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Soins sans consentement à la demande d’un tiers (SDT)

I. L’admission (normale) à la demande d’un tiers

L’article L. 3212-1 du Code de la santé publique fixe les conditions d’admission en soins sans consentement à la demande d’un tiers (SDT) :
« I. – Une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l’objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 du Code de la santé publique que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1°. Ses troubles rendent impossible son consentement ;
2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d’une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l’article L. 3211-2-1 … »

Lorsque ces deux conditions de fond ne sont pas médicalement établies, le JLD décide de la mainlevée de la mesure.

Plusieurs éléments sont nécessaires, pour satisfaire à ces conditions.

A. Certificats médicaux

¨Pour satisfaire à ces conditions, deux certificats médicaux attestant de la présence de troubles mentaux et de l’impossibilité de consentir aux soins doivent être produits.

L’article L. 3212-1, II du Code de la santé publique précise : « … La décision d’admission est accompagnée de deux certificats médicaux circonstanciés, attestant que les conditions prévues aux 1° et 2° du présent article sont réunies … ».

Les « certificats médicaux », à la différence des « avis médicaux », doivent nécessairement :
– Faire suite à un examen clinique de la personne
– Être établis en conformité avec les règles de la déontologie médicale afférentes à ce type de document.

Les certificats médicaux qui ont accompagné la demande sont les éléments les plus importants pour le JLD chargé d’apprécier l’existence des conditions de fond posées par l’article L. 3212-1, I. Si des éléments médicaux plus récents sont apportés, ils ne sont utiles que pour vérifier le maintien de l’existence de ces conditions à la date à laquelle le JLD effectue son contrôle.

L’article L 3212-1, II du Code de la santé publique dispose :
« … Le premier certificat ne peut être établi que par un médecin n’exerçant pas dans l’établissement accueillant le malade; il constate l’état mental de la personne malade, indique les caractéristiques de sa maladie et la nécessité de recevoir des soins. Il doit être confirmé par un certificat d’un second médecin qui peut exercer dans l’établissement accueillant le malade … ».

Les rédacteurs du premier et du second certificats doivent donc être des praticiens différents, et à la compétence légale différente. Le non-respect de la compétence légale formulée par l’article L. 3212-1 constitue une irrégularité qui peut être soulevée devant le JLD[1].

Les certificats médicaux doivent apporter les preuves de la nécessité de la mesure. Voir l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille du 7 juillet 2008.

  • La notion de surveillance médicale constante

Les certificats médicaux doivent faire ressortir que l’état mental impose une « surveillance médicale » qui doit être « constante » (en hospitalisation complète) ou « régulière » (en soins ambulatoires) (article L. 3212-1, I-2°). Ceci ne signifie pas que le malade hospitalisé doit être surveillé vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ni qu’un médecin ou une équipe médicale doit être à son chevet en permanence, mais « qu’une équipe soignante engagée dans un projet thérapeutique est à tout moment susceptible d’intervenir en cas de besoin » (ministère des affaires sociales et de l’intégration, fiche ministérielle n°1 du 13 mai 1991).

Dans la jurisprudence, la notion de « surveillance médicale constante » déborde du champ des soins sans consentement à la demande d’un tiers et est mentionnée dans des décisions afférentes au champ des soins sans consentement sur décision du représentant de l’Etat.

B. La qualité de tiers (article L. 3212-1, II-1°)

Conformément à l’article L.3212_1, II-1° du Code de la santé publique, le « tiers » ayant « qualité pour agir dans l’intérêt » du malade, doit rentrer dans l’une des trois catégories :

  • celle de « membre de la famille du malade » ;
  • celle de « personne justifiant de l’existence de relations avec le malade antérieures à la demande de soins et lui donnant qualité pour agir dans l’intérêt de celui-ci… » 
  • celle de tuteur ou de curateur d’un majeur protégé.

  • Incompatibilités

Quelle que soit la catégorie à laquelle appartient le demandeur, il importe que ce dernier ne soit pas en conflit notoire avec le malade, comme l’a précisé la Cour de cassation le 18 décembre 2014 : : « La Cour attend une approche qualitative de l’intérêt du patient, ce qui exclut en l’occurrence, la sollicitation de tout proche en conflit connu avec le patient. Ainsi, la mainlevée peut être ordonnée par le JLD (TGI de Versailles, ordonnance de mainlevée du JLD du 5 mai 2015, n°15/00452) si le tiers demandeur est l’époux, et que la demande intervient dans un contexte de conflit conjugal, notamment une instance de divorce »[4].

L’article L. 3212-1 énonce aussi une incompatibilité à être tiers demandeur pour « des personnels soignants exerçant dans l’établissement prenant en charge la personne malade ». En revanche, les assistants sociaux de l’établissement, même s’ils font partie de l’équipe pluridisciplinaire de psychiatrie, ne rentrent pas dans la catégorie du « personnel soignant ». Le tribunal administratif de Limoges a ainsi rendu en 2009 un jugement dans lequel il reconnaît l’intérêt à agir des assistantes sociales mais annule la décision d’admission car cette dernière « n’avait pas justifié de relations antérieures avec la personne” internée (TA de Limoges, 9 avril 2009.

