A. Le rôle de la Chambre de l’Instruction :
C’est une chambre de la Cour d’appel qui statue en appel notamment :
- Sur les contentieux en matière d’instruction : celui de la détention provisoire (dans ce cas, en aucun cas, elle ne réexamine l’affaire et ne statue sur le fond) et celui du « fond » : requête en nullité, appel d’une ordonnance de règlement, appel d’un refus d’acte (en cas d’appel d’une ordonnance de règlement, elle réexamine l’affaire au « fond »). Dans les autres cas, elle ne peut le faire que si elle décide « d’évoquer l’affaire au fond »). La procédure d’évocation obéit à des règles strictes.
- Sur les décisions de placement en soins sans consentement à la demande du représentant de l’Etat (SPDRE).
- En matière de reconnaissance d’irresponsabilité pénale (voir paragraphe b).
Ses audiences sont contradictoires :
- L’intéressé doit obligatoirement être convoqué pour assister à l’audience et s’exprimer à peine de nullité de la procédure pour les appels des ordonnances de placement ou de maintien en détention provisoire. « Lorsque la chambre de l’instruction est saisie d’un recours contre une ordonnance d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental, le président procède à l’interrogatoire de la personne mise en examen, si elle est présente, et reçoit ses déclarations. L’interrogatoire de la personne mise en examen, dans le cadre de cette procédure, constitue une obligation substantielle. L’arrêt doit porter mention qu’il a été procédé, le cas échéant, conformément à la loi, à cet interrogatoire. […] La personne qui comparaît devant la chambre de l’instruction, saisie d’une ordonnance de transmission de pièces pour cause de trouble mental, doit être informée de son droit, au cours des débats, de faire des déclarations, de répondre aux questions qui lui sont posées ou de se taire. »» (cass. crim. 8 juillet 2020, n°19-85954, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000042128033&fastReqId=1674052700&fastPos=1).
- La présence de l’intéressé est soumise à l’appréciation de la Chambre de l’Instruction en cas d’appel de refus de mise en liberté avec demande de comparution personnelle. Une particularité existe dans le cas où l’intéressé n’a pas comparu personnellement dans les 4 derniers mois).
- Exception : en ce qui concerne les appels des ordonnances de règlement, des refus d’acte, ou requêtes ne nullité, il ne comparait pas.
La Chambre de l’Instruction rend des arrêts susceptibles de pourvoi en cassation dans un délai de 5 jours. En cassation, l’affaire est réexaminée sur la seule forme, la Cour s’assurant que toutes les procédures de l’instruction ont été respectées.
B. La reconnaissance de l’irresponsabilité pénale par la chambre de l’instruction :
À la fin de l’instruction, le magistrat instructeur qui envisage de déclarer la personne irresponsable pénalement (Article 122-1 alinéa 1 du code pénal) en informe le procureur de la République et les parties (Article 706-119 CPP).
Le procureur de la République dans ses réquisitions, et les parties dans leurs observations, doivent alors préciser si elles souhaitent saisir la Chambre de l’instruction pour qu’il soit statué sur l’irresponsabilité pénale de la personne mise en examen.
La procédure devant la Chambre de l’instruction peut aboutir au prononcé de mesures de sûreté telles que l’hospitalisation sans le consentement de la personne dans une unité de soins psychiatriques (Article 706-135 CPP). Lorsque le procureur de la République ou les parties ont précisé souhaiter que la Chambre de l’instruction soit saisie de la question de l’irresponsabilité pénale de la personne mise en examen, le magistrat instructeur ordonne, lors du règlement de l’instruction, la transmission du dossier par le procureur de la République au procureur général afin qu’il saisisse la Chambre de l’instruction. Il peut aussi ordonner d’office cette transmission (Article 706-120 CPP).
L’ordonnance de transmission de pièces prolonge les mesures de contrainte (détention provisoire et contrôle judiciaire) jusqu’à la comparution devant la chambre de l’instruction, sauf décision contraire du juge.
La procédure devant la Chambre de l’instruction (que ce soit en procédure d’appel ou en cas de saisine, suite à la transmission par le juge d’instruction), est prévue aux articles 706-122 et suivants du CPP.
En cas de saisine directe, la chambre doit statuer, si l’ordonnance de saisine n’a pas mis fin à la détention provisoire, dans les six mois de sa saisine en matière criminelle et dans les quatre mois en matière correctionnelle.
Les parties ou le procureur de la République peuvent demander la comparution personnelle de la personne mise en examen. Habituellement, la Chambre de l’instruction ordonne une expertise afin d’évaluer l’aptitude de l’intéressé à comparaitre devant elle. La chambre de l’instruction peut refuser sa comparution si son état de santé ne le permet pas.
