L’article L. 3211-2-2 du Code de la santé publique énonce en son premier alinéa :
« Lorsqu’une personne est admise en soins psychiatrique en application des chapitres II et III du présent titre, elle fait l’objet d’une période d’observation et de soins initiale sous la forme d’une hospitalisation complète ».
Le dispositif afférent au déroulé de la « période d’observation et de soins initiale » est axé autour de l’obligation faite à un psychiatre de l’établissement d’accueil de produire des certificats médico-légaux, afin d’évaluer si l’état de santé de la personne justifie le maintien de la mesure de soins sans consentement aux deux échéances de vingt-quatre et soixante-douze heures.
Par deux fois le juge d’appel (CA de Versailles, 10 juillet 2014, n°14/04955, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2014-07-10-ca-versailles-mainlevee-hc-reintegration-pg-de-soins.pdf ; 15 septembre 2015, n°15/06413) a considéré qu’il est également nécessaire de produire ces deux certificats médico-légaux dans le cadre de la réintégration en hospitalisation complète d’un patient en programme de soins qui implique donc le même formalisme qu’une admission en hospitalisation complète.[1]
A. L’examen somatique complet et le certificat médical de 24 heures :
L’article L. 3211-2-2 du Code de la santé publique précise :
« … Dans les vingt-quatre heures suivant l’admission, un médecin réalise un examen somatique complet de la personne et un psychiatre de l’établissement d’accueil établit un certificat médical constatant son état mental et confirmant la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions définies aux articles L. 3212-1 ou L. 3213-1. … ».
La Cour d’Appel de Douai dans une ordonnance du 15 décembre 2016 (n°16/00122, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2016-12-15_c.a._douai_mainevee_sdt_et_frais_irrepteibles.pdf) a jugé que l’absence d’un tel examen somatique faisait grief au patient et justifiait la mainlevée de la mesure d’hospitalisation complète.
Toutefois, la Cour de cassation (Cass, Civ 1, 14 mars 2018, n°17-13223, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036741992&fastReqId=1815329287&fastPos=1) a considéré que l’examen somatique (à la différence de l’examen psychiatrique) ne donne pas lieu à l’établissement d’un certificat médical, ni ne figure au nombre des pièces obligatoirement adressées au JLD.
B. La décision à la fin de la période initiale d’observation et de soins
Conformément à l’article L. 3211-3 du Code de la santé publique, l’avis du patient doit être recherché et pris en compte avant que ne soit formulée la proposition de décision qui sera présentée à l’autorité administrative compétente à la fin de la période d’observation et de soins.
La procédure afférente à la fin de la période d’observation et de soins initiale est décrite par l’article L. 3211-2-2 :
« … Dans les soixante-douze heures suivant l’admission, un nouveau certificat est établi dans les mêmes conditions que celles prévues dans le deuxième alinéa du présent article.
Lorsque les deux certificats médicaux (certificat de vingt-quatre heures et certificat de soixante-douze heures) ont conclu à la nécessité de maintenir les soins psychiatriques, le psychiatre propose, dans le certificat mentionné au troisième alinéa du présent article, la forme de la prise en charge mentionnée aux 1° et 2° de l’article L. 3211-1 et, le cas échéant, le programme de soins. Cette proposition est motivée au regard de l’état de santé du patient et de l’expression de ses troubles mentaux ».
Ainsi, lorsque les deux certificats médicaux ont conclu à la nécessité de maintenir la mesure, la proposition d’orientation doit conclure en faveur de la poursuite de la mesure sous la forme d’une hospitalisation complète ou sous une forme ambulatoire.
