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La saisine du juge des libertés et de la détention dans les 12 jours puis à 6 mois

Le législateur de 2011 charge le juge judiciaire d’assurer à échéances régulières le contrôle de la légalité des hospitalisations sans consentement. Ce contrôle, qui se poursuit au fil de l’hospitalisation sans consentement, débute par la vérification systématique de la régularité de la procédure d’admission.

A. Calendrier des interventions obligatoires du JLD

L’article L. 3211-12-1, I du Code de la santé publique énumère les échéances auxquelles le JLD doit intervenir pour statuer sur la légalité de la mesure privative de liberté :

« I – L’hospitalisation complète d’un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention (JLD), préalablement saisi par le directeur de l’établissement, lorsque l’hospitalisation a été prononcée en application du chapitre II du présent titre ou par le représentant de l’Etat dans le département lorsqu’elle a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l’article L. 3214-3 du présent Code  ou de l’article 706-135 du Code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure :

1° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de l’admission prononcée en application des chapitres II ou III du présent titre ou de l’article L. 3214-3 du même code. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette admission ;

2° Avant l’expiration d’un délai de douze jours à compter de la décision modifiant la forme de la prise en charge du patient et procédant à son hospitalisation complète en application, respectivement, du dernier alinéa de l’article L. 3212-4 ou du III de l’article L. 3213-3. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi dans un délai de huit jours à compter de cette décision ;

3° Avant l’expiration d’un délai de six mois à compter soit de toute décision judiciaire prononçant l’hospitalisation en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale, soit de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L. 3211-12 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Toute décision du juge des libertés et de la détention prise avant l’expiration de ce délai en application du 2° du présent I ou de l’un des mêmes articles L. 3211-12 ou L. 3213-9-1, ou toute nouvelle décision judiciaire prononçant l’hospitalisation en application de l’article 706-135 du code de procédure pénale fait courir à nouveau ce délai. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi quinze jours au moins avant l’expiration du délai de six mois prévu au présent 3°.

Toutefois, lorsque le juge des libertés et de la détention a ordonné, avant l’expiration de l’un des délais mentionnés aux 1° à 3° du présent I, une expertise soit en application du III du présent article, soit, à titre exceptionnel, en considération de l’avis mentionné au II, ce délai est prolongé d’une durée qui ne peut excéder quatorze jours à compter de la date de cette ordonnance. L’hospitalisation complète du patient est alors maintenue jusqu’à la décision du juge, sauf s’il y est mis fin en application des chapitres II ou III du présent titre. L’ordonnance mentionnée au présent alinéa peut être prise sans audience préalable. »

Les délais fixés pour l’intervention du juge sont impératifs ; il en est de même en ce qui concerne les délais dans lesquels le directeur de l’établissement ou le préfet doit saisir le JLD.

Sur la chronologie : la 1ère chambre civile de la Cour de Cassation a rejeté (21 novembre 2019, n°19-20513, https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/premiere_chambre_civile_568/1075_21_43939.html) l’argument selon lequel que « la décision d’admission en soins psychiatriques sans consentement du directeur du centre hospitalier [devrait] précéder l’admission effective du patient ».

Sur le délai de 12 jours pour la première saisine du JLD :

  • La cour d’appel de Douai a rendu le 8 janvier 2013 une ordonnance (n°13/00003) confortant la mainlevée du JLD qui n’avait pas été mis en mesure de statuer dans les 12 jours de sa saisine. La cour précise que le non-respect du délai imparti au juge pour statuer « cause nécessairement un grief au patient, car une hospitalisation sous contrainte qui s’en trouve ainsi, de ce fait même, prolongée abusivement, est une mesure gravement attentatoire à la liberté individuelle ».
  • La première chambre civile de la Cour de Cassation a précisé, dans un arrêt du 7 novembre 2019, (n°19-18262, https://www.dalloz-actualite.fr/flash/soins-psychiatriques-sans-contentement-pratiques-de-contrainte-et-d-isolement-hors-controle#.XfkBLdVKiM8) que le « jour de l’évènement » qui fait courir le délai de 12 jours du contrôle obligatoire de la mesure par le JLD n’est pas celui de l’admission en soins, mais la date à laquelle la décision administrative d’admission en soins psychiatriques sans consentement a été prise par le directeur du centre hospitalier.
  • La première chambre civile de la Cour de cassation a précisé, dans un arrêt du 24 mai 2018, que le Juge des libertés et de la détention doit être saisi dans les 8 jours à compter de la décision d’admission, même en cas de fugue du patient :