C. Conditions de forme

La demande du tiers doit être manuscrite, datée et signée

La demande du tiers doit répondre à certaines conditions de forme, sans que le JLD soit tenu de relever d’office une irrégularité.

L’article L. 3212-2 du Code de la santé publique dispose : 
« Avant d’admettre une personne en soins psychiatriques en application de l’article L. 3212-I, le directeur de l’établissement d’accueil s’assure de son identité. Lorsque la personne est admise en application du 1° du II du même article L. 3212-1, le directeur de l’établissement vérifie également que la demande de soins a été établie conformément au même 1° et s’assure de l’identité de la personne qui formule la demande de soin. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l’appui de sa demande un extrait de jugement de mise sous tutelle ou curatelle ».

D. Respect des délais

Le directeur de l’établissement décide dans le respect de délais.

La procédure d’hospitalisation à la demande d’un tiers est engagée dès lors qu’un tiers a signé une demande d’admission et qu’un premier médecin a rédigé un certificat médical conforme aux dispositions de l’article L. 3212-1. L’engagement de la procédure est créateur de droits pour la personne à l’égard de laquelle elle est engagée et d’obligations pour l’établissement d’accueil (et en premier lieu pour son directeur) (Ministère de la santé, fiche ministérielle n°1 du 13 mai 1991). 

Quelle que soit la forme du soin sans consentement, le directeur de l’établissement d’accueil dispose « d’une compétence liée pour toutes les décisions d’admission, de réadmission, de modification de la prise en charge ou de la levée de la mesure de soins qu’il prend » (rapport n°4402 du 22 février 2012 de la Commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale, p.23).

La décision d’admission en SDT est prise par le directeur de l’établissement d’accueil au vu des documents légaux qui lui ont été transmis (demande du tiers et certificats médicaux circonstanciés).

Le directeur de l’établissement qui admet une personne sans demande d’un tiers et des deux certificats médicaux encourt des peines correctionnelles d’emprisonnement et d’amende.  Le Conseil d’Etat, le 18 octobre 1989 considérait que le maintien en l’absence d’un tel « titre » de la personne « contre son gré…  dans le service constitue une voie de fait ».

a. La décision administrative d’admission doit être prise avant l’entrée dans l’unité de soins

L’absence matérielle de décision administrative d’admission est sanctionnée par la mainlevée de l’hospitalisation. (CA Versailles, ordonnance de mainlevée du 23 mai 2014).

La décision d’admission fait courir le délai légal du contrôle du JLD.

b. La production de l’acte administratif peut être retardée après l’entrée du patient dans l’unité de soins

Le Conseil d’Etat , dans un arrêt du 17 novembre 1997 a précisé que ce possible délai ne saurait dépasser le « temps strictement nécessaire » à l’élaboration de l’acte administratif et ne semble pouvoir être justifié qu’en raison de situations d’urgence et/ou de contraintes structurelles pesant sur l’administration hospitalière (lesquelles semblent davantage relever de la tolérance).

La jurisprudence judiciaire va dans le même sens [5] :

  • Une ordonnance de la CA de Paris du 2 mai 2017 (n°17/00154) a confirmé une mainlevée au motif que la décision du directeur d’admettre en hospitalisation sans consentement était rétroactive de deux jours par rapport à l’admission dans le service.
  • Délégation de signature

Selon les dispositions de droit commun fixées par le Code des relations entre le public et l’administration en ses articles L. 112-2 et L. 212-1, toute décision prise par une autorité administrative (et donc la décision d’admission en SDT) doit comporter la signature de son auteur, la mention lisible du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci.

S’il est possible, en vertu de l’article D. 6143-33 du Code de la santé publique, pour le directeur d’établissement, de déléguer sa signature, l’article D. 6143-34 précise que cette délégation doit mentionner :
– le nom et la fonction de l’agent auquel la délégation a été donnée ;
– la nature des actes délégués ; – – éventuellement les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d’assortir cette délégation.

Par ailleurs, Il est prévu par l’article D. 6143-35 du Code de la santé publique que les délégations doivent être « publiées par tout moyen les rendant consultables« .

Faute de délégation expresse et publique de signature, le JLD a ordonné une mainlevée en retenant l’incompétence de l’administrateur de l’hôpital(TGI de Dijon, 19 janvier 2012). Ce fut également le cas en appel (CAA Bordeaux, 27 novembre 2012, n°11BX03222). « Les juges rappellent que l’incompétence de l’auteur de l’acte constitue un moyen d’ordre public. Il apparait donc impératif que les pièces justifiant de la publication des délégations soient transmises au JLD. La signature doit être apparente sur les documents qui doivent comprendre de manière lisible le nom, le prénom et la qualité de son auteur, ceci afin de permettre toute vérification relative à la compétence. »

Cette exigence de précision a été confirmée en appel (CAA de Paris, 20 janvier 2014, n°12PA01934[6].

