Les décisions d’autorisation de sortie et de levée des mesures de soins sans consentement sont encadrées strictement.
Dans un arrêt de la CAA de Paris, du 25 septembre 2022, la Cour reconnaît pour la première fois, la faute d’un établissement de santé, ayant laissé sortir une personne souffrant de troubles psychiques, qui a, un an et deux mois plus tard, assassiné son ami lors d’une crise hallucinatoire. L’accusé, M.F, a été reconnu irresponsable pénalement. La famille de la victime a demandé au juge administratif, de reconnaître une faute de nature à engager la responsabilité de différents acteurs, dont l’établissement de Maison Blanche. Le tribunal administratif n’a pas fait droit à cette demande. La Cour administrative d’appel s’est prononcée, le 25 septembre 2022, après avoir recueilli des expertises.
- La décision de levée de l’hospitalisation d’office et de l’absence de mesures d’hospitalisation
La Cour relève que le préfet a ordonné la levée de l’hospitalisation d’office en se basant sur l’avis du psychiatre traitant, qui avait lui-même sollicité l’abrogation de cette mesure en expliquant alors que le patient « ne présentait plus d’idées délirantes ni de trouble thymique, et que son comportement dans le service était adapté ».
Pourtant, le rapport d’expertise souligne que le patient, pendant les jours et semaines précédant les faits : n’avait « toujours pas de reconnaissance de ses troubles », qu’il ne faisait « pas de réelle critique de ses troubles » et qu’il était « très revendicatif, très ambivalent aux soins ».
Dans ces circonstances, la Cour administrative d’appel de Paris estime que l’établissement de Maison Blanche « ne pouvait conclure que l’état de santé [du patient] justifiait que l’hospitalisation soit levée dès lors que ce dernier se trouvait encore dans un état d’échappement thérapeutique avec un déni persistant de sa maladie ». La Cour retient donc une faute de la part de l’établissement de Maison Blanche et infirme le jugement du tribunal administratif.
- L’inaction de l’établissement de Maison Blanche lors de l’interruption du traitement
La Cour relève qu’ « au moment de la situation délictueuse, le sujet était en échappement thérapeutique sans suivi régulier. Une rechute délirante, psychotique était active ». Pourtant, le psychiatre assurant le suivi de M.F était conscient des dangers d’un tel échappement thérapeutique pour son patient, et avait même expliqué, dans le cadre d’une procédure pénale, que « la plupart des troubles du comportement, qui ont entraîné ses actes de délinquance, sont survenus à des périodes hors hospitalisation où il n’était pas traité et après des hallucinations et des idées délirantes », les expertises relèvent également que le patient « avait cessé tous soin dès lors qu’il avait obtenu tous les papiers qu’il estimait utile ».
La Cour administrative d’appel de Paris conclut donc que « l’établissement de santé, […] ne pouvait ignorer les graves risques de rechutes psychotiques délirantes auxquels M. F… était exposé du fait de l’arrêt de son traitement en mai 2003 ; que l’établissement devait, par conséquent, adopter des mesures de nature à prévenir tout passage à l’acte hétéro et/ou auto-agressifs ; qu’en s’abstenant d’intervenir tout en connaissant les très graves risques encourus, l’établissement public de santé de Maison Blanche a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ».
La Cour estime que ces deux circonstances sont « à l’origine directe et certaine de la rechute délirante de M.F… lequel, privé de tout traitement, n’a pu éviter la crise hallucinatoire l’ayant conduit à assassiner M.E…A… ». Et condamne l’établissement de santé à verser 30 000 euros à la mère de la victime, et 15 000 euros au frère de la victime, en réparation du préjudice moral que ces derniers ont subi.
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