Le Code de la santé publique définit les modalités de soins en psychiatrie. Il a fait l’objet de réformes successives à rythme rapide visant à encadrer une étrangeté juridique : des privations de liberté prises par des médecins.
La loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 « relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge » a formulé le schéma général visant à « sécuriser les mesures de soins psychiatriques ». Cette loi a été modifiée par la loi n°2013-869 du 27 septembre 2013. Principes posés :
- les soins psychiatriques libres sont la règle et les soins psychiatriques sans consentement l’exception ;
- l’hospitalisation complète n’est plus que l’une des modalités de soins psychiatriques sans consentement ;
- l’hospitalisation complète est le passage obligé pour entrer en soins psychiatriques sans consentement ;
- au terme de la « période d’observation et de soins initiale » de soixante-douze heures, l’hospitalisation complète a vocation à s’ouvrirsur d’autres formes (« modalités ») de soins sans consentement.
- les soins psychiatriques sans consentement sont dispensés exclusivement dans des établissements « désignés » par le directeur général de l’agence régionale de santé (article L. 3221-1 du Code de la santé publique).
- les mesures de soins sans consentement n’ont pas vocation à être maintenues indéfiniment ;
- elles doivent être levées dès que les conditions qui les ont justifiées ne sont plus réunies.
Les législateurs successifs ont fait planer sur les éventuels infracteurs à ce double postulat (directeurs d’hôpitaux ou médecins) l’ombre tant de dispositions de droit pénal général, que de dispositions spécifiques formulées aux articles L. 3215-1 à L. 3215-4 du Code de la santé publique.
La jurisprudence du Conseil d’Etat a donné une qualification juridique aux pratiques d’infidélité à ces principes. Ainsi un arrêt du Conseil d’Etat (CE, 18 octobre 1989, n°75096, Mme BROUSSE, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000007765340&fastReqId=459229246&fastPos=1) explique : « Une personne majeure présentant des signes d’aliénation mentale ne peut être retenue contre son gré dans un établissement d’hospitalisation que pendant le temps strictement nécessaire à la mise en œuvre des mesures d’internement d’office ou de placement volontaire, prévues par le Code de la santé publique … dès lors, le maintien contre son gré dans le service constitue une voie de fait ».
Les législateurs de 2011 et de 2013 ont posé un troisième postulat. Désormais, avant toute décision prononçant le maintien des soins, le deuxième alinéa de l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique doit être appliqué. Il impose que : « L’avis de cette personne (la personne en soins psychiatrique sans consentement) sur les modalités de soins doit être recherché et pris en considération dans toute la mesure du possible ». Passer outre revient à prendre le risque de voir la décision faire l’objet d’une ordonnance de mainlevée du juge des libertés et de la détention (JLD), ainsi que l’a démontré un magistrat du TGI de Bordeaux. Ce dernier, dans une ordonnance du 16 avril 2013 (n°13/00440, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2013-04-16-jld-bordeaux.pdf), a levé la mesure sur le motif d’une procédure irrégulière de maintien de la mesure de soins car elle ne respectait pas la règle du principe du contradictoire.
La Cour de cassation a rendu ce principe applicable alors même qu’une décision de soins sans consentement n’en est qu’au stade du projet. Ainsi, dans une décision du 18 juin 2014 (n°13-16887, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000029115529&fastReqId=442068419&fastPos=1), la première chambre civile de la Cour de cassation a confirmé une levée de mesure en soulignant qu’il ne ressortait pas « des pièces produites par le préfet au soutien de sa saisine du juge des libertés et de la détention, et pas davantage lors des débats en appel, que le patient ait été avisé au préalable, au fin de recueil de ses observations, du projet de décision préfectorale d’admission en hospitalisation complète ». Enfin, le juge judiciaire (CA d’Aix-en-Provence, ordonnance de mainlevée du 25 juillet 2014, n°2014/104, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2014-07-25-ca-aix-en-provence-mainlevee-sdre-abs-de-contradictoire.pdf) a qualifié cette violation du principe formulé par l’article L. 3211-3 de « violation du principe du contradictoire (qui) porte atteinte aux droits » du patient.
La loi n°2016-41 de modernisation du système de santé du 26 janvier 2016 a ajouté des garanties en ce qui concerne la vérification de la nécessité et de la durée des mesures d’isolement et de contention. L’article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique organise trois garanties :
- les pratiques d’isolement et de contention doivent être un dernier recours ;
- dans chaque hôpital un registre des mises en isolement et en contention est créé;
- chaque établissement doit rédiger un rapport annuel précisant notamment la politique définie pour limiter le recours aux pratiques d’isolement et de contention.
Une décision du Conseil Constitutionnel du 19 juin 2020 (n° 2020-844 QPC, https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020844QPC.htm) a amené le gouvernement à organiser, dans l’urgence, à travers l’article 84 de la loi du 14 décembre 2020, le contrôle par le JLD de la durée de l’isolement et de la contention.
Par une ordonnance du 6 janvier 2021 (n°21/008), le JLD a accepté la transmission d’une QPC devant la Cour de cassation au sujet de l’article 84 de la Loi n°2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2021 modifiant les articles L3222-5-1, L3211-1-12, et L3211-12-1 du Code de la Santé publique, au regard des article 34 et 66 de la Constitution. Les dispositions contestées fixent les modalités d’information et de contrôle du juge judiciaire des mesures d’isolement et de contention mises en œuvre dans le cadre des mesures de soins psychiatriques lors d’une hospitalisation complète. Il leur est reproché de représenter un “cavalier social” car intégrées à un texte législatif n’ayant que pour but les ressources et dépenses de la sécurité sociale (atteinte à l’article 34 de la Constitution). De plus, les dispositions ne prévoient pas l’intervention systématique du juge pour des situations constitutives de privation de liberté (atteinte à l’article 66 de la Constitution).
Chapitres connexes :- Soins sans consentement à la demande d’un tiers (SDT)
- L’admission en cas de péril imminent et d’impossibilité d’obtenir la demande de tiers (SPPI)
- L’admission en soins sans consentement sur décision du représentant de l’Etat (SDRE)
- L’admission en soins psychiatriques sans consentement des malades « médico-légaux » (irresponsables pénaux)
- Les régimes « spéciaux » d’hospitalisation complète : UMD et UHSA
- La période initiale d’observation et de soins de 72 heures
- La saisine du juge des libertés et de la détention dans les 12 jours puis à 6 mois
- Le contrôle des soins sans consentement au-delà de la période d’observations et de soins initiale
- La saisine facultative du JLD à tout moment pour une levée d’hospitalisation
- Le contrôle judiciaire des mesures d’isolement ou de contention