Les droits de la défense sont particulièrement restreints au cours de l’enquête préliminaire. Si au cours de l’audition libre ou de la garde à vue, l’intéressé a le droit d’être informé des faits qui sont retenus contre lui et de la possibilité pour lui d’être assisté par un avocat, il ne peut en revanche contester à ce stade de la procédure la légalité des actes d’enquêtes ou former des demandes d’actes.
Il existe cependant une possibilité procédurale : l’avocat peut – sous certaines conditions – solliciter l’examen psychiatrique de son client au cours de l’enquête préliminaire. L’article 77-2 du code de procédure pénaleprévoit en effet la possibilité pour la personne ayant été entendue librement ou au cours d’une garde à vue de consulter le dossier de la procédure.
Cette demande doit être présentée :
- postérieurement à l’année qui s’est écoulée à compter du premier de ces actes,
- par lettre recommandée avec accusé de réception ou par déclaration au greffe contre récépissé.
Dans le cas où une telle demande lui a été présentée, le procureur de la République doit, lorsque l’enquête lui paraît terminée et s’il envisage de poursuivre la personne par citation directe ou selon la procédure prévue à l’article 390-1, aviser celle-ci, ou son avocat, de la mise à la disposition de son avocat, ou d’elle-même si elle n’est pas assistée par un avocat, d’une copie de la procédure et de la possibilité de formuler des observations ainsi que des demandes d’actes utiles à la manifestation de la vérité dans un délai d’un mois, par LRAR ou déclaration au greffe contre récépissé.
La lecture combinée des articles 77-1 et 77-2 du code de procédure pénale fonde la recevabilité d’une demande d’examen scientifique utile à la manifestation de la vérité (Cass. Crim. 31 mai 2016 n°14-87678, Non publié au Bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032634606&fastReqId=1164620052&fastPos=1). Une expertise psychiatrique est un examen scientifique utile à la manifestation de la vérité.
Toutefois, ces missions techniques ou examens scientifiques ne sont pas soumis à l’ensemble des prescriptions du code de procédure pénale relatives aux expertises et notamment à la possibilité de demander une contre-expertise (Cass. Crim 5 mars 2019 n°17-87402, Non publié au Bulletin, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000038238537&fastReqId=1307528213&fastPos=1). Dans le prolongement de ce motif, il a été jugé qu’une cour d’appel ne peut annuler un examen technique ou scientifique au seul motif de l’impossibilité d’ordonner un contre-examen (Même arrêt).
Par ailleurs, lorsque la personne poursuivie est déférée devant le procureur de la République qui envisage de la poursuivre selon la procédure de la comparution immédiate (ou de la comparution immédiate à délai différé) ou par convocation par procès-verbal, elle peut, par la voix de son avocat, soumettre à l’appréciation du procureur de la République l’opportunité de commettre un expert psychiatre (Article 393 CPP alinéa 4).
En cas de refus du procureur de la République de faire procéder à une expertise psychiatrique, l’avocat devra saisir la juridiction de jugement de cette demande. L’avocat en charge de la personne mise en examen et affectée de troubles psychiatriques qui souhaite convaincre les juges de l’abolition ou de l’atténuation du discernement de son client au moment des faits a intérêt à ce que la présence de ces troubles soit constatée par un expert judiciaire.
L’expertise diligentée au cours de l’instruction a un caractère contradictoire. L’avocat de la personne mise en examen peut demander la modification de la mission de l’expert ainsi qu’un complément d’expertise ou une contre-expertise. Si le recours contre l’ordonnance de rejet de la demande de commission d’expert est soumis au filtre du président de la Chambre de l’instruction, le respect du principe du contradictoire permet, le recours contre l’ordonnance de rejet de la demande de contre-expertise en appel.
Par sa décision une décision du 14 février 2024, la Cour de cassation a jugé que : « En dénaturant ainsi la teneur du rapport d’expertise selon lequel le prévenu ne semblait pas, sur le plan neurocognitif, à même de participer à une discussion, un échange, ou un interrogatoire, ce dont il résulte qu’il ne pouvait exercer de manière effective les droits de la défense lui étant reconnus et était inaccessible à une sanction pénale, la cour d’appel, qui devait surseoir à statuer ou bien, le cas échéant, faire application des dispositions de l’article 10, alinéa 4, du code de procédure pénale, n’a pas justifié sa décision au regard des textes susvisés et du principe ci-dessus rappelé. » « La cassation est par conséquent encourue de ce chef, sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs. » (Cour de cassation, Chambre criminelle, 14 février 2024, n° 23-80.759, Inédit)
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