Cass Civ 1ère 16 octobre 2024 n°23-11.591 : Si le directeur de l’établissement hospitalier peut donner délégation de signature, celle-ci doit mentionner la nature des actes délégués. La délégation produite est une délégation générale, sans restriction, qui vaut pour tous les actes pouvant être pris par le directeur de l’établissement, donc aussi pour les décisions d’admission ou de maintien en hospitalisation sans consentement et de saisine du juge des libertés et de la détention.

c. cas particulier d’un passage de SPDT à SPDRE

Décision : Cour de cassation, 19 juillet 2022, n°22-70.007 : La Cour de Cassation a rendu la décision suivante: « lorsqu’une personne est hospitalisée d’abord sur décision du directeur d’établissement, puis sur décision du représentant de l’Etat, en application de l’article L. 3213-6 du code de la santé publique, le point de départ du délai de saisine du juge et, par là-même, du délai dont dispose le juge pour statuer, est :

– la date du prononcé de l’admission par le représentant de l’Etat dans le département si le juge des libertés et de la détention s’est déjà prononcé sur la décision prise par le directeur d’établissement ;

– la date du prononcé de l’admission par le directeur d’établissement si la décision du représentant de l’Etat dans le département intervient avant que le juge des libertés et de la détention ait statué sur la décision initiale. »

E. Notification de la décision à la personne et à son tuteur

La décision d’admission obéit à des règles d’information de la personne admise en soins sans consentement, conformément au troisième alinéa de l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique.

Enfin, l’article L. 3212-5 du Code de la Santé publique établit des règles d’information du représentant de l’Etat, ainsi que de la commission départementale des soins psychiatriques. Jean-Marc PANFILI souligne que : « L’article L. 3215-2 du Code de la santé publique dispose que le fait d’omettre d’adresser au représentant de l’Etat dans le département et dans les délais prescrits, la décision d’admission, les certificats médicaux, et le bulletin d’entrée, est passible d’emprisonnement et d’amende »[2].

L’article L3211-10 du CSP dispose « Hormis les cas prévus au chapitre III du présent titre, la décision d’admission en soins psychiatriques d’un mineur ou la levée de cette mesure sont demandées, selon les situations, par les personnes titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou par le tuteur. En cas de désaccord entre les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale, le juge aux affaires familiales statue. »

Dans un avis du 18 mai 2022, la Cour de cassation explique que cet article s’analyse comme excluant le recours à l’admission en soins psychiatriques contraint sur décision du directeur d’établissement pour les mineurs.

Le recours à l’hospitalisation sur décision du représentant de l’Etat reste possible.  

 II. L’admission à la demande d’un tiers en urgence (SDTU)

L’article L. 3212-3 du Code la santé publique prévoit  :
« En cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’atteinte à l’intégrité du malade, le directeur d’un établissement mentionné à l’article L. 3222-1 peut, à titre exceptionnel, prononcer à la demande d’un tiers l’admission en soins psychiatriques d’une personne malade au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement. Dans ce cas, les certificats médicaux mentionnés aux deuxième (certificat de vingt-quatre heures) et troisième alinéa (certificat de soixante-douze heures) de l’article L. 3211-2-2 sont établis par deux psychiatres distincts.

« Préalablement à l’admission, le directeur de l’établissement d’accueil vérifie que la demande de soins a été établie conformément au 1° du II de l’article L. 3212-1 et s’assure de l’identité de la personne malade et de celle qui demande les soins. Si la demande est formulée pour un majeur protégé par son tuteur ou curateur, celui-ci doit fournir à l’appui de sa demande un extrait de jugement de mise sous tutelle ou curatelle ». La demande de tiers doit être « établie conformément au 1° du II de l’article L. 3212-1 », et donc répondre à toutes les conditions de forme requises par le dispositif précédemment évoqué. L’allégement de la procédure tient dans le fait que le directeur de l’établissement peut prononcer l’admission « au vu d’un seul certificat médical émanant, le cas échéant, d’un médecin exerçant dans l’établissement ».


[1] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat, les soins, document mis à jour le 23/12/2018, p. 11

[2] Ibid., p. 53

Chapitres connexes :
  • L’admission en cas de péril imminent et d’impossibilité d’obtenir la demande de tiers (SPPI)
  • L’admission en soins sans consentement sur décision du représentant de l’Etat (SDRE)
  • L’admission en soins psychiatriques sans consentement des malades « médico-légaux » (irresponsables pénaux)
  • Les régimes « spéciaux » d’hospitalisation complète : UMD et UHSA
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