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Dignité et détention – Le recours de l’article 803-8 du Code de procédure pénale

Suite à la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’Homme (CEDH) le 30 janvier 2020 (arrêt JMB et autres c/France) pour l’indignité de ses conditions de détention ainsi que l’absence de voie de recours effective pour y mettre un terme, l’Etat a été mis dans l’obligation de mettre en place une voie de droit pour les détenus permettant de répondre rapidement aux atteintes portées à leur dignité.

En effet, par une décision du 2 octobre 2020, le Conseil constitutionnel a considéré qu’il incombait au législateur de garantir aux détenus la possibilité de saisir le juge de conditions de détention contraires à la dignité de la personne humaine afin qu’il y soit mis fin .
La Cour de cassation avait déjà, le 8 juillet 2020, imposé au juge judiciaire d’ordonner la libération d’une personne en détention provisoire lorsqu’il n’existait aucun autre moyen de mettre fin à ses conditions de détention indignes.

C’est ainsi qu’une procédure particulière a été mise en place par la loi n° 2021-403 du 8 avril 2021 « tendant à garantir le respect de la dignité en détention » : article 803-8 du Code de procédure pénal), tant pour les détenus incarcérés à titre préventif que pour les détenus condamnés.

Peuvent être saisis :

  • Le juge des libertés et de la détention (JLD) en cas de détention provisoire (article 144-1 du code de procédure pénale, al.2 : « Sans préjudice des dispositions de l’article 803-8 garantissant le droit de la personne d’être détenue dans des conditions respectant sa dignité, le juge d’instruction ou, s’il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, selon les modalités prévues à l’article 147, dès que les conditions prévues à l’article 144 et au présent article ne sont plus remplies. »
  • Le juge de l’application des peines (JAP) en cas de condamnation (article 707 du code de procédure pénale : « III.-Toute personne condamnée incarcérée en exécution d’une peine privative de liberté bénéficie, chaque fois que cela est possible, d’un retour progressif à la liberté en tenant compte des conditions matérielles de détention et du taux d’occupation de l’établissement pénitentiaire, dans le cadre d’une mesure de semi-liberté, de placement à l’extérieur, de détention à domicile sous surveillance électronique, de libération conditionnelle ou d’une libération sous contrainte, afin d’éviter une remise en liberté sans aucune forme de suivi judiciaire. Le droit de cette personne d’être incarcérée dans des conditions respectant sa dignité est garanti par l’article 803-8. »)

Le requérant doit apporter, lors de l’introduction de sa requête, un commencement de preuve constitué « des allégations circonstanciées, personnelles et actuelles » de ses conditions de détention. Il pourra demander à se faire entendre s’il l’estime nécessaire. 

Dans un premier temps, le juge vérifie les allégations et recueille les observations fournies dans un délai de 10 jours par l’administration pénitentiaire. Il signale ensuite à l’administration les conditions de détention contraires à la dignité et lui accorde un délai de 10 jours à un mois pour y remédier. Celle-ci doit alors prendre toutes les mesures utiles, quitte à transférer le requérant dans un autre établissement pénitentiaire. 

Passé ce délai, si le juge constate qu’aucune mesure efficace n’a été prise pour mettre fin aux conditions de détention indignes, il peut ordonner par une décision motivée :

  • Le transfèrement ou l’aménagement de peine de la personne détenue 
  • La mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, éventuellement assortie d’un contrôle judiciaire ou d’une assignation à résidence avec bracelet électronique 

Cependant, le juge peut refuser d’ordonner de telles mesures si le requérant s’est préalablement opposé à un transfèrement proposé par l’administration pénitentiaire. Le requérant ne peut refuser le transfert que s’il porte une « atteinte excessive au droit au respect de sa vie privée et de sa vie familiale » en raison du lieu de résidence de sa famille. 

Enfin, ce recours peut se combiner aux procédures administratives. Il n’exclut pas, en effet, la possibilité de saisir le juge administratif des recours prévus aux articles L 521-1 à L 521-3 du Code de justice administrative. Cependant, ces procédures de référé sont limitées par les conditions strictes posées : le juge ne peut ordonner des mesures qu’au regard des moyens dont dispose l’administration pénitentiaire et des mesures déjà prises. 

Aussi, si les allégations de la requête du détenu sont « circonstanciées, personnelles et actuelles », le juge judiciaire la déclare recevable, fait procéder aux vérifications nécessaires et recueille les observations de l’administration pénitentiaire dans un délai de trois à dix jours.

Les décisions du juge peuvent faire l’objet d’un appel dans les 10 jours de la notification de la décision. L’appel du ministère public est suspensif s’il est formé dans un délai de 24 heures. 

Ce texte crée, en apparence, un recours efficace contre les conditions indignes de détention. Cependant, la Contrôleur générale des lieux de privation des libertés, Mme Dominique Simmonot, a observé que ce recours « ne peut être regardé comme suffisant pour préserver les droits des personnes détenues. Il semble au contraire avoir pour objectif principal de limiter les conséquences des jurisprudences en faisant obstacle aux recours qu’elles créent et même en restreignant les prérogatives du juge au profit de celles de l’administration pénitentiaire »[1]. Le rôle du juge semble relativement limité lors de la première phase du recours : Il constate simplement l’existence de conditions de détention indignes et demande à l’administration pénitentiaire d’agir. Celle-ci est seule compétente dans le choix des mesures à prendre et aucun pouvoir d’injonction déterminée n’est offert au juge. De plus, le risque de se voir éloigner de leurs familles risque de dissuader les détenus et prévenus de se saisir de ce recours prévient l’Observatoire international des prisons[2].

Le Conseil national des barreaux (en partenariat avec l’OIP, A3D, le Syndicat des avocats de France et le Syndicat de la magistrature) organise des séminaires et met à disposition des avocats tout support utile à l’exercice de ce recours.
Revoir le webinaire  » Indignité des conditions de détention« .


[1] Lettre du CGLPL au Président et aux membres de la Commissions des lois du Sénat, réf. N° 173516/MS, 2 mars 2021. (http://www.senat.fr/seances/s202103/s20210308/s20210308002.html)

[2] Observatoire international des prisons (OIP)–Section française, « Dignité en détention : une loi en demi-teinte qui manque son objectif », 19 mars 2021 (https://oip.org/communique/dignite-en-detention-une-loi-en-demi-teinte-qui-manque-son-objectif/)

Chapitres connexes :
  • Interdiction traitements inhumains et infamants, des atteintes à la dignité
  • Non-respect du droit aux soins en prison
  • Mesures disciplinaires en milieu pénitentiaire
  • Comparaison du respect des droits en prison dans huit pays européens
  • L’indemnisation à raison d’une détention
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