« Vu l’article L. 3211-12-1 du code de la santé publique ;
Attendu qu’il résulte du I de ce texte que le juge des libertés et de la détention est saisi dans un délai de huit jours à compter de la décision prononçant l’admission ou la réadmission du patient en hospitalisation complète, et de son IV que, s’il est saisi après l’expiration de ce délai, le juge constate sans débat que la mainlevée de l’hospitalisation complète est acquise, à moins qu’il ne soit justifié de circonstances exceptionnelles à l’origine de la saisine tardive et que le débat puisse avoir lieu dans le respect des droits de la défense ;

Attendu que, pour déclarer la saisine régulière, après avoir constaté la fugue de M. X…, l’ordonnance retient que le juge était en mesure de statuer dans le délai de douze jours à compter de la décision de réadmission, et que le délai de huit jours pour le saisir a pour seul objet de permettre l’organisation de l’audience ;
Qu’en statuant ainsi, alors qu’il constatait que le juge des libertés et de la détention avait été saisi plus de huit jours après la décision d’admission du patient en hospitalisation complète, le premier président, qui n’a pas relevé l’existence d’une circonstance exceptionnelle, a violé le texte susvisé ;
(Civ 1ère, 24 mai 2018, 17-21.056)

Sur le délai de 6 mois pour la deuxième saisine du JLD :

Le délai de 6 mois commence à courir à compter de la date de la décision judiciaire prononçant l’hospitalisation du patient et non pas la date de la mise en œuvre par le préfet de la décision judiciaire. (Cass. Civ 1. 8 juillet 2020, n°19-18.839, https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/arrets_publies_2986/premiere_chambre_civile_3169/2020_9633/juillet_9808/428_8_45143.html)

L’article L. 3211-12-1 précise par ailleurs que la saisine « est accompagnée de l’avis motivé d’un psychiatre de l’établissement d’accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l’hospitalisation complète … ». Cet avis est indispensable, aussi bien pour la poursuite des soins à la suite d’une admission, que pour la poursuite des soins au-delà de chacune des échéances fixées pour le contrôle de plein droit. En l’absence de cet avis, la saisine du JLD se trouve frappée d’une irrégularité constitutive d’une atteinte aux droits.

L’article précise également le cas particulier des patients médico-légaux : « … Lorsque le patient relève de l’un des cas mentionnés au II de l’article L. 3211-12, l’avis prévu au premier alinéa du présent II est rendu par le collège mentionné à l’article L. 3211-9 ».

B. Nature et étendue de la compétence du JLD

La compétence attribuée au juge des libertés et de la détention (JLD) repose sur l’article L. 3216-1 du Code de la santé publique :

« La régularité des décisions administratives (de soins psychiatriques sans consentement) prises en application des chapitres II à IV du présent titre ne peut être contestée que devant le juge judiciaire.

… L’irrégularité affectant une décision administrative … n’entraine la mainlevée de la mesure que s’il en est résulté une atteinte aux droits de la personne qui en faisait l’objet … »

Il n’est pas demandé au juge judiciaire d’agir comme un juge administratif (et par suite d’annuler les décisions administratives illégales pour des questions de forme), mais de rechercher si, de l’irrégularité de la procédure, il est résulté une « atteinte aux droits de la personne ». Selon Jean-Marc PANFILI[1] : « la loi qui ne qualifie pas l’atteinte, n’exige ni une atteinte ‘’grave’’, ni une atteinte particulière. Il est donc possible d’en déduire que toute irrégularité entraîne une atteinte aux droits. …  En conséquence, l’ensemble des illégalités soulevées entraînera la nullité juridique des mesures dans leurs effets ». Le juge judiciaire est par ailleurs libre de son appréciation de l’irrégularité.

Le Tribunal des Conflits a considéré, dans sa décision du 9 décembre 2019 (n°C4174, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriAdmin.do?oldAction=rechJuriAdmin&idTexte=CETATEXT000039655557&fastReqId=1284976408&fastPos=1) sur saisine du Conseil d’Etat, que le juge judiciaire dispose du pouvoir d’annuler une décision de soins sans consentement. L’arrêt a ainsi souligné que la juridiction judiciaire est « seule compétente pour apprécier non seulement le bien-fondé mais également la régularité d’une mesure d’admission en soins psychiatriques sans consentement et les conséquences qui peuvent en résulter » ; dès lors, « toute action relative à une telle mesure doit être portée devant cette juridiction à laquelle il appartient d’en prononcer l’annulation ».

Elle se fait sur le fondement de l’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique en vue du contrôle de plein droit du JLD :                        

L’article L. 3211-12-1 du Code de la santé publique pose le principe selon lequel le JLD a l’obligation d’intervenir à des échéances précises lorsque l’hospitalisation complète sans consentement d’un patient a été prononcée (c’est le « contrôle de plein droit »). Il ne prévoit en revanche aucune compétence de plein droit du JLD dans le cas des personnes soumises à un programme de soins ambulatoire.

