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L’information obligatoire du tuteur/curateur tout au long de la procédure

 L’article 706-113 du CPP prévoit : « le procureur de la république ou le juge d’instruction avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles des poursuites dont la personne fait l’objet. Il en est de même si la personne fait l’objet d’une alternative aux poursuites, (d’une médiation), d’une composition pénale, ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou si elle est entendue comme témoin assisté. »

NB : Conseil constitutionnel, 18 janvier 2024, n°2023-1076 QPC : La QPC porte sur la première phrase du premier alinéa de l’article 706-113 du code de procédure pénale qui indique : « Sans préjudice de l’application des articles 706-112-1 à 706-112-3, lorsque la personne fait l’objet de poursuites, le procureur de la République ou le juge d’instruction en avise le curateur ou le tuteur ainsi que le juge des tutelles ». Cette disposition réglemente l’accès à l’information du dossier et des actes procéduraux d’un tuteur ou d’un curateur en cas de poursuites ou d’alternative aux poursuites concernant un majeur protégé.

Le Conseil constitutionnel a énoncé que : « Dès lors, en ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que la personne déférée fait l’objet d’une mesure de protection juridique, que le magistrat compétent soit, en principe, tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’être assistée dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense. ». Le Conseil constitutionnel a décidé de reporter au 31 janvier 2025 la date de l’abrogation de cet alinéa. En attendant, il a indiqué que, si, au cours de la procédure, des indices font apparaître que la personne susceptible d’être déférée fait l’objet d’une mesure de protection juridique, le curateur/tuteur doit être avisé par le magistrat compétent de son défèrement et, si tel est le cas, de sa retenue dans les locaux du tribunal.

Conseil constitutionnel, décision n°2024-1100 QPC du 10 juillet 2024 :

La Cour de cassation a saisi le Conseil constitutionnel concernant les deux derniers alinéas de l’article 706-113 du code de procédure pénale. Le requérant reproche à ces dispositions de ne pas prévoir que le curateur ou le tuteur d’un majeur protégé est avisé de la décision de saisie d’un immeuble appartenant à ce dernier qui est ordonnée au cours de l’enquête ou de l’instruction, ni, en cas de recours, de l’audience devant la chambre de l’instruction.

Le Conseil constitutionnel constate : « Toutefois, lorsqu’il apparaît au cours de la procédure que le propriétaire du bien saisi est un majeur protégé, ni les dispositions contestées ni aucune autre disposition législative n’imposent aux autorités judiciaires d’informer de la décision de saisie son curateur ou son tuteur. Il n’est pas non plus prévu que ce dernier soit avisé, en cas de recours, de la date de l’audience devant la chambre de l’instruction. Ainsi, le majeur protégé peut être dans l’incapacité d’exercer ses droits, faute de discernement suffisant ou de possibilité d’exprimer sa volonté en raison de l’altération de ses facultés mentales ou corporelles. Il est alors susceptible d’opérer des choix contraires à ses intérêts.

Dès lors, en ne prévoyant pas, lorsque les éléments recueillis au cours de la procédure font apparaître que le propriétaire du bien saisi fait l’objet d’une mesure de protection juridique, que le magistrat compétent soit, en principe, tenu d’avertir son curateur ou son tuteur afin de lui permettre d’être assisté dans l’exercice de ses droits, les dispositions contestées méconnaissent les droits de la défense. »

Il déclare donc les deux derniers alinéas de l’article 706-113 du code de procédure pénale contraires à la Constitution mais reporte au 1er juillet 2025 la date de l’abrogation de ces dispositions pour ne pas priver les majeurs protégés de l’obligation pour le procureur de la République ou le juge d’instruction d’aviser le curateur ou le tuteur des autres décisions prévues (non-lieu, relaxe etc.).