Ainsi la chambre criminelle de la Cour de cassation, le 18 février 1998, statuant sur le fait que « la chambre d’accusation, après avoir exposé les faits et analysé les conclusions concordantes des quatre expertises psychiatriques et médico-psychologique, [a conclu] que l’inculpé, atteint d’une psychose dissociative de type schizophrénique, ayant commis » à son insu » les actes qui lui sont reprochés, n’est pas pénalement responsable ».
Elle a rejeté le pourvoi N° 97-81702 97-84855de parties civiles demandant la comparution du prévenu ainsi que la publicité des débats, considérant que la santé de celui-ci ne le permettait pas. Pour rejeter leur demande tendant à la publicité des débats et du prononcé de l’arrêt, les juges ont énoncé que l’article 199-1 du Code de procédure pénale « subordonne une telle mesure à la possibilité d’une comparution personnelle de la personne mise en examen à l’audience ». https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000007070111
Si la personne mise en examen comparait, il est procédé à son interrogatoire.
Les experts l’ayant examiné sont également entendus et « encourt la censure l’arrêt dont les mentions ne permettent pas à la Cour de cassation de s’assurer que l’un des experts, au moins, a été entendu. » (cass. crim. 8 juillet 2020, n°19-85954, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000042128033&fastReqId=1674052700&fastPos=1).
Les témoins cités par les parties ou le ministère public peuvent également être entendus. Leur audition est toutefois soumise à l’appréciation du président de la Chambre de l’instruction.
Des questions peuvent être posées à la personne mise en examen, à la partie civile, aux témoins ainsi qu’aux experts par le procureur général et les avocats de la personne mise en examen et l’avocat de la partie civile.
La chambre de l’instruction peut rendre une décision de non-lieu si les charges retenues contre la personne mise en examen ne sont pas suffisantes.
Elle peut également renvoyer la personne devant la juridiction compétente si les charges sont suffisantes et qu’elle ne fait pas application du premier alinéa de l’article 122-1 du code pénal.
Lorsqu’elle fait application de l’article 122-1 du code pénal, elle rend un arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale. Elle statue également sur la demande de dommages et intérêts et peut prononcer des mesures de sûreté dont l’hospitalisation sous contrainte (voir chapitre 8). L’arrêt de déclaration d’irresponsabilité pénale met fin à la détention provisoire ou au contrôle judiciaire. Il est susceptible d’un pourvoi en cassation (Article 706-126 CPP).
C. Soulever la nullité du rapport d’expertise :
La nullité du rapport d’expertise peut être soulevée devant la Chambre de l’instruction au cours de l’instruction, selon les règles communes des requêtes en nullité (Art 170 à 174-1 du CPP).
Pour rappel, le motif de la nullité doit être tiré de la méconnaissance d’une formalité substantielle du code de procédure pénale ou de toute autre disposition de ce code. Cette méconnaissance doit causer un grief aux intérêts de la personne mise en examen (Article 171 CPP). À titre d’exemple, est nulle une ordonnance du Juge d’instruction désignant des experts qui ne comporte pas la signature du magistrat (Cass. crim., 22 oct. 1986, n° 86-94398, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007061667&fastReqId=330661424&fastPos=1).
De même, « un expert ne figurant plus sur les listes prévues à l’article 157 du code de procédure pénale, même s’il a été admis à l’honorariat, ne peut être choisi à titre exceptionnel que par une décision motivée, faute de quoi la désignation est entachée de nullité » (Cass. crim., 13 nov. 2008, n° 08-81446, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000019771793&fastReqId=1484791773&fastPos=1).
Si « l’expert figurant sur l’une des listes prévues par l’article 157 du Code de procédure pénale n’a pas à renouveler, avant d’accomplir sa mission, le serment qu’il a prêté lors de son inscription sur cette liste » (Cass. crim., 30 avr. 1996, n° 96-80829, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000007066161&fastReqId=1062397969&fastPos=1), les experts ne figurant sur aucune des listes mentionnées à l’article 157 prêtent, chaque fois qu’ils sont commis, le serment prévu par la loi n° 71-498 du 29 juin 1971 relative aux experts judiciaires devant le juge d’instruction ou le magistrat désigné par la juridiction. Le procès-verbal de prestation de serment est signé par le magistrat compétent, l’expert et le greffier. En cas d’empêchement, dont les motifs doivent être précisés, le serment peut être reçu par écrit, et la lettre de serment est annexée au dossier de la procédure (Art. 160 du Code de procédure pénale).
Voir aussi fiche Stratégies de plaidoirie, le mémoire D, exemple de requête en nullité
Chapitres connexes :