Un certificat médical établi avant la fin de la période des 72h, en l’espèce 48h, ne peut être considéré comme ayant respecté les dispositions légales et la mainlevée sera ainsi ordonnée. (JLD Paris, 7 septembre 2020) : « Il apparait que le certificat médical de 72 h a en réalité été établi le 31 août 2020, soit 48 h seulement après l’admission de la patiente au sein de l’hôpital. Ce certificat médical établit 48 h après l’admission de la patiente ne peut constituer valablement le certificat médical qui est requis par la loi 72 h après l’arrivée de la patiente. Dans ces conditions, la procédure est entachée d’une irrégularité qui fait grief à la patiente. Il convient dès lors de rejeter la requête et d’ordonner la main levée de la mesure. Il convient néanmoins de décider que cette mainlevée prendra effet dans un délai maximal de 24 heures afin qu’un programme de soins puise, le cas échéant, être établi en application de l’article L.3211-2-1. »
Pour poursuivre sous la forme d’une hospitalisation complète, les pièces médicales doivent mentionner le risque d’atteinte à l’intégrité du malade ou d’autrui qui justifie cette orientation. Ainsi, le maintien de l’hospitalisation à temps complet ne peut être justifié uniquement par l’absence d’adhésion du patient aux soins. Dans un tel cas, le JLD ordonne la levée de la mesure, avec effet différé à vingt-quatre heures en vue de la mise en œuvre d’un programme de soins (CA de Grenoble, ordonnance du 2 février 2017, n°17/00003, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000034005835&fastReqId=1010096004&fastPos=2).
Quelle que soit la forme proposée et mise en œuvre, l’article L. 3211-11 du Code de la santé publique précise : « Le psychiatre qui participe à la prise en charge du patient peut proposer à tout moment de modifier la forme de la prise en charge mentionnée à l’article L. 3211-2-2 pour tenir compte de l’état de la personne. Il établit en ce sens un certificat circonstancié … ».
L’obligation d’effectuer des examens médicaux à l’issue des premières 24 et 72 heures s’applique également en cas de réadmission en hospitalisation complète.
Ainsi, dans un arrêt du 22 septembre 2022 (22/00145), la Cour d’appel de Chambéry a prononcé la mainlevée d’une mesure d’hospitalisation complète en expliquant notamment que « M. [U] [S] a, ainsi, été retenu hospitalisé à temps complet sans son consentement entre le 26 et 29 Août 2022 […] sans qu’il ne soit procédé à un examen somatique complet de sa personne avec établissement de certificats médicaux constatant, dans les 24 heures et 72 heures suivant sa réadmission, son état mental et confirmant, ou non, la nécessité de maintenir les soins psychiatriques au regard des conditions définies à l’article L. 3213-1 du code de la santé publique, ce qui lui a nécessairement causé grief. »
Ordonnance du Juge des libertés et de la détention près du Tribunal judiciaire de PARIS en date du 20 novembre 2023, RG 23/03798 : Décision de mainlevée de la procédure d’hospitalisation sans consentement en raison de l’établissement des deux certificats médicaux de 24 et 72 heures établis à la même date : « Il ressort de l’examen des pièces jointes à la saisine qu’ont été dressées à l’égard de l’intéressé deux certificats médicaux respectivement de 24 et 72 heures établis à la même date et portant des prescriptions identiques. Il s’en suit une irrégularité qui justifie la main levée de la mesure. ».
Cour de Cassation, 26 octobre 2022, n° 20-22.827 : 13. Pour écarter le moyen tiré de l’absence d’horodatage des certificats médicaux des vingt-quatre et soixante-douze heures ne permettant pas de vérifier le respect des délais légaux et autoriser le maintien de M. [N] en hospitalisation complète, l’ordonnance retient que la loi ne prévoit pas un tel horodatage et que le premier certificat a été établi le 25 septembre 2020, soit dans les vingt-quatre heures de l’admission décidée le 24, et le second le 27 septembre 2020, soit dans les soixante-douze heures de celle-ci.
14. En statuant ainsi, le premier président a violé le texte susvisé.
La présence d’un interprète est obligatoire lors d’une procédure d’hospitalisation sans consentement : Cour d’appel de Montpellier, 1ère chambre civile, 30 septembre 2024, n°24/04714 : La Cour d’appel rappelle que la personne hospitalisée d’office doit avoir accès à un interprète dès le début de la mesure s’il n’est pas en capacité de comprendre le français : « Il est exact que Monsieur [R] [N] n’a été assisté d’un interprète en langue espagnole lors des audiences judiciaires, alors qu’il ne pratique pas la langue française. La notification le 12 avril 2024 de l’arrêté préfectoral portant maintien de la mesure de soins psychiatriques datée du 11 avril 2024 mentionne ‘ ne peut pas lire le français’, sans préciser si la lecture de ce document lui a été faite en langue espagnole. La ‘barrière de la langue’ avait déjà été notée lors de la notification le 15 mars 2024 de l’arrêté portant admission en soins psychiatriques pris le 12 mars 2024, irrégularité purgée par la décision du juge des libertés et de la détention du 20 mars 2024.Aucune pièce du dossier ne justifie qu’il ait été informé de ses droits, de sa situation juridique et des voies de recours dans une langue qu’il comprend.