L’article 706-113 alinéa 5 du CPP indique que « le curateur ou le tuteur est avisé de la date d’audience ». L’article D 47-20 du CPP ajoute qu’« en matière correctionnelle et criminelle, ainsi que pour les contraventions de la 5e classe, le ministère public avise le curateur ou le tuteur de la date et de l’objet de l’audience par lettre avec AR, 10 jours au moins avant la date d’audience ». 

Dans un arrêt rendu le 19/09/2017, la Cour de Cassation, a confirmé que « le curateur d’une personne majeure protégée doit être avisé de la date de toute audience concernant la personne protégée, et ce y compris l’interrogatoire de première comparution devant le juge d’instruction ».

https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000035612587&fastReqId=251658703&fastPos=1

Le Conseil constitutionnel s’est également prononcé sur le sujet dans sa décision du 14 septembre 2018 faisant suite à une QPC: «  lorsque des poursuites pénales sont engagées à l’encontre d’un majeur protégé, le procureur de la République ou le juge d’instruction doit en informer son curateur ou son tuteur, ainsi que le juge des tutelles. Il en va de même lorsque le majeur protégé fait l’objet d’une alternative aux poursuites consistant en la réparation du dommage ou en une médiation, d’une composition pénale ou d’une comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ou lorsqu’il est entendu comme témoin assisté. Le curateur ou le tuteur est alors autorisé à prendre connaissance des pièces de la procédure et bénéficie de plusieurs prérogatives visant à lui permettre d’assurer la préservation des droits du majeur protégé. »  https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2018/2018730QPC.htm

L’obligation d’information avant le déclenchement des poursuites :

Cette exigence d’information du mandataire vaut également au stade de l’enquête.

Ainsi, dans le cas des perquisitions, l’article 706-112-3 du code de procédure pénale  prévoit : « lorsque les éléments recueillis au cours d’une enquête préliminaire font apparaître qu’une personne chez laquelle il doit être procédé à une perquisition fait l’objet d’une mesure de protection juridique révélant qu’elle n’est pas en mesure d’exercer seule son droit de s’opposer à la réalisation de cette opération, l’officier en avise par tout moyen son curateur ou son tuteur, afin que l’assentiment éventuel de la personne prévu aux deux premiers alinéas de l’article 76 ne soit donné qu’après qu’elle a pu s’entretenir avec lui. A défaut, la perquisition doit être autorisée par le juge des libertés et de la détention en application de l’avant-dernier alinéa du même article 76. ».

Ces exigences découlent notamment d’une modification de l’article 706-112-3 du code de procédure pénale, suite à la décision 2020-873 QPC du 15 janvier 2021 du Conseil Constitutionnel. Dans son ancienne rédaction, l’article ne prévoyait pas d’obligation d’aviser le tuteur ou le curateur préalablement à la réalisation de la perquisition, ce qui, selon le Conseil Constitutionnel, pouvait placer le majeur protégé « dans l’incapacité d’exercer avec discernement son droit de s’opposer à la réalisation d’une perquisition à son domicile » et méconnaissait le principe d’inviolabilité du domicile.

La Cour de cassation a également jugé le 22 juin 2021 que le délai de 6mois accordé au mis en examen pour soulever les nullités de la procédure ne s’appliquait pas au majeur protégé qui n’est pas accompagné par son tuteur ou son curateur. Dans ces circonstances, la Cour de cassation a considéré que « l’intéressé ne peut être regardé comme étant en mesure de connaître les éventuelles nullités affectant la procédure ».

Cass. crim., 6 juin 2023, n°23-81726, F–B : L’arrêt rendu par la Cour d’appel est cassé sur le fondement de l’article 706-113 du Code de procédure pénale, en raison du fait que le curateur (comme le tuteur) « doit être avisé de toute audience concernant le majeur protégé ». Or, en l’espèce, le courriel a été adressé à une adresse électronique qui n’est pas celle du curateur. En conséquence de cette cassation, la femme en curatelle a été remise en liberté, assortie d’une mesure de contrôle judiciaire.

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