Quel que soit le mode d’admission sans consentement, le terme « hospitalisation » englobe :

  • la « réintégration d’un patient en hospitalisation complète après une interruption » ;
  • la « transformation d’un programme de soins en hospitalisation complète » ;
  • la « réadmission du patient en hospitalisation complète ».  

La responsabilité de la saisine du JLD incombe à l’autorité qui se trouve à l’origine de la décision de soins. Ainsi, comme le relève Jean-Marc PANFILI : « En ce qui concerne la saisine du JLD, dans le cas d’une mesure de SDRE, l’hôpital n’est pas compétent pour le saisir. Cette saisine relève de la compétence exclusive de la préfecture qui est le donneur d’ordre (CA de Reims, ordonnance de mainlevée du 8 décembre 2016, n°16/00098, https://psychiatrie.crpa.asso.fr/IMG/pdf/2016-12-08_c.a._reims_mainlevee_sdre.pdf). La saisine du JLD par l’hôpital d’accueil est considérée, dans le cas d’espèce, comme irrecevable par le juge d’appel. En conséquence de l’irrecevabilité, l’ordonnance de maintien de la mesure prise par le premier juge est infirmée et la mainlevée est ordonnée. … La Cour de cassation (Cass, Civ 1, 22 février 2017, n°16-13824, https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000034086815&fastReqId=625713226&fastPos=1) a retenu que ce dernier (le JLD) doit vérifier si le signataire de la requête (directeur ou préfet selon le cas), avait qualité pour le saisir, le cas échéant au titre d’une délégation de signature. Ainsi, lorsque l’irrégularité qui affecte la requête qui saisit le JLD est constituée, la requête est irrecevable. Il n’y a pas à justifier d’un grief puisque dans cette hypothèse c’est une irrégularité de procédure de saisine du juge, qui entraîne la mainlevée »[2]. 

Les juridictions interprètent en principe strictement le « I » de l’article L. 3211-12. C’est ainsi que la CA de Rennes (ordonnance du 28 septembre 2012, n°12/00228) a considéré que le premier alinéa de l’article L. 3211-12 ne donne le pouvoir au JLD que « d’ordonner la mainlevée de l’hospitalisation complète », ou de « statuer sur l’opportunité de la transformation d’un programme de soins vers une hospitalisation complète », à l’exclusion de toutes autres possibilités. En l’espèce, la Cour d’appel a rejeté les demandes de la patiente requérante portant sur :

  • la modification de son programme de soins ;
  • la suspension de l’augmentation de la dose de Risperdal qui devait lui être administrée ;
  • l’augmentation du nombre de permissions de sorties qui lui étaient accordées.

S’agissant de l’interprétation de la Cour de cassation, Eric PECHILLON fait observer que « la Cour distingue bien le contentieux de la légalité de l’admission (qui relève de la compétence du juge de la liberté et de la détention) de celui qui pourrait survenir lorsqu’un patient conteste les modalités de sa prise en charge » (Santé mentale, n°243, décembre 2019, p.9).

Par suite, « Si un patient estime que l’usage effectif de la contrainte n’est pas nécessaire, adapté et proportionné à son état …  Il agira en tant qu’usager du service public de santé et pourra notamment saisir le juge administratif, au besoin par le biais d’un référé liberté … ». Le patient fondera alors sa requête sur l’article L. 521-2 du Code de justice administrative. Dans le cadre de cette procédure, le juge des référés statue en référence à deux autres articles :

  • l’article L. 522-1 qui indique que : « Le juge des référés statue au terme d’une procédure contradictoire ou orale… »
  • l’article L. 5 qui développe que : « L’instruction des affaires est contradictoire. Les exigences de la contradiction sont adaptées à celles de l’urgence ».

Dans un arrêt récent, la Cour de cassation précise que le juge ne peut pas lever la mesure en apportant une appréciation d’ordre médical, qui au demeurant diffère de celle des médecins. La frontière est fine mais nette. Le rôle du juge se limite à s’assurer de la régularité de la mesure et de sa cohérence au regard des éléments médicaux fournis (Cass. 1re civ., 8 février 2023, no 22-1D0852).


[1] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat et les soins psychiatriques sans consentement : Quels changements depuis 2011, document mis à jour le 23/12/2018, p. 7

[2] Jean-Marc PANFILI – Le juge, l’avocat, les soins, document mis à jour le 23/12/2018, p. 11

Chapitres connexes :
  • La période initiale d’observation et de soins de 72 heures
  • Le contrôle des soins sans consentement au-delà de la période d’observations et de soins initiale
  • La saisine facultative du JLD à tout moment pour une levée d’hospitalisation
  • Le contrôle judiciaire des mesures d’isolement ou de contention
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