Au vu de ces éléments, la procédure ne respecte pas les conditions posées par l’article L 3211-3 du code de la Santé Publique, le patient n’ayant pu bénéficier d’un interprète dès le début de son hospitalisation, alors que cette formalité est essentielle au regard des libertés individuelles. Cette irrégularité lui fait nécessairement grief.En conséquence, il convient d’infirmer l’ordonnance déférée et d’ordonner la mainlevée de la mesure.«
C. Conditions de validité des certificats médico-légaux :
L’article L. 3211-2-2 du Code de la santé publique énonce aussi :
« … Ce psychiatre ne peut être l’auteur du certificat médical ou d’un des deux certificats médicaux sur la base desquels la décision d’admission a été prononcée ».
L’article L. 3211-2-2 est un texte de portée générale, applicable que les personnes concernées aient été admises en soins sans consentement à la demande d’un tiers, en péril imminent ou sur décision du représentant de l’Etat.
Concernant la compétence légale des médecins certificateurs, une ordonnance de la Cour d’appel de Paris (ordonnance de mainlevée du 26 janvier 2015, n°15/00034) « a prononcé la levée, au motif que le certificat médical d’admission et le certificat de 72 heures avaient été établis par le même psychiatre, en violation du troisième alinéa de l’article L. 3211-2-2 du CSP, exigeant l’intervention de deux praticiens différents »[2].
Le directeur de l’établissement a l’obligation d’adresser les certificats de vingt-quatre et soixante-douze heures au préfet et à la commission départementale des soins psychiatriques, conformément à l’article L. 3212-5, I lorsque le patient a été admis à la demande d’un tiers ou en péril imminent, et au deuxième alinéa de l’article L. 3213-1 pour les admissions en SDRE.
La rédaction des certificats médico-légaux est précisée par la jurisprudence. Ainsi, l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris, DAME ANDERSON c/CH ESQUIROL DE SAINT MAURICE (6 avril 2009, n°07PA02102, http://paris.cour-administrative-appel.fr/content/download/7953/23989/version/1/file/113-mars-avril-2009_1_2.pdf, pp. 78-80) explique que les certificats médico-légaux doivent renseigner « suffisamment clairement … sur l’existence, la nature et la persistance des troubles, sans qu’il soit nécessaire pour le médecin de viser expressément les dispositions du Code de la santé publique applicables à la situation ».
La Cour de cassation (Cass, Civ 1, 28 mai 2015, n°14-15686, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000030653178&fastReqId=730560502&fastPos=1) considère que, s’agissant des certificats médicaux relatifs à une admission en SDRE, le psychiatre n’est pas dans l’obligation de qualifier si l’état de la personne est susceptible de compromettre la sûreté des personnes ou de troubler l’ordre public.
Enfin, l’absence de respect des délais de production des certificats est régulièrement sanctionnée par le JLD (Tony GODET, Eric PECHILLON, Mélanie BIOTTEAU-LACOSTE, Jean-Louis SENON, Philippe GAILLARD, Annales médico-psychologiques, octobre 2017, n°8, pp. 681-682). En cas de défaut d’un certificat à l’échéance qui est la sienne, la mesure fait l’objet d’une mainlevée « automatique » et le patient peut :
- quitter librement l’établissement (sans que cette sortie puisse être qualifiée de fugue ou de sortie contre avis médical),
- ou demeurer dans l’établissement sous le régime de l’hospitalisation libre.
[1] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat et les soins psychiatriques sans consentement : Quels changements depuis 2011, document mis à jour le 23/12/2018, p. 45, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/panfili_jean-marc_2018-12-23_analyse_de_la_jpdce_mise_a_jour.pdf
[2] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat, les soins, document mis à jour le 23/12/2018, p. 11
Chapitres connexes :