mises en place figurent bien parmi celles prévues à l’article R. 3211-1 du Code de la santé publique et que les mesures d’hospitalisation (hospitalisation à temps partiel ou séjour de courte durée à temps complet) sont conformes à leur appellation ou si, sous cette appellation, se cache en réalité une hospitalisation à temps complet.
C’est ainsi que dans une ordonnance de la Cour d’appel de Versailles (ordonnance de mainlevée du 21 mars 2014, n°14/01854, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2014-02-14-ca-versailles-mainlevee-spi-admission-retroactive.pdf), le juge a requalifié en hospitalisation complète un programme de soins comprenant deux jours de sortie par semaine : « Les modalités de l’hospitalisation, limitant les sorties à la journée, une ou deux fois par semaine, et une nuit au domicile de sa mère présentaient manifestement les caractères, non d’une hospitalisation à temps partiel, mais d’une hospitalisation complète, assortie de sorties de courte durée de 12 heures ou de sorties accompagnées d’une durée maximale de 48 heures, telles, que prévues par l’article L. 3211-1 du Code de la santé publique … S’il n’appartient pas au juge des libertés et de la détention d’apprécier le contenu des mesures de soins psychiatrique dispensées, il lui incombe de vérifier que ces mesures figurent bien parmi celles prévues par l’article R. 3211-1 du Code de la santé publique et notamment de vérifier si l’hospitalisation mise en place constitue ou non une hospitalisation à temps partiel ».
Suite à un pourvoi en cassation, la Cour de cassation (Cass, Civ 1, 4 mars 2015, n°14-17824, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030324357&fastReqId=569739700&fastPos=1) s’est montrée en harmonie avec l’analyse faite par le Conseil d’Etat. Confirmant l’ordonnance du premier président de la Cour d’appel de Versailles, la Cour de cassation a rendu l’arrêt dit des « faux programmes de soins », lequel énonce : « … que s’agissant des mesures prévues par un programme de soins, il incombe au juge de vérifier si l’hospitalisation mise en place constitue une hospitalisation à temps partiel au sens de l’article R. 3211-1 du Code de la santé publique et non une hospitalisation complète ; qu’après avoir constaté que le programme de soins incluait l’hospitalisation à temps partiel de Mme X… et limitait les sorties à une ou deux fois par semaine et une nuit par semaine au domicile de sa mère, le premier président a pu en déduire que ces modalités caractérisaient une hospitalisation complète assortie de sorties de courte durée ou de sorties non accompagnées d’une durée maximale de quarante-huit heures, telles que prévues à l’article L. 3211-1 du Code précité … ».
La Cour de cassation a rappelé récemment les droits du patient à se voir informé des décisions prises à son encontre : Cass. 1re civ., 25 mai 2023, no 22-12108 : « 6. Pour rejeter la demande de mainlevée de la mesure du programme de soins, l’ordonnance retient qu’aucune disposition législative ne prévoit une notification au patient d’une décision maintenant un programme de soins, sans en modifier substantiellement le contenu, dès lors qu’il a été informé du projet de décision et mis à même de faire valoir ses observations, et constate que les décisions mensuelles de maintien des soins ont été formalisées le jour même ou le lendemain des certificats médicaux établis par le psychiatre à la suite d’entretiens avec M. [C], au cours desquels celui-ci a été informé du maintien de la mesure.
7. En statuant ainsi, alors qu’il résulte de ses constatations que M. [C] n’avait pas été informé des décisions prises par le directeur d’établissement, le premier président a violé les textes susvisés. »
Cour d’appel de CAEN, Recours Soins psychiatriques, 11 juillet 2024, n°24/01610 : « Aux termes de l’article L3212-1 II 2° du code de la santé publique, le directeur de l’établissement hospitalier peut prononcer l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade lorsqu’il s’avère impossible d’obtenir une demande d’un tiers et qu’il existe, à la date d’admission, un péril imminent pour la santé de la personne dûment constaté par un certificat médical d’un médecin n’exerçant pas dans l’établissement d’accueil.En l’espèce, force est de constater qu’aucune difficulté n’est relevée dans la prise en charge de la patiente depuis la mainlevée de son hospitalisation complète sous contrainte à la faveur de la mise en place d’un programme de soins conformément à la décision du premier juge, et qu’aucun certificat médical actualisé n’est produit pour soutenir et justifier du contraire, de sorte que la nécessité de la poursuite de l’hospitalisation complète sous contrainte n’est plus démontrée. »
Outre la pratique des « faux programmes de soins », il n’est pas rare que soient découverts, à l’occasion des contrôles dans les établissements, :
- des programmes de soins non signés par les patients, ce qui interroge sur la réalité de la notification au patient ;
- des programmes de soins très anciens, ce qui interroge sur la conformité du document par rapport à l’actualité de l’état de santé du patient.
[1] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat et les soins psychiatriques sans consentement : Quels changements depuis 2011, document mis à jour le 23/12/2018, p. 48, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/panfili_jean-marc_2018-12-23_analyse_de_la_jpdce_mise_a_jour.